Les retraites

Le Monde.fr : Réforme des retraites : ces économistes proches de Macron qui conseillent la CFDT

Janvier 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Réforme des retraites : ces économistes proches de Macron qui conseillent la CFDT

L’organisation syndicale va être épaulée par des économistes qui furent proches d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Parmi eux : Jean Pisani-Ferry et Philippe Aghion.

Par Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières •

Publié le 20/01/2020

La CFDT joue gros dans les semaines à venir. Elle a obtenu que soit prochainement lancée une conférence sur le financement des retraites, à laquelle participeront les partenaires sociaux. A charge pour la centrale cédétiste, désormais, de démontrer que le jeu en valait la chandelle et que des solutions peuvent être trouvées pour équilibrer le système à court terme.

L’exercice, qui devrait débuter fin janvier, s’annonce ardu. Il implique de parlementer avec le patronat, qui défend des idées très différentes de celles des syndicats pour résorber le déficit du système – évalué dans une fourchette oscillant entre 7,9 et 17,2 milliards d’euros en 2025. En outre, l’exécutif a, d’emblée, indiqué aux protagonistes qu’il fallait exclure les pistes ayant pour effet d’augmenter le coût du travail ou de diminuer le niveau des pensions.

Face à une équation aussi complexe, Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, s’efforce de mettre le maximum de chances de son côté. « On est en train de réunir, y compris des experts, pour travailler sur des propositions extrêmement précises », a-t-il déclaré, le 16 janvier sur Franceinfo, sans donner le nom des personnalités qui vont l’aider.

« Frappé par le manque d’informations »

Après enquête, il s’avère que la confédération va être épaulée notamment par des économistes qui furent proches d’Emmanuel Macron durant la dernière campagne présidentielle. Parmi eux, Jean Pisani-Ferry, le directeur du programme du candidat d’En marche ! en 2017 : « J’ai des contacts anciens et réguliers avec la CFDT, sur beaucoup de sujets, confie le professeur à Sciences Po Paris. Le fait qu’une organisation comme celle-ci prenne en compte les réflexions d’économistes indépendants me paraît être une très bonne chose. » Professeur au Collège de France, Philippe Aghion, qui avait soutenu M. Macron en 2017, figure également parmi ceux qui veulent apporter leur appui à la CFDT. Il y a aussi l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui, lui, n’a pas pris position en 2017.

Jusqu’à présent, le gouvernement a beaucoup mis l’accent sur les équilibres financiers à court terme, « mais il faut espérer que cette conférence offre aussi l’opportunité de traiter les équilibres de long terme, qui ont été trop peu abordés jusqu’à présent ou laissés au second plan », affirme M. Pisani-Ferry. Pour lui, « les Français n’ont toujours pas compris comment on équilibre un système de retraite par points, et donc quelles seront les règles qui détermineront le montant de leur pension ». « C’est pourtant essentiel pour créer de la confiance au sein de la population », relève-t-il.

Lui et M. Aghion insistent sur la nécessité d’une transparence accrue autour du projet de l’exécutif. « Il faut démarrer sur de bonnes bases, en disposant du maximum d’éléments », souligne le professeur au Collège de France, qui critique, par exemple, le chiffre de 12 milliards d’euros de déficit en 2027 mentionné dans un document gouvernemental récemment remis aux partenaires sociaux. Ce montant a été calculé « en faisant la moyenne entre la projection la plus optimiste du Conseil d’orientation des retraites pour 2025 et sa projection la plus pessimiste, sans discuter des hypothèses sous-jacentes », remarque-t-il, en concluant : « Ce n’est simplement pas sérieux. Plus généralement, je suis frappé par le manque d’informations, il est temps d’y mettre fin. »

Points de vue pas homogènes

Une analyse que M. Pisani-Ferry partage, avec des mots plus mesurés. A ses yeux, il est indispensable de mettre sur la table « beaucoup plus d’éléments que ceux dont on dispose aujourd’hui, en particulier sur le coût des mesures nouvelles que comporte la réforme – par exemple, l’augmentation du minimum de pension – et le rendement de différentes options possibles pour le financement ». « Il faut accepter de faire place à une expertise objective et indépendante », martèle-t-il.

Les deux économistes, tout comme Eric Heyer, de l’OFCE, croient qu’un compromis est possible. La conférence a, certes, été « strictement cadrée par le gouvernement, mais pas autant que les négociations sur l’assurance-chômage, fin 2018, début 2019, qui s’étaient soldées par un échec, estime M. Heyer. Par conséquent, j’ai tendance à penser que les discussions ne sont pas vouées à déboucher sur un constat de désaccord. »

Sur l’issue des pourparlers, les points de vue ne sont pas homogènes. « Il y a de fortes chances qu’une mesure d’âge soit proposée, à travers une petite augmentation de la durée de cotisation ou l’instauration d’un âge pivot à très court terme », pronostique M. Heyer, en ajoutant que d’autres pistes peuvent émerger (relèvement des cotisations salariales, ponction dans le fonds de réserve des retraites ou d’une fraction de la contribution au remboursement de la dette sociale, etc.). De son côté, M. Aghion considère qu’il « est tout à fait possible de trouver des solutions pour garantir l’équilibre du régime sans recourir à l’âge pivot et ainsi permettre à tous les acteurs en présence de sauver la face ».

Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières