Revenu de base - Salaire universel

Liberation.fr :Benoît Hamon : « Le revenu universel est une invitation à s’épanouir »

Janvier 2017, par infosecusanté

Benoît Hamon : « Le revenu universel est une invitation à s’épanouir »

Extrait de l’intterview de Libération.fr
Le 6 Janvierr 2016

Ça ne vous exonère pas de préciser, par exemple, votre projet de revenu universel. Il coûterait près de 300 milliards d’euros, ce qui paraît exorbitant par rapport au budget annuel de la France. Concrètement, comment vous faites ? Qui touche quoi ? Quand ?

C’est comme la Sécurité sociale. Elle a évolué et évolue encore. Ce qui changerait fondamentalement, c’est donner une allocation à tous, universelle. Un journaliste me disait, surpris, que Carlos Ghosn [PDG de Renault, ndlr] recevrait la même allocation que lui. On rembourse bien la grippe de monsieur Ghosn comme la grippe de n’importe qui ici ! Pour ce faire, nous allons donc construire des formes de redistribution permettant progressivement de financer le revenu universel. Afin de toucher notamment les femmes, surreprésentées dans les emplois peu ou pas qualifiés, les métiers les plus pénibles, avec les horaires les plus décalés. Si demain vous proposez à une auxiliaire de vie, payée 1 300 euros par mois, de baisser son temps de travail en maintenant son pouvoir d’achat, elle le fera immédiatement.

Vous n’avez pas peur de créer un « salaire maternel » ? N’est-ce pas une façon de renvoyer les femmes à la maison ?

Non, car c’est la possibilité pour elles de continuer à travailler, tout en disposant de moyens pour pouvoir réduire leur temps de travail. Ce qui m’intéresse, c’est qu’elles tirent de leur travail un revenu leur permettant de faire face à leurs besoins, mais surtout qu’elles aient les moyens de travailler moins quand leur travail constitue une peine ! Pour des organisations du travail davantage bienveillantes, je veux redonner du pouvoir aux travailleurs afin qu’ils choisissent leur temps de travail et soient ainsi plus libres. Le revenu universel permet cela. Il change complètement le rapport de force dans l’entreprise. Je reprends l’exemple de mon auxiliaire de vie : aujourd’hui, on leur demande de faire des toilettes de personnes âgées en dix minutes, là où elles ont besoin de trente. Quand on les interroge, ces salariées expliquent qu’elles maltraitent les patients dans leurs établissements, qu’elles perdent l’estime de soi en faisant mal leur travail. Alors oui, si le revenu universel est un moyen de se libérer d’un temps de travail où on ne s’épanouit pas, c’est un progrès. Le travail ne se résume pas à l’emploi. Les bénévoles n’ont pas de gratification, et pourtant ils font un travail ! Le revenu universel apporte une forme de reconnaissance au travail qui existe en dehors de l’emploi. C’est aussi une invitation à s’épanouir dans d’autres activités que l’emploi.

Vous ne répondez pas : à quel horizon ? Comment ?

Je vois trois étapes. La première, c’est la revalorisation et la distribution automatique des minima sociaux - on peut ainsi imaginer que l’Etat reprenne cette compétence aux départements - et leur attribution aux jeunes. Car nous sommes le seul pays qui considère qu’à partir de 18 ans, il faut en baver - pas d’allocations chômage, pas de minima sociaux - au motif qu’il ne faudrait pas faire rimer insertion professionnelle avec assistanat. Dans quel autre pays voit-on cela ? Le revenu universel doit donc d’abord concerner les 18-25 ans.

Vos concurrents socialistes vous reprochent de laisser la « valeur travail » à l’adversaire…

Quand on autorise, par accord d’entreprise, la baisse du tarif des heures supplémentaires, c’est-à-dire le « travailler plus pour gagner moins », où est la valeur travail ? Qu’on arrête avec ces formules…

Vous ne répondez toujours pas à la question : quel horizon ?


Deuxième étape, celle d’une généralisation. Il faudra alors voir, en fonction des expérimentations et de ce qu’on aura fait pour les jeunes, si cette allocation distribuée à tous sera accordée sous condition de ressources - moins de 2 000 euros - ou pas. Cela permettrait de viser les emplois les moins bien payés et pour lesquels on veut accorder de l’autonomie. Le revenu universel est un des instruments par lequel on organise la réduction du temps de travail.

Et la troisième étape ? Celle de la généralisation totale. A quelle échéance ?

Aujourd’hui, je ne peux pas dire « 2022 », par exemple… Je souhaite que cela puisse se faire à l’échelle du quinquennat. Mais je me refuse de dire cela.

Pourquoi ?

Parce que nous sommes sur un processus. C’est comme si on avait dit, pour la Sécurité sociale, que nous aurions tel niveau de prestation à telle échéance. Mais on avancera dans l’agenda. Ce que je souhaite, c’est que soient réalisées au moins deux étapes lors du prochain quinquennat.

Cela remplacera-t-il l’ensemble des allocations ?

Pas toutes. L’allocation aux adultes handicapés, AAH, vient par exemple compenser la réalité d’un handicap. Il ne paraît donc pas logique de l’absorber dans le revenu universel.