Les retraites

Le Monde.fr : Réforme des retraites : l’âge pivot pourrait se rapprocher de 67 ans dans la deuxième moitié du XXIe siècle

Janvier 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Réforme des retraites : l’âge pivot pourrait se rapprocher de 67 ans dans la deuxième moitié du XXIe siècle

« Le Monde » a consulté la version actuelle de l’étude d’impact du projet de loi sur le futur système universel. A terme, à compter de la génération 1980, « l’âge moyen de départ [à la retraite] serait plus élevé » que dans le régime actuel, selon le document.

Par Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières Publié aujourd’hui à 19h27

Dans le futur système universel de retraite, quels seraient les effets d’un âge pivot à 65 ans pour les personnes nées à partir de 1975 ? C’est l’une des hypothèses centrales explorées par l’étude d’impact rédigée par le gouvernement et annexée à l’avant-projet de loi sur la réforme des retraites. Dans une version intermédiaire de ce document, dont des extraits ont été consultés par Le Monde, la conséquence serait implacable : à terme, à compter de la génération 1980, « l’âge moyen de départ [à la retraite] serait plus élevé » que dans le régime actuel, ce qui correspond précisément aux intentions de l’exécutif.

Dans le dispositif qui doit commencer à voir le jour à partir de 2022, les femmes et les hommes pourront, comme aujourd’hui, réclamer le versement de leur pension à 62 ans. Mais le gouvernement souhaite encourager « les Français, sans les y forcer, à travailler un peu plus longtemps », comme le mentionne l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi récemment envoyé au Conseil d’Etat et aux caisses de Sécurité sociale. Pour atteindre ce but, le texte ­ prévoit un « âge d’équilibre », autre nom de l’âge pivot, qui, de facto, se situera au-dessus de 62 ans. A quel niveau, exactement ? On l’ignore, à ce stade : le curseur sera fixé, avant juin 2021, par les administrateurs de la future Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), issue de la fusion des 42 régimes actuels. Il sera déterminé « en référence à l’âge moyen de départ à la retraite des salariés du régime général, hors départs anticipés », qui était de 63,5 ans pour ceux ayant liquidé leurs pensions en 2018. Il progressera, « à hauteur des deux tiers » des gains d’espérance de vie à la retraite.

Bonus et malus
A quoi servira cette borne ? A définir l’âge auquel les assurés pourront partir à taux plein : s’ils cessent d’être actifs avant, leur pension subira un malus (décote) ; dans la situation inverse, un bonus (ou surcote) sera octroyé. Un tel mécanisme, avec des pénalités et des majorations, est déjà à l’œuvre aujourd’hui, mais sous des modalités différentes : pour bénéficier d’une retraite « plein pot » (sans malus, donc), les personnes sont tenues d’avoir cotisé durant une certaine durée ; sinon, elles doivent travailler jusqu’à 67 ans, afin que la décote s’annule. « A la différence d’aujourd’hui, [l’âge d’équilibre] sera identique pour toutes les personnes d’une même génération puisqu’il ne dépendra plus, contrairement à aujourd’hui, de la durée d’assurance, mais uniquement de la date de naissance », rappelle le document consulté par Le Monde. Cette uniformité avait provoqué la colère, notamment de la CFDT, quand ce mécanisme avait été présenté en juillet 2019 dans le rapport de Jean-Paul Delevoye, alors haut-commissaire chargé du dossier.

L’étude d’impact repose sur le raisonnement selon lequel l’âge d’équilibre serait de 65 ans pour les personnes nées en 1975, c’est-à-dire celles qui commenceront à percevoir une pension issue de la nouvelle formule de calcul (fondée sur des points). « Soixante-cinq ans pour la génération 1975, c’est une hypothèse correcte et convenable, compte tenu de l’accroissement de l’espérance de vie, à cet horizon », précise-t-on au secrétariat d’Etat à la réforme des retraites. Que se passerait-il dans une telle configuration ? D’abord, les individus, ayant des durées d’assurance insuffisantes pour le taux plein à cause de « carrières heurtées ou hachées », n’auront plus à « attendre », comme aujourd’hui, 67 ans pour éviter le malus. « Ainsi, environ un tiers des assurés [auront la possibilité] de partir plus tôt ». Un exemple : 30 % des assurés nés en 1981 « avanceraient ainsi leur départ (…) d’un an et demi en moyenne ». Toutefois, ce décalage « serait moindre pour les générations les plus récentes » car l’âge d’équilibre est susceptible de s’élever, « au fur et à mesure des gains d’espérance de vie », et se rapprocher de 67 ans. Autrement dit, l’âge-pivot pourrait dépasser la barre des 65 ans si la durée de l’existence continuait de s’allonger. Une perspective qui n’est pas forcément de nature à rassurer l’opinion.

« Supplément de pension »
L’âge d’équilibre devrait, par ailleurs, inciter les personnes à se maintenir en activité plus longtemps, grâce, en particulier, à deux nouvelles dispositions. D’abord, les droits à la retraite seront revalorisés tous les ans « en fonction de l’évolution du salaire moyen par tête » et non plus de l’inflation, ce qui devrait s’avérer plus avantageux. En outre, « pour chaque année supplémentaire en activité » au-delà de l’âge-pivot, les assurés empocheront un bonus de 5 %. Au total, « le supplément de pension » ainsi procuré sera, en principe, plus consistant que dans le régime actuel.

D’après l’étude d’impact, quelque 20 % des assurés « partiront plus tard à la retraite dans le système universel que ce qu’ils auraient fait dans le système actuel, avec un départ plus tardif d’environ trois ans en moyenne pour les générations nées dans les années 1990 ». Le « gain » sur leur pension sera « en moyenne supérieure à 20 % ». Enfin, environ la moitié des individus « ne modifieraient pas leur âge de départ » dans le nouveau régime.
Le document présente par ailleurs une vingtaine de cas type de salariés ou fonctionnaires nés en 1980 ou 1990 dont certains nécessitent encore des « vérifications ».

Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières