Le droit à la santé et à la vie

Le Monde - Rapport de l’OMS : « La pollution de l’air a un impact dévastateur sur la santé des enfants. » – 600 000 décès par an et 93 % courant un risque aigu

Novembre 2018, par Info santé sécu social

Lundi 29 octobre 2018, par MANDARD Stéphane

Dans un rapport inédit, l’OMS alerte sur ce risque aigu pour la santé et pour le développement des enfants.

L’alerte émane de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un rapport inédit publié lundi 29 octobre, à la veille de l’ouverture de la première conférence mondiale sur la pollution de l’air organisée à Genève sous l’égide de l’institution onusienne. « L’air pollué est en train d’empoisonner des millions d’enfants et de ruiner leurs vies », tonne le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Dans un document de près de 180 pages, l’organisation rassemble pour la première fois l’ensemble des connaissances scientifiques autour d’un « risque majeur » mais « souvent négligé » : « la particulière vulnérabilité des enfants aux effets délétères de la pollution de l’air. »

Un chiffre donne la mesure du péril. Environ 600 000 enfants âgés de moins de 15 ans – dont 543 000 de moins de 5 ans – meurent chaque année dans le monde d’une infection respiratoire parce qu’ils vivent dans un environnement saturé en particules fines, révèle le rapport. A cause d’un air extérieur contaminé par les gaz toxiques rejetés par le trafic automobile, l’activité industrielle, les pratiques agricoles, l’incinération des déchets (en Inde, notamment) ou encore les poussières issues des tempêtes de sable (Moyen-Orient). A cause, aussi, d’un air « terriblement pollué » à l’intérieur des logements, particulièrement en Afrique. Environ trois millions de personnes à travers le monde utilisent toujours des combustibles comme le charbon ou le kérosène pour cuisiner, se chauffer ou s’éclairer. Les femmes et les enfants sont les premiers exposés à ces fumées toxiques.

La quasi-totalité de ces morts sont constatées dans les pays les moins développés. « La pauvreté est clairement liée à une exposition accrue aux risques environnementaux et sanitaires », souligne l’OMS, y compris dans les pays industrialisés.

Plus proches du sol

Au-delà du lourd bilan morbide, de manière plus globale, « chaque jour, environ 93 % des enfants respirent un air si pollué qu’il fait courir un risque aigu pour leur santé et leur développement », insiste l’institution onusienne. Ces enfants, parmi lesquels 650 millions ont moins de 5 ans, sont soumis à des niveaux de polluants qui dépassent les limites protectrices fixées par l’OMS. Pour les particules fines PM2,5 (de diamètre inférieur à 2,5 µm), les plus dangereuses car elles pénètrent profondément dans les voies respiratoires, l’Organisation mondiale de la santé recommande un seuil de 10 µg/m3 par an. Face à ce risque, là aussi, tous les enfants ne sont pas égaux. Ce taux monte à 100 % des enfants de moins de 5 ans dans les régions les plus pauvres (Afrique, Moyen-Orient et Asie du Sud-Est) quand il est limité à 52 % dans les pays à plus hauts revenus.

Les enfants sont plus vulnérables à la pollution que les adultes pour trois raisons principales : ils inspirent davantage, donc absorbent de plus grandes quantités de polluants ; de par leur petite taille, ils sont plus proches du sol, où la concentration de polluants (des gaz d’échappement par exemple) est plus élevée ; ils restent plus souvent à la maison dans leurs premières années, dans des environnements potentiellement contaminés.

Outre une incidence importante avérée en termes de mortalité (y compris infantile, avant 1 an), les études compilées dans le rapport montrent que la pollution de l’air a une multitude de conséquences délétères sur la santé des enfants et des adultes qu’ils deviendront. Les premiers effets se manifestent dès la « période de grande vulnérabilité » que représente la grossesse. L’exposition aux particules fines, oxydes d’azote (émis particulièrement par les moteurs diesel) et dioxyde de soufre est liée à des risques accrus de naissances prématurées, mort-nés ou de bébés de petits poids. Elle altère le développement du fœtus et peut être à l’origine de troubles psychomoteurs ou neurodéveloppementaux. Des « preuves solides » s’accumulent notamment sur le lien avec l’autisme ou le trouble du déficit de l’attention.
Des publications tout aussi robustes ont mis en évidence que « même à de faibles niveaux d’exposition », la pollution de l’air entrave les fonctions pulmonaires et leur croissance, provoque asthme et infections respiratoires aiguës dont les pneumonies. Et ce n’est pas tout. Plusieurs travaux menés sur des femmes enceintes vivant près d’importants axes routiers ont montré des risques plus élevés de leucémies pour leurs enfants. Même si les études sont moins nombreuses dans ce champ d’investigation, la pollution est aussi associée au phénomène de l’obésité ou de la résistance à l’insuline. Des affections qui peuvent dégénérer plus tard sous forme d’autres pathologies comme le diabète de type 2.

« Enorme tribut »

Car c’est l’une des autres conclusions majeures du rapport de l’OMS : l’exposition des enfants à un air vicié pendant la période prénatale et les premières années les « prédispose » à développer des maladies pulmonaires ou cardiovasculaires à l’âge adulte. D’où l’urgence à agir pour limiter l’exposition aux particules fines et autres polluants durant cette « phase critique ».

De l’aveu même de Maria Neira, directrice du département santé publique et environnement, l’OMS ne s’attendait pas à trouver de tels résultats alarmants. « L’énorme tribut des maladies et décès révélés par ces nouvelles données doit se traduire par un appel urgent à l’action pour la communauté mondiale, et en particulier pour tous ceux qui travaillent dans le secteur de la santé. » L’OMS exhorte également les gouvernements à prendre des « mesures fortes » pour combattre la pollution de l’air en investissant massivement dans les alternatives aux combustibles fossiles dans les secteurs les plus émetteurs : industrie, transport ou énergie. Elle recommande aussi aux pouvoirs publics d’installer les écoles et les terrains de sport loin des principales sources de pollution que sont les voies de circulation dense ou les usines. Un message qui sera répété pendant les trois jours de la conférence mondiale qui s’ouvre mardi 30 octobre, au siège de l’institution, à Genève.

Stéphane Mandard