Les mobilisations dans les hôpitaux

Le Généralite - Grève nationale des internes : « Nous n’avons pas peur des déserts, mais d’être exploités et mal formés »

Octobre 2022, par Info santé sécu social

PAR AMANDINE LE BLANC - PUBLIÉ LE 28/10/2022

Les internes sont de nouveau en grève à partir de ce 28 octobre contre l’ajout d’une 4e année au DES de médecine générale qui vient juste d’être entérinée par 49.3 dans le PLFSS.

Après une première grève le 14 octobre dernier, une nouvelle journée d’action collective nationale est organisée ce 28 octobre. Les internes sont appelés à se mettre en grève jusqu’à la fin du semestre d’été le 1er novembre pour protester contre la mise en place d’une 4e année au DES de médecine générale. Les syndicats seniors font front commun avec les jeunes pour cette nouvelle mobilisation et après le passage de la mesure avec le 49.3, la colère des futurs généralistes est plus grande que jamais, comme l’explique au Généraliste Théophile Denise, vice-président de l’Isnar-IMG (intersyndicale nationale des internes de médecine générale).

Les internes sont de nouveau en grève aujourd’hui, le mot d’ordre est-il toujours le même ?

Théophile Denise  : Le préavis ne s’est jamais arrêté depuis le 14 octobre. Certains internes sont restés en grève depuis deux semaines. Il y a une mobilisation continue. Nous renouvelons l’appel. Le mot d’ordre était simple, hier soir les internes devaient prendre leurs affaires dans leur casier et ne pas revenir jusqu’à la fin du semestre.
Mercredi soir a été activé le 49.3 notamment pour la 4e année. Cela représente des mois de travail parlementaire, des semaines de débats et là ils ont décidé de ne pas discuter de la 4e année de médecine générale parce qu’ils n’avaient pas le temps. C’est exaspérant ! J’ai ressenti que pour certains internes, le 49.3 les avait radicalisés et qu’ils voulaient maintenant se mettre en grève.

Y a-t-il eu des avancées depuis 15 jours, des signes du ministère ?

T.D. : Le ministère nous a poliment reçus cinq minutes à l’issue de la manifestation du 14 octobre mais sinon nous n’avons eu aucun contact. C’est pourquoi nous avons renouvelé le préavis de grève. Étant donné que la 4e année n’est pas une mesure d’accès aux soins, qu’elle n’est pas urgente et que manifestement les parlementaires n’ont pas le temps de discuter, nous demandons donc à ce qu’elle soit retirée du PLFSS et que l’on en discute plus tard. C’est honteux. Nous faisons grève en gardant en tête qu’il y a encore des navettes parlementaires, donc des possibilités pour le ministre d’amender sa copie.

La teneur des débats du PLFSS, notamment sur la coercition est-elle de nature à vous inquiéter ?

T.D. : Nous sommes contents de l’impact que nous avons eu sur le débat. La mobilisation n’a pas été en vain. Nous avons eu l’occasion de discuter de la pertinence de la coercition dans l’accès aux soins. Avant, il y avait des parlementaires vraiment contre, des parlementaires vraiment pour et au milieu une plaine de parlementaires qui ne savaient pas trop, hésitants. Donc nous avons pu toucher ces gens-là et nous avons eu la sensation d’avoir diminué le risque d’avoir une coercition. Il est moins grand qu’il y a trois semaines.

Lors de sa conférence de presse la Conférence des doyens expliquait que votre inquiétude principale était l’obligation d’aller en zone sous-dense et se voulait rassurant par rapport à ça ? Est-ce vraiment le sujet de blocage ?

T.D. : Nous entendons dans les débats : ils ont peur des déserts, cela va lever les a priori. Mais nous n’avons pas peur de la campagne ! L’attention s’est focalisée sur cette question car c’est par là qu’est apparu le débat avec la fuite du JDD, mais le problème n’est pas la zone sous-dense, le problème c’est la formation. Ce qu’on ne sait absolument pas et qui fait peur aux internes c’est le contenu des stages. La peur est celle d’être exploités et mal formés.

Les doyens répondent que ce qui vous protégera c’est le fait qu’il faille obligatoirement des agréments pour les terrains de stage.

T.D. : L’argument c’est : rassurez-vous, cela ne pourra pas être des stages complètement nuls car sinon les professeurs ne donneront pas l’agrément. Mais ils vivent en dehors de la réalité ! Actuellement nous avons des stages qui ne respectent pas la loi sur le temps de travail, qui mettent en danger les internes. Pourtant, quand nous demandons à l’ARS de retirer les agréments ou de ne pas les renouveler, on nous répond : c’est impossible, on a trop besoin d’internes pour faire tourner ces services. En ambulatoire on ne le vit pas trop, parce que même si ce n’est pas homogène, dans l’ensemble les départements de médecine générale font attention. Mais nous n’avons qu’une seule peur c’est que cela se passe comme ça pour la 4e année. Qu’on nous envoie, la fleur au fusil, peu importe si ce sont des bons stages ou pas. Cela ne nous pose pas de souci de faire des stages en zones sous-denses à partir du moment où les stages ont été sélectionnés comme étant formateurs. Nous voulons que l’aspect formateur passe avant l’accès aux soins. L’accès aux soins nous en faisons, nous sommes des professionnels de santé, mais en formation.

Avez-vous déjà rencontré la mission chargée de travailler sur cette quatrième année ?

T.D. : J’y suis allé et j’ai fait un propos introductif pour dire que nous refusions cette 4e année mais que j’acceptais de répondre aux questions. Parce que la politique de la chaise vide ça veut dire : aucun bénéfice pour les internes et le risque que d’autres parlent à leur place. Mais nous refusons de la percevoir comme un endroit de concertation. On nous dit : on va faire la 4e année et pour le contenu vous verrez avec la mission, ce sera le moment de négocier. Sauf que le jour où la mission va rendre ses conclusions, le ministre ne sera pas obligé de les suivre. À ce moment-là, si nous ne sommes pas d’accord ce sera trop tard car elle aura déjà été votée. Ce n’est donc pas un lieu de concertation mais un lieu dans lequel nous essayons d’apporter au mieux notre expertise, à notre corps défendant.