Complementaires santé

Le Monde.fr : Mutuelles santé, ce qui change en 2020

Mars 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Mutuelles santé, ce qui change en 2020

La mise en place de la réforme « 100 % santé » permet à tous les Français de bénéficier d’une sélection de soins ou d’équipements sans aucun reste à charge. Mais elle entraîne aussi des évolutions concernant les garanties, les tarifs ou encore les habitudes de chaque assuré.

Par Pauline Janicot

Publié le 4 mars 2020

Depuis le 1er janvier, des lunettes sans reste à charge sont proposées chez tous les opticiens. C’est l’une des mesures phares de la réforme « 100 % santé », qui donne aussi accès à des prothèses dentaires totalement remboursées. Sa mise en place a plusieurs vertus. « Elle permet à tous les assurés de bénéficier de soins, souvent très onéreux, auxquels ils n’avaient jusqu’ici pas accès », rappelle Emmanuel Sève, directeur d’études chez Precepta.

Selon un sondage BVA et France Assos Santé, 41 % de Français ont déjà renoncé à se soigner à cause d’un reste à charge trop élevé

Selon un sondage BVA et France Assos Santé, 41 % de Français ont en effet déjà renoncé à se soigner à cause d’un reste à charge trop élevé. Mais cette nouvelle réglementation introduit aussi un peu plus d’équité entre ceux qui sont couverts par un contrat santé individuel (jeunes, indépendants, retraités) et ceux qui bénéficient d’un contrat collectif dans leur entreprise, généralement bien plus protecteur. « Cette mesure améliore également le sort des salariés de petites structures dont la mutuelle négociée propose souvent une couverture minimale », souligne Emmanuel Sève.

Le secteur de l’assurance santé n’en est pas à sa première réforme. Mutuelle obligatoire pour tous les salariés en 2013, mise en place des contrats « responsables » plafonnant le remboursement de certains actes médicaux en 2015, instauration du 100 % santé en 2020… La prise en charge des soins par les mutuelles ne cesse d’évoluer.

Entre 2,7 % et 12 % d’augmentations

Dernières preuves en date : la résiliation annuelle des contrats va être facilitée avant la fin de l’année et les organismes se sont engagés à rendre leurs tableaux de garanties plus lisibles. « Faciliter la lecture et la comparaison des garanties en santé va dans le bon sens pour les assurés », estime Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site Good Value for Money. Cela est aussi salutaire face à des hausses de tarifs, parfois massives.

Selon l’UFC-Que choisir, l’inflation moyenne des complémentaires santé atteint 5 % cette année. Sur environ cinq cents contrats reçus par l’association, les augmentations oscillent entre 2,7 % et 12 % selon les établissements, soit un écart de un à quatre. La Mutualité française, qui fédère la quasi-totalité des mutuelles, annonce, elle, « une hausse moyenne de 2,4 % en 2020 », conforme à celle des années précédentes.

Les assurés ont néanmoins dû s’habituer à la flambée de leurs cotisations depuis une décennie. « Les dépenses de santé augmentent deux fois plus vite que l’inflation, à cause du vieillissement de la population et de l’amélioration des technologies médicales. Quant au déremboursement des soins et des traitements, il s’accroît. Tous ces facteurs ont un impact sur les tarifs des contrats », justifie Christophe Harrigan, directeur de la Mutuelle générale.

S’y ajoute la réforme du « 100 % santé » dont le coût, estimé à 1 milliard d’euros, est financé par l’Assurance-maladie et par les mutuelles et assureurs. Certes, certains organismes ont décidé de ne pas répercuter cette charge sur leurs tarifs en 2020, « mais il faudra bien qu’ils le fassent d’une manière ou d’une autre afin d’intégrer la hausse des garanties induite par la réforme, notamment sur les contrats d’entrée de gamme », estime Cyrille Chartier-Kastler. Et ce, malgré les vœux pieux des pouvoirs publics.

Des garanties révisées à la baisse

Avec le « 100 % santé », les contrats évoluent aussi. Mutuelles et assureurs ont révisé leurs garanties pour les adapter à la nouvelle réglementation. « Certaines d’entre elles ont parfois été revues à la baisse pour limiter la hausse des cotisations », ajoute Cyrille Chartier-Kastler. Une façon plus discrète d’anticiper les effets de la réforme. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas encore connus, même si, en toute logique, les détenteurs d’un contrat individuel, moins couvrant, devraient avoir davantage recours aux offres sans reste à charge. Les seniors en tête, puisque leurs besoins sont plus importants.

Autre conséquence de la réforme, les réseaux de soins (Carte Blanche, Santéclair, Sévéane…) font évoluer leurs services. Ces plates-formes de santé, constituées par les mutuelles et assureurs, permettaient déjà avant la réforme d’accéder à des lunettes ou à des couronnes, avec peu ou pas de reste à charge. Ils n’ont désormais pas d’autres choix que de proposer des prestations améliorées par rapport à ce que propose la loi.

« Nous négocions les prix et la qualité pour nos adhérents qui sont prêts à s’équiper de lunettes ou de prothèses dentaires à des tarifs libres », précise Jean-François Tripodi, directeur général de Carte Blanche Partenaires. Selon le réseau, en optique, seulement 5 % de leurs clients ont opté pour l’offre sans reste à charge depuis début janvier, les autres ayant accepté de mettre la main à la poche. « Nous allons ouvrir un réseau d’implantologie puisque ces soins onéreux ne sont pas pris en charge par la réforme », ajoute Jean-François Tripodi.

Des offres en médecines douces renforcées

Ces plates-formes cherchent aussi à faciliter l’accès aux praticiens pour les assurés, à travers la téléconsultation par exemple. Ils renforcent, enfin, leurs offres en médecines douces, en diététique ou bien-être, très appréciées par les Français mais qui ne sont que très peu remboursées.

« 28 % des sondés n’ont pas confiance en la qualité des matériaux proposés dans le cadre des offres 100 % santé », d’après un sondage réalisé par Assurland

Avec cette nouvelle donne, les comportements des assurés pourraient aussi évoluer dans les prochains mois. Reste à savoir de quelle façon et à quelle fréquence ces derniers vont s’emparer de ces offres sans aucun reste à charge. Selon un sondage réalisé en janvier par le comparateur Assurland, la réforme est encore mal connue puisque « 42 % des internautes interrogés pensent ne pas y avoir droit ».

Elle est pourtant accessible à tout assuré dès lors qu’il détient une complémentaire santé « responsable » (soit la quasi-totalité des contrats). De plus, « 28 % des sondés n’ont pas confiance en la qualité des matériaux proposés dans le cadre des offres 100 % santé ». Leur essor va donc aussi dépendre de la façon dont elles seront mises en valeur ou non par les dentistes et les opticiens. L’offre auditive totalement remboursée sera, elle, accessible à partir du 1er janvier 2021. Elle devrait susciter l’intérêt de nombreux Français – plus de 3 millions – qui ne sont aujourd’hui pas appareillés, faute de moyen.

Pauline Janicot