Les retraites

Le HuffPost - Retraites : la CFDT est-elle tombée dans un "piège" du gouvernement

Janvier 2020, par Info santé sécu social

Laurent Berger reconnaît lui-même que l’organisation de la conférence de financement jusqu’en avril comporte "une part de risque”.

“C’est sans surprise que le piège se referme”. Voilà comment réagissait, quelques minutes après l’envoi de la lettre d’Édouard Philippe aux syndicats annonçant le retrait provisoire de l’âge pivot de la réforme des retraites, Pierre Roger, spécialiste du dossier au sein de la CFE-CGC, syndicat des cadres qui demande le retrait de la réforme dans son intégralité.

Il n’est pas le seul à jouer cette petite musique au sein de l’intersyndicale. Beaucoup estiment en effet qu’en négociant un compromis, la CFDT n’a pas obtenu grand-chose et pire, fait le jeu du gouvernement et de son projet de loi. Ils appellent d’ores et déjà à reconduire le mouvement le grève de la semaine prochaine et demandent toujours le retrait “pur et simple” du texte.

Il reste un ”âge d’équilibre” dans le texte
Premier argument : la CFDT n’a pas obtenu totalement le retrait de l’âge pivot, mais le retrait de la mesure de financement jusqu’en 2027. Un ”âge d’équilibre” sera bien compris dans le futur régime universel. ”Ça n’est pas un retrait pur et simple. Le Premier ministre est très précis, il confirme que le futur régime comporte un âge d’équilibre”, insiste, sur France Info, Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière.

“Nous le savons parfaitement, mais cela nous laisse 17 ans !”, relativisait, sous couvert d’anonymat au HuffPost, le 11 janvier, le représentant d’un syndicat réformiste évoquant une date butoir en 2037.

Autre argument, le retrait de cette mesure de court terme est temporaire, soumis à une solution alternative qui sortirait d’un accord entre partenaires sociaux lors de la conférence de financement, comme le dit explicitement la lettre de Matignon.

“Vous voulez qu’on vous coupe la main gauche ou la main droite ?”
“Laurent Berger est condamné à obtenir un accord, sinon il va perdre la face. Pour nous c’est très facile de monter au rideau, on attend ses propositions”, ironise d’avance Pierre Roger, de la CFE-CGC qui prévoit qu’aucun accord ne sortira de cette conférence de financement. “L’hypothèse d’un échec est loin d’être une hypothèse : personne n’était d’accord, la négociation n’a pas abouti”, rappelle le syndicaliste, autour de la table depuis plus de deux ans.

La CFE-CGC participera à la conférence de financement, mais ne voit pas comment de nouvelles mesures pourraient en sortir, alors que le cadrage de Matignon pour trouver des solutions alternatives de financement est très serré. Plusieurs options sont en effet exclues par l’exécutif. Il faut lire le point 8 de sa lettre aux syndicats pour comprendre ce que rejette Édouard Philippe. “Ces mesures de financement (...) ne devront entraîner ni baisse des pensions ni hausse du coût du travail”, met-il en garde. Il écarte donc d’emblée l’une des propositions de la CFDT et d’autres syndicats pour financer le système : la hausse de certaines cotisations.

Traduction pour Pierre Roger : “Vous voulez qu’on vous coupe la main gauche ou la main droite ? Vous avez le choix, vous avez deux mois pour discuter”.

“Une victoire et un risque pour la CFDT”
Même la CFDT semble consciente que rien n’est encore acquis. “Ce retrait n’est pas un chèque en blanc”, reconnaît Laurent Berger ce 12 janvier dans les colonnes du Journal du dimanche. “Pour la CFDT, le retrait de l’âge pivot est une victoire, mais c’est aussi une part de risque”, ajoute le secrétaire général du syndicat au cœur de l’accord passé avec Matignon.

Et pour l’instant les propositions alternatives à celles qu’a déjà refusées Édouard Philippe ne sont pas sur la table. “Parlons de la question du fonds de réserve des retraites”, propose Laurent Berger dans l’hebdomadaire alors que le gouvernement a déjà fermé la porte. “De la prise en compte de la pénibilité”, c’est justement ce qu’il faut financer, “De l’emploi des seniors”. Oui, reste à savoir comment les remettre dans l’emploi, et si la solution va pouvoir se trouver en deux mois.

“Le gouvernement a gagné en nous divisant”
“Ce que dit Édouard Philippe c’est qu’à défaut de solution, il reprendra la main avec le Parlement. Pas que l’âge pivot reviendra”, veut croire le leader de la CFDT, toujours dans le JDD. Une lecture bien optimiste de la lettre d’Édouard Philippe.

Le chef du gouvernement écrit en effet noir sur blanc “Je prendrai mes responsabilités” et prend le soin d’éviter à l’avance une confrontation parlementaire en annonçant une réforme par ordonnance, au point 7 de son texte. “Dans l’hypothèse où un accord ne pourrait intervenir, le gouvernement, éclairé par les travaux de la conférence prendra par ordonnances les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici à 2027 et financer les nouvelles mesures de progrès social”, peut-on lire.

“En cas d’échec, l’âge pivot reviendra par voie d’ordonnance”, prédit Pierre Roger, de l’intersyndicale, qui en conclut : “Le gouvernement a gagné en nous divisant”.