Les retraites

Le Monde - La gauche et les écologistes dénoncent le leurre du retrait de l’âge pivot

Janvier 2020, par Info santé sécu social

Par Abel Mestre et Sylvia Zappi

Non, rien de rien, les annonces d’Edouard Philippe ne changent rien à la détermination de la gauche d’obtenir le retrait du projet de réforme des retraites. La suspension provisoire de l’âge d’équilibre de 64 ans en 2027 est un leurre, un tour de passe-passe, selon les différentes figures des partis de gauche et écologistes.

« Il faut que tout change pour que rien ne change », lance Olivier Faure. « Rien n’a bougé, ni sur la pénibilité, ni sur les carrières hachées, ni encore sur les minimums contributifs. Cette réforme reste une réforme régressive avec pour seule variable, le recul de l’âge de départ à la retraite », estime le premier secrétaire du PS. Le geste d’Edouard Philippe n’est, à ses yeux, qu’« une grosse ficelle » : « L’âge pivot n’est plus là en janvier mais il réapparaîtra en avril. Je ne vois pas qui cela peut convaincre », s’insurge le député de Seine-et-Marne.

Pour les socialistes qui ont pris leurs distances avec la CFDT et se sont engagés dans les mobilisations contre la réforme, il y a un doute sur la sincérité du gouvernement. Le recul sur la mesure d’âge ne serait qu’un moyen de gagner du temps et de laisser passer les municipales, délicates pour le parti du gouvernement.

« La confiance est rompue. Le gouvernement tente de temporiser face à des mobilisations conséquentes et une opposition de l’opinion publique qui ne faiblit pas. La vraie raison de cette réforme qui creuse elle même les déficits du système, c’est la volonté d’étendre l’épargne retraite privée », assène Gabrielle Siry, porte-parole du PS. Pour les socialistes, donc pas de doute : il faut continuer les mobilisations pour exiger le retrait de la totalité de la réforme.

PCF et LFI à corps perdu dans la bataille
Même tonalité du côté du Parti communiste français : le retrait provisoire de l’âge pivot est « une reculade en trompe-l’œil » selon Ian Brossat. Le communiste parisien estime que cette concession à la CFDT « traduit la difficulté du gouvernement face à un mouvement social qui dure ». « C’est une mesure provisoire, continue le porte-parole du PCF. Mais ce qui a été enlevé sera réintroduit plus tard par voie d’ordonnances. »

La place du Colonel-Fabien est en pointe depuis le début de la mobilisation, faisant feu de tout bois, étant à l’origine de plusieurs initiatives « unitaires », y compris avec les frères ennemis de La France insoumise (LFI) qui sont, eux aussi, rentrés à corps perdu dans la bataille.

Jean-Luc Mélenchon a ainsi estimé, dimanche 12 janvier, dans une note de blog : « Les annonces d’Edouard Phillippe samedi vont aller tout droit à la poubelle bien encombrée où gisent déjà les trouvailles de dernière minute des précédents gouvernements “droits dans leurs bottes” qui finissent en capilotade. Il faut tenir bon. Les embrouilles de dernière minute ne changent rien au fond ni même à la forme du projet gouvernemental. Ces gens surestiment leur pouvoir et sous-estiment l’exaspération populaire. » En clair : les insoumis ne lâchent rien et croient qu’il est encore possible de faire chuter le gouvernement.

Pour EELV, « cela ne change rien »
Europe écologie-Les Verts (EELV) partage cette conviction. Le parti écologiste, pourtant philosophiquement proche de la CFDT et qui n’est pas, par principe, opposé au système de la retraite par points, continue à demander le retrait du projet. « Les annonces d’Edouard Philippe étaient attendues, on avait envisagé ce pas de deux sur l’âge pivot, cela ne change rien. Tout va encore dans le sens de l’allongement de la durée de travail. Sur la pénibilité, le gouvernement ne bouge pas, il n’y a pas de réelle prise en compte. C’est scandaleux », estime Eva Sas, porte-parole.

Pour l’ancienne députée de l’Essonne, ce geste du gouvernement ne pourra pas retourner l’opinion. « Les Français sont majoritairement défavorables à cette réforme, il faut que nous remobilisions pour aboutir au retrait, veut-elle croire. Le gouvernement veut passer en force contre l’opinion publique, et c’est inacceptable. »

Julien Bayou, secrétaire national d’EELV, abonde : « La méthode n’est pas sérieuse au regard des enjeux. On n’a toujours pas de chiffrage, ni sur le déséquilibre global ni sur la baisse des pensions. » Le nouveau patron des Verts, dont la formation a publié un contreprojet (comme LFI et le PCF), résume l’esprit général à gauche : « Il faut le retrait tout court et l’engagement de véritables négociations. »