Les retraites

Le Monde. fr : A Rodez, Emmanuel Macron tente de rassurer sur les retraites

Octobre 2019, par infosecusanté

Le Monde. fr : A Rodez, Emmanuel Macron tente de rassurer sur les retraites

Par Cédric Pietralunga et Olivier Faye

Publié le 4 Octobre 2019

On prend les mêmes et on recommence. Six mois après la dernière session du grand débat national, qui s’était tenue le 4 avril en Corse, Emmanuel Macron a repris, jeudi 3 octobre à Rodez, son bâton de pèlerin et son tour de France des territoires. Non plus cette fois pour juguler la crise des « gilets jaunes », mais pour convaincre les Français du bien-fondé de sa réforme des retraites, qui s’annonce comme l’un des chantiers les plus explosifs du quinquennat.
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Avec une heure de retard sur le programme prévu, du fait de l’attaque au couteau à la Préfecture de police qui l’avait retenu à Paris plus tôt dans l’après-midi, le chef de l’Etat a répondu, durant un peu plus de trois heures, aux questions d’un panel de 500 lecteurs de La Dépêche du Midi, à quelques pas du musée consacré au peintre Pierre Soulages, le maître de l’« outrenoir ». Un événement initialement programmé le 26 septembre mais qui avait dû être reporté après l’annonce de la mort de Jacques Chirac.

Conscient qu’« il y a beaucoup de peurs » sur la question des retraites, Emmanuel Macron s’est avant tout attaché à rassurer sur ses intentions et à lever les « malentendus ». Il a ainsi confirmé que les retraités actuels ne seraient pas concernés par la réforme. « Quand on est retraité, on n’est pas touché (…) quand on est à cinq ans de la retraite, on n’est pas touché », a déclaré le chef de l’Etat, debout seul au milieu d’un cercle de chaises, position qu’il affectionne. « La transition va se faire sur quinze ans », a-t-il également promis, à compter de la mise en place du nouveau système en 2025. Il a aussi garanti que l’âge légal de 62 ans ne sera pas modifié et que « tous les droits acquis en 2025 [seront] gardés ».
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Pas de « solution magique »

Le président ne veut d’ailleurs pas parler de « réforme » des retraites mais préfère évoquer un « projet de société ». « Je veux qu’on aille vers un système qui construit l’avenir, c’est-à-dire positif » et non mener une « réforme financière pour les deux prochains mois », a-t-il déclaré. « Le niveau de vie des retraités ne doit pas être dégradé, il doit être le même et continuer à progresser », a-t-il ajouté, assurant qu’il comptait mettre en place des « règles d’or » fixant les caractéristiques « intangibles » du nouveau système (âge de départ, valeur du point, etc.).

Mais le chef de l’Etat a aussi mis en garde contre toute « solution magique ». « Il ne faut pas se mentir, il faudra cotiser plus » à cause de l’évolution démographique et de l’allongement de la durée de vie, a-t-il expliqué. « Il faudra peut-être travailler plus en 2025 si le système n’est pas équilibré. » De même, M. Macron a confirmé que les 42 régimes spéciaux seront supprimés, un point contesté par certains syndicats et qui a déjà provoqué plusieurs manifestations catégorielles depuis la rentrée. Mais il s’est engagé à prendre en compte la pénibilité de certains métiers et a évoqué un système de « points bonus » pour certaines professions, notamment les forces de l’ordre.

Plus prudent qu’à son habitude, le président s’est en tout cas gardé de réitérer l’erreur commise à Biarritz, fin août, lorsqu’il avait indiqué sa préférence pour un allongement de la durée de cotisation plutôt qu’un recul au-delà de 64 ans de l’âge pivot pour pouvoir toucher une pension à taux plein. « Je n’ai pas purgé le débat », a assuré Emmanuel Macron, qui ne veut pas donner le sentiment que tout est joué d’avance. Il a en revanche promis qu’il n’y aura aucune retraite à taux plein à moins de 1 000 euros, « ce sera dans la règle d’or ».

« Règle d’or »

Si Emmanuel Macron a choisi de s’impliquer dans cette réforme, qui devrait déboucher sur une « loi-cadre » à l’été 2020, c’est parce qu’il estime qu’il n’a pas le choix. « Cette réforme a un problème : elle est incomprise. Ce sont les retraités qui gueulent !, s’étonne un proche du premier ministre, Edouard Philippe. Pendant la crise des “gilets jaunes”, les gens se sont dit que Macron leur faisait les poches. Maintenant, ils pensent qu’il veut leur prendre leur retraite ! » Selon un sondage Elabe publié jeudi, la crainte d’une diminution du montant des pensions est le deuxième motif d’inquiétude des Français et 43 % des personnes interrogées restent opposées à la réforme des retraites.

Pas question, donc, de se contenter de discuter avec les syndicats, et ce même si l’exécutif ne cesse de se mettre en scène avec les partenaires sociaux depuis la rentrée. « A considérer qu’il y avait des tas de débats qui étaient pour les grandes personnes, on a créé les “gilets jaunes”. La taxe carbone, c’était un débat de spécialistes », rappelle une ministre. « Le président a compris que la légitimité de l’élection ne suffit plus », ajoute un poids lourd de la majorité. Le format du grand débat permet, de plus, de continuer à défendre la spécificité du macronisme. « Le jour où les Français commenceront à considérer que nous sommes des politiques comme les autres, on trahira la promesse initiale », estime un membre du gouvernement.

Pour autant, Emmanuel Macron n’entend pas se surexposer. Ou, en tout cas, pas pour le moment. « Le président ne va pas faire des débats sur les retraites toutes les semaines. Ce sera à Edouard Philippe, Agnès Buzyn et Jean-Paul Delevoye de prendre le relais et de diriger la manœuvre », explique-t-on à l’Elysée. Lors de l’université d’été du MoDem, le 29 septembre à Guidel (Morbihan), le premier ministre a déjà précisé quelques points de la réforme. Il a notamment assuré que la valeur du futur point de retraite serait fixée par une autorité indépendante, ce qui était une demande des syndicats.

Opération « Reconquista » des territoires

Pour Emmanuel Macron, le débat sur les retraites de Rodez marque aussi le coup d’envoi de son opération « Reconquista » des territoires, alors que la crise des « gilets jaunes » a donné le sentiment d’une fracture entre l’exécutif et une partie des Français vivant en province. Après la préfecture de l’Aveyron, le chef de l’Etat devait se rendre dans le Puy-de-Dôme, vendredi.

A la fois pour participer au Sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne, où deux députés de La République en marche ont été pris à partie jeudi par des agriculteurs en colère. Mais aussi à Clermont-Ferrand, pour fêter le centenaire du journal La Montagne et « rendre hommage à un titre de presse historique, ancré dans son territoire ». La semaine prochaine, le président a également prévu de s’arrêter à Lyon, à l’occasion de la conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida. Et le 16 octobre, il sera à Toulouse, pour un conseil des ministres franco-allemand sur les terres d’Airbus.

Une stratégie déjà mise à l’épreuve par l’opposition, qui dénonce un écran de fumée. Jeudi, Gérard Larcher a ainsi critiqué Emmanuel Macron pour ne pas s’être rendu à Rouen depuis l’incendie de l’usine Lubrizol. « La communication de l’exécutif a été chaotique. Elle a entraîné l’arrivée d’angoisses légitimes, d’interrogations légitimes, a estimé le président (Les Républicains) du Sénat, jeudi sur LCI. Il faudra que le président, qui a une tendance à l’hyperprésidentialisation, se préoccupe de la question. » Emmanuel Macron « est partout, sauf à Rouen », a abondé sur Sud Radio le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, estimant que le chef de l’Etat « semble faire, mais il fait semblant ». Même à Rodez, la politique n’est jamais très loin.

Cédric Pietralunga (Rodez, envoyé spécial) et Olivier Faye