Le droit à la santé et à la vie

Journal International de Médecine - Refus de soins : le Défenseur des droits remonte au créneau

Janvier 2017, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 30 janvier 2017 -

Régulièrement, les refus de soins liés aux conditions économiques des patients sont dénoncés par les associations de malades. La pratique du "testing", d’abord utilisée par les organisations non gouvernementales puis par les institutions ont permis de mettre en évidence que cette pratique n’est pas totalement marginale. Ainsi, une enquête réalisée en 2006 par l’Institut de recherche en documentation et en économie de la santé (IRDES) avait mis en évidence que des refus de soins étaient constaté chez pas moins de 41 % des spécialistes (tous secteurs confondus) et 4,8 % des généralistes. Trois ans plus tard, d’autres travaux mettaient en évidence que 19,28 % des appels à des cabinets de praticiens pouvaient conduire à un refus manifestement lié au fait que le patient se présente comme relevant de la CMU.

Des préconisations régulières

En 2014, le Défenseur des droits avait consacré un long rapport aux refus de soins assorti de différentes propositions pour mieux lutter contre ce phénomène. Il rappelait que « les refus de soins sont plus fréquents chez les dentistes que chez les médecins. S’agissant des médecins, les refus de soins sont plus élevés pour les médecins spécialistes que pour les médecins généralistes. Toutefois, ce résultat est à nuancer en fonction de la spécialité du médecin et du secteur ». Parmi ses préconisations, il recommandait que des conventions soient signées avec les ordres des professionnels de santé et la CNAMTS afin que des opérations régulières de testing soient réalisées. Le Défenseur des droits insistait également sur la nécessité d’organiser des opérations de sensibilisation des professionnels de santé, afin de leur rappeler les règles s’imposant. Si la loi de santé a répondu à la recommandation concernant la réalisation de testing (confiée à l’Ordre), la mobilisation se fait encore attendre en ce qui concerne la sensibilisation des praticiens.

Les refus de soins affichés sur le net

De fait, aujourd’hui, les refus de soins "affichés" liés aux conditions socio-économiques des patients sont encore fréquents. Ces derniers ne sont aujourd’hui plus masqués comme l’ont mis en évidence plusieurs associations qui ont pu constater que sur les sites internet de praticiens ou sur les portails de prise de rendez-vous en ligne, les mentions « pas de CMU » ou « pas d’AME » ne sont pas rares. Parfois expliquées par l’absence de lecteur de la carte vitale, ces exclusions sont cependant totalement interdites par la loi. Elles scandalisent un collectif d’associations (Médecins du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité (Fars) et le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) qui fort de leurs observations viennent de saisir le Défenseur des droits afin qu’il conduise des investigations approfondies sur le sujet. Le Défenseur vient de répondre à cette doléance en annonçant l’ouverture d’une enquête sur ces sites en particulier et d’une manière générale sur les pratiques de refus de soins. « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins, précise le communiqué. Le fait d’annoncer publiquement le refus de ces patients, même en les réorientant vers les hôpitaux publics, est contraire aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal interdisant les discriminations » rappelle le Défenseur des droits dans un communiqué publié vendredi. Un rapport public sur « les pratiques médicales et dentaires, entre différenciation et discriminations » devrait être dévoilé dès le mois de mars, qui permettra de mieux connaître ce phénomène et de préciser une nouvelle fois les mesures à mettre en œuvre pour l’endiguer.

Alors que l’Ordre, dans le sillage de l’annonce du Défenseur des droits, a annoncé son intention d’engager des poursuites contre les médecins contrevenant, les syndicats de praticiens affichent eux aussi leur détermination à agir mais rappellent également le nécessaire engagement des caisses à améliorer leur délai de paiement des consultations.

Aurélie Haroche