Complementaires santé

L’Argus de l’assurance - Complémentaire santé : l’impact négatif des contrats responsables sur les restes à charge

Décembre 2016, par Info santé sécu social

Par Gwendal Perrin - Publié le 30 novembre 2016, à 15h 42

L’entrée en application des contrats de complémentaire santé responsables a engendré une baisse des remboursements pour les assurés, que ce soit en hospitalisation ou sur les consultations médicales.

Le courtier en collective Mercer France fait un premier bilan mitigé des récentes réformes touchant le marché de la complémentaire santé.
Le courtier en collective Mercer France fait un premier bilan mitigé des récentes réformes touchant le marché de la complémentaire santé.

Premier bilan chiffré pour les deux principales réformes ayant impacté le monde de la complémentaire santé ces dernières années, celle des contrats responsables (depuis le 1er avril 2015) et de la généralisation (au 1er janvier 2016), signé par le cabinet Mercer. Le courtier en assurances collectives (75M€ de CA en 2015 au classement de l’Argus) s’est appuyé, pour réaliser cette étude*, sur les quelque six millions d’actes facturés par des médecins gérés par ses soins auprès d’1,3 million d’assurés.

Un dispositif qui a des limites

Le contrat d’accès aux soins (CAS) est la première illustration des limites de ce dispositif. Principal outil lancé par l’exécutif pour mettre à mal les dépassements d’honoraires - les remboursements de ces derniers étant limités par les nouveaux contrats responsables (jusqu’à 46 euros pour la consultation d’un spécialiste) - il regroupe seulement 11 000 médecins signataires, soit 27% des médecins de secteur 2 (23% du côté des spécialistes). Parallèlement, sur les assurés ayant consulté un spécialiste non-CAS en 2015 aux tarifs supérieurs à 46€, seuls 15% d’entre eux ont, depuis, changé de praticien pour un docteur moins cher, l’explication n’étant pas forcément uniquement tarifaire…

Conséquence : les tarifs des consultations ont globalement augmenté du côté des praticiens non-CAS. Si 3,6% des médecins concernés ont baissé leurs prix d’au moins 5% depuis 2015, la part de ceux qui les ont augmentés dans les mêmes proportions s’élève à 22,9%. Un pourcentage vérifié aussi bien pour les grandes agglomérations que pour les plus petites (de 20 à 25% selon la population).

Les hausses tarifaires plus importantes que les baisses

« Il y a eu un doublement des appels sur notre plateforme sur le premier semestre 2016 », relate Vincent Harel, directeur adjoint santé et prévoyance chez Mercer France. « Nous avons constaté l’émergence de situations parfois délicates quant au non-remboursement des dépassements d’honoraires ». Le contexte ne va pas aller en se simplifiant, le CAS se transformant bientôt en Optam et Optam-CO…

Cette dichotomie se vérifie également en fonction des spécialités (de 15 à 34% de tarifs en hausse de plus de 5%, le record étant pour la pédiatrie) et, surtout, en fonction du tarif de la consultation en 2015. Mercer constate effectivement un fort effet d’aubaine du côté des médecins pratiquant jusqu’alors des tarifs inférieurs à 46€ : 50% de ceux qui pratiquent un tarif entre 23 et 34,5€ et 25% de ceux qui facturent entre 34,5 et 46€ ont, en effet, augmenté leurs tarifs !

Le reste à charge pour les assurés, mécaniquement, augmente : si la baisse des remboursements des complémentaires santé a été effective (si la période transitoire sur les contrats responsables court jusqu’à fin 2017, une grande majorité des contrats a déjà été responsabilisée), la modération tarifaire des médecins ne l’a donc pas été.

Des restes à charge en progression

Seconde illustration, liée à la première : quel impact des nouveaux contrats responsables sur les remboursements complémentaires ? Si la baisse moyenne des remboursements est minime pour les actes techniques et d’imagerie (de 16,5 à 16,2€, soit -2%), elle n’est pas négligeable pour les consultations de médecins généralistes (-5%), de spécialistes (-10%) mais atteigne surtout -53% pour les honoraires en hospitalisation, avec un remboursement moyen par acte passant de 86,8 à 40,8€ en l’espace d’une année !

« Compte-tenu du poids relatif de chacun de ces postes dans la consommation globale, on peut estimer l’impact sur le S/C à -3%, toute chose égale par ailleurs », calcule Mercer. Mécaniquement, le reste à charge augmente fortement pour ces quatre postes (+19% côté généralistes, +122% sur les actes techniques et +130% pour les spécialistes, le plus marquant restant le RAC moyen des honoraires en hospitalisation, passant de 8,4 à 16,9€).

Conséquence de cet accroissement des restes à charge, le marché des options est dynamique sur le portefeuille Mercer. « 60% de nos adhérents souscrivent à une surcomplémentaire, le plus souvent non responsable » détaille Vincent Harel, pour un surcoût moyen mensuel de 20€. Un constat particulièrement vrai « pour les cols bleus plus que pour les cols blancs » schématise M. Harel, mais qui se vérifie aussi pour quelques grands comptes/entreprises mettant en place une surcomplémentaire non responsable obligatoire…

Faut-il revoir la taxation des contrats non responsables ?

Autre impact : la baisse des honoraires des chirurgiens dans les établissements privés, à hauteur de 20%. Une tendance pouvant s’expliquer de deux manières : un transfert de cette patientèle vers le public… et le renoncement aux soins. « On constate un début de changement de comportement » tempère Stéphane Mary, directeur technique santé et prévoyance chez Mercer France, avec des tendances à vérifier dans les trois prochaines années.

Mercer identifie toutefois deux principaux bénéficiaires de ces réformes : les assureurs complémentaires santé… et l’Etat. « Les contrats de santé en entreprise étaient déficitaires : ils vont pouvoir s’équilibrer », estime M. Harel, entre la baisse des primes et la baisse plus forte encore des remboursements. Le fisc veut uniquement voir d’un bon œil l’essor des surcomplémentaires non responsables, taxées à 20,27% contre 13,27% pour les responsables…

Sortir les gros risques du contrat responsable ?

« Il faudrait sortir l’ensemble des gros risques du contrat responsable, estime de son côté Stéphane Mary, ces actes ne relevant pas de la consommation médicale ». Même constat quant à la taxation des contrats non responsables, « lunaire », alors même que la lutte contre les dépassements d’honoraires fonctionne difficilement. Dernière proposition de Mercer : sur la base de la prévoyance obligatoire pour les cadres à 1,5%, pourquoi ne pas définir une obligation employeur sur le financement plutôt que sur les garanties (aujourd’hui encadrées par le panier de soins ANI et les plafonds responsables) ? « Cela donnerait plus de marge de manœuvre sur les garanties pour améliorer la créativité des assureurs », conclut M. Mary.

* Méthodologie : étude réalisée à partir de l’exploitation de six millions d’actes facturés par des médecins en 2015 (consultations, radiographies, actes techniques, actes de chirurgie et d’anesthésie…), auprès d’1,3 million de patients potentiels et télétransmis par l’assurance maladie. Recensement de 125 000 praticiens, de toutes disciplines et tous départements. Il n’y a par ailleurs pas d’échantillonnage réalisé suite au constat de Mercer que cette population était parfaitement représentative des salariés français et de leurs familles.