Le droit à la santé et à la vie

JIM - Maltraitances dans les crèches : nos enfants sont-ils en danger ?

Avril 2023, par Info santé sécu social

Paris, le jeudi 13 avril 2023

Un rapport accablant de l’IGAS pointe du doigt les mauvaises conditions d’accueil dans certaines crèches, qui peuvent conduire à des situations de maltraitance.

Un an après le scandale des Ehpad, c’est la situation des crèches et la qualité de l’accueil de nos très jeunes enfants qui inquiètent les Français. Dans un rapport publié ce mardi, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) fait le constat « d’une qualité d’accueil particulièrement hétérogène, le secteur présentant des établissements de grande qualité, portés par une réflexion pédagogique approfondie, comme des établissements de qualité très dégradée ». Dans ces crèches en difficulté, minés par le manque d’effectifs et qui doivent faire appel des personnels peu ou pas qualifiés, « la dégradation de la qualité peut entrainer des carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil des enfants autant qu’un épuisement des professionnels ».

Ce rapport est parti d’un drame : le 22 juin dernier, un bébé de 11 mois est mort dans une crèche privée de Lyon après qu’une employée lui ait fait boire un produit caustique. Le gouvernement a alors diligenté auprès de l’IGAS une enquête sur la situation des crèches. Si les inspecteurs n’ont visité que 36 établissements dans huit départements (sur les plus de 12 000 que compte la France), ils ont surtout interrogé plus de 5 000 directeurs de crèches, 12 500 salariés et 27 600 parents.

Manque d’attractivité, sous-effectif, maltraitances : crèches et Ehpad, même combat
Le tableau dressé par les agents de l’IGAS dans leur rapport ressemble à s’y méprendre à celui que l’on établit depuis plusieurs années sur les Ehpad et les hôpitaux publics : celui d’un cercle vicieux, où le manque d’attractivité du métier, dû notamment à des rémunérations trop faibles, provoque une situation de sous-effectif et dégrade les conditions de travail, ce qui affecte encore plus l’appétence pour ces métiers. Selon un rapport de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) de juillet dernier, près de la moitié (48,6 %) des crèches collectives sont en manque de personnel et 10 000 places d’accueil théoriquement disponibles sont fermées par manque d’employés.

Tout cela au détriment des enfants, puisque les puéricultrices, débordées, n’ont souvent pas le temps de s’occuper des bébés qui leurs sont confiés de manière satisfaisante. Un quart des professionnels ayant répondu aux questions des agents de l’IGAS déclarent ainsi avoir travaillé dans un établissement qu’ils considéraient comme maltraitant à l’égard des enfants. Des maltraitances qui peuvent aller de la simple négligence lié à un manque de temps (enfant « abandonné » sur les toilettes, laissé dans des couches salles, à qui on oublie de donner de l’eau…) à de véritables mauvais traitements. Le rapport rapporte ainsi des actes de violences physiques et verbales commis à l’encontre d’enfants.

Un peu comme pour les Ehpad, l’IGAS pointe également du doigt les potentiels dangers de la privatisation du secteur et de la montée en puissance de grands groupes privés. « Cette dynamique doit susciter la vigilance de l’Etat, tant pour les risques de coûts financiers que représente cette dynamique, que pour les exigences de rentabilité qui peuvent lui être associés ; comme dans le secteur des personnes âgées, la régulation insuffisante du secteur marchand peut laisser prospérer des stratégies économiques préjudiciables à la qualité d’accueil » écrivent les auteurs du rapport.

L’exécutif promet 200 000 places d’accueil supplémentaires d’ici 2027
Pour tenter de sortir de l’ornière le secteur de la petite enfance, l’IGAS émet diverses recommandations à travers son rapport : réforme du financement, afin de permettre la rénovation des crèches dont certaines sont insalubres et d’augmenter le niveau de rémunération, renforcement de la formation initiale et continue des professionnels et perfectionnement du système de signalement des cas de maltraitance et d’abus. L’IGAS préconise également de revoir les taux d’encadrements réglementaires (un adulte pour cinq enfants qui ne marchent pas ou huit enfants qui marchent) qui semblent insuffisants.

Ce mardi, le ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe a promis que « l’ensemble de ces recommandations » seront prises en compte par le gouvernement. Le ministre doit présenter dans les prochaines semaines son plan pour créer un véritable « secteur public de la petite enfance ». Objectif affiché par Emmanuel Macron et son gouvernement : créer 200 000 places en crèche supplémentaires d’ici 2027. Mais si rien n’est fait pour rendre les métiers de la petite enfance plus attractifs en augmentant les rémunérations, ce plan risque de ne rester qu’un vœu pieux.

Nicolas Barbet