Les mobilisations sur les retraites

JIM - Retraites : les professionnels de santé libéraux glissent dans la grève

Janvier 2020, par Info santé sécu social

Paris, le vendredi 3 janvier 2020

Depuis cet été, les professionnels de santé libéraux et notamment les médecins manifestent leur profonde inquiétude sur l’avenir de leurs régimes de retraites à l’aune de la transformation générale du système. Leurs préoccupations sont nombreuses et concernent d’abord l’utilisation des réserves constituées par la plupart des caisses autonomes. Elles portent également sur la garantie de la reconnaissance de la spécificité de leurs professions. Les médecins notamment s’interrogent sur la persistance des avantages conventionnels. Au-delà, à l’instar de tous les Français soumis à un régime particulier, les professionnels de santé libéraux pâtissent de la grande incertitude sur l’évolution du montant de leurs cotisations et de leur pension.

Concernant les premières, les implications d’un plafond de l’assiette de cotisations à 120 000 euros sont fortement redoutées. Les craintes sont également partagées par les kinésithérapeutes et renforcées par le flou que n’ont nullement dissipé les promesses de simulation du gouvernement. « Au départ, c’était une hausse de 14 % [des cotisations], aujourd’hui on arrive à une hausse de cinq points de revenu, ce qui représente plus de 2 000 euros par an. Quand on resitue ça dans le contexte de notre profession, qui a déjà perdu 27 % par rapport à l’inflation depuis 2000, c’est pas supportable » résume par exemple, au micro de France Inter le président du syndicat Alizé (masseurs kinésithérapeutes), François Randazzo.

Les mêmes appréhensions concernent le niveau des pensions. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) est à ce sujet très pessimiste : « Nous savons que nos cotisations baisseront de 25 % mais nos pensions, quant à elles, baisseront de 33 %... C’est le nivellement par le bas » a-t-elle calculé.

Coexistence de systèmes parallèles = danger
Les différentes explications tentées par le gouvernement et les rencontres avec ce dernier sont loin d’avoir offert aux professionnels de santé les garanties qu’ils attendaient. Ainsi, le scénario dessiné par le Premier ministre Edouard Philippe début décembre selon lequel les réserves constituées par les caisses des professions libérales seraient utilisées « pour accompagner la transition vers le nouveau système, notamment en prenant en charge une partie des cotisations » a hérissé plus d’un syndicat. Les annonces ont ainsi le plus souvent renforcé la détermination des organisations, voyant se profiler notamment un système où coexisteront « deux catégories de futurs retraités et de retraités » relève la Fédération des médecins de France (FMF). Pour cette dernière cette dualité est aujourd’hui « un nouveau sujet majeur d’inquiétude, qui nécessite des réponses claires et argumentées et qui vient s’ajouter à celles touchant les plus jeunes » remarque le syndicat.

Fermeture des cabinets à géométrie variable
Aussi, neuf organisations représentant des médecins (la FMF, l’Union française pour une médecine libre, et le Bloc qui réunit des chirurgiens), des kinésithérapeutes, des infirmiers, des orthophonistes et des psychomotriciens participent aujourd’hui au mouvement initié par le collectif SOS Retraites qui fédère différentes professions libérales. Ce groupe invite ses membres à une grève "glissante", ainsi chaque secteur et syndicat peut choisir entre le 3 et le 6 janvier son moment et sa modalité d’action. Aussi, fortement engagée, estimant que les médecins n’ont d’autre choix que de se « lever » face au mépris du gouvernement, l’UFML appelle à la fermeture des cabinets à partir d’aujourd’hui et jusqu’à lundi inclus. Du côté de la FMF, le mot d’ordre se concentre plus certainement sur la journée du lundi, tandis que le Bloc tout en soutenant le mouvement ne prévoit pas de "blocus" dans les salles d’opération.

Les kinésithérapeutes ferment pour leur part leurs portes aujourd’hui, tandis que les infirmiers et les orthophonistes n’accueilleront aucun nouveau patient entre aujourd’hui et lundi.

Vers une unité syndicale chez les médecins en février ?
Ces actions sont destinées à manifester au gouvernement la détermination des professions libérales alors qu’une rencontre est prévue le 7 janvier et tandis que beaucoup voient les concessions faites à certaines corporations (tels les pilotes, les policiers, les pompiers, les pécheurs, les militaires, les agents de la SNCF ou de la RATP, sans parler des danseurs de l’opéra de Paris...) à la fois comme des signaux encourageants et tout en même temps comme une forme d’injustice car instaurant une inégalité de traitement. « Le gouvernement lâche petit à petit, mais pas pour toutes les professions, uniquement pour des corporations… et ça ne va pas être des régimes autonomes ou spéciaux, mais des régimes avec des spécificités particulières… Ce n’est plus vraiment un régime universel ! » s’irrite ainsi au micro de France Inter Sylvie Ciron infirmière libérale.

Cependant, les professionnels de santé ont peu d’espoir d’obtenir des réponses claires et rassurantes le 7 janvier et les prochaines échéances sont déjà en cours de préparation. Plusieurs organisations, dont l’UFML, prévoient ainsi de prendre part à la grande mobilisation nationale du 9 janvier, tandis que le collectif SOS retraites a déjà appelé à une grève illimitée le 3 février. Du côté des médecins, on espère que les semaines à venir verront les autres syndicats qui ne font pas partie du collectif s’associer au mouvement. La colère exprimée par la CSMF et par MG France au lendemain des annonces du gouvernement en décembre paraissent augurer un rassemblement possible, d’autant plus que les actions intersyndicales n’ont pas été rares ces derniers mois.

Aurélie Haroche