Le droit à la santé et à la vie

Lequotidiendumedecin.fr : Accès aux soins : Médecins du monde dénonce une nouvelle fois la situation dégradée des plus démunis

Décembre 2022, par infosecusanté

Lequotidiendumedecin.fr : Accès aux soins : Médecins du monde dénonce une nouvelle fois la situation dégradée des plus démunis

PAR ELSA BELLANGER -

PUBLIÉ LE 08/12/2022

Le panorama dressé par Médecins du monde (MDM) dans le dernier rapport de son Observatoire de l’accès aux droits et aux soins des plus démunis illustre l’impact de « l’effondrement du système de santé », mais aussi de la crise Covid, sur les conditions d’accès aux soins des plus précaires.

Difficultés à obtenir un rendez-vous - accentuées s’il s’agit d’un spécialiste -, allongements des délais d’attente, fermetures de lits dans les hôpitaux, services d’urgences et permanences d’accès aux soins saturées, entraves « discriminatoires » dans l’accès aux droits et à une couverture maladie, pénuries de médicaments basiques : les obstacles s’accumulent pour les publics reçus par MDM, détaille le 22e rapport de l’ONG présenté ce 8 décembre en conférence de presse.

La crise du Covid a été un « catalyseur » des difficultés, un « révélateur pour certains », rappelle la Dr Florence Rigal, présidente de MDM. Emmanuel Macron a fait de la santé un sujet « prioritaire », mais le « compte n’y est pas », tacle-t-elle. L’accès aux soins devient « impossible » pour certaines populations, un constat « grave » et « anormal », ajoute-t-elle, s’inquiétant des retards et renoncements aux soins de publics dont les conditions d’existence « relèvent de la survie ».

Huit personnes éligibles à une couverture maladie sur 10 n’en ont pas

Selon les données remontées par les 14 centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) gérés par l’ONG en France, plus d’une personne sur deux reçue en consultation en 2021 avait un retard de soins et 44 % nécessitaient une prise en charge « urgente » ou « assez urgente ». Et, alors que 97 % des plus de 15 000 bénéficiaires de ces consultations vivent sous le seuil de pauvreté, plus de 80 % de ceux qui renoncent aux soins le font pour des raisons financières, aggravant leur état de santé. Parmi les personnes reçues et éligibles à une couverture médicale, « huit personnes sur 10 n’en ont pas », déplore le rapport, pointant une complexité administrative, la barrière de la langue et un déficit d’interprétariat.

Les besoins médicaux de ces publics sont pourtant importants. Les pathologies les plus fréquentes relevées sont digestives (23 %), ostéoarticulaires (près de 21 %), dermatologiques (15 %), respiratoires (près de 15 %) ou psychologiques (9 %). Près de six patients sur 10 reçus souffrent d’une pathologie chronique, souvent aggravée par les conditions de vie. Et, près de deux patients ayant une pathologie chronique sur cinq n’avaient pas de suivi et/ou de traitement. L’accès à la prévention est également défaillant. Près de 75 % ne connaissaient pas leur statut sérologique pour le VIH et « 89 % des femmes de 15 ans et plus ne souhaitant pas être enceintes déclarent n’utiliser aucune contraception ».

La dégradation observée ne semble épargner aucun territoire. À Nice, malgré une démographie médicale favorable (228 médecins pour 100 000 habitants contre 132 en moyenne nationale), il manque des médecins traitants « dans certains quartiers », la file active des permanences d’accès aux soins de santé (Pass) est « débordée », la protection maternelle et infantile (PMI) ne réalise pas d’échographie et les délais de rendez-vous dans un centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) ou un centre médico-psychologique (CMP) sont désormais de plusieurs mois, ce qui condamne à l’échec « ces orientations psy, déjà fragiles et ténues », témoigne la Dr Agnès Gillino, coordinatrice générale de MDM à Nice.

Elle observe depuis 2019 une « réelle détérioration » et une multiplication des entraves dans l’accès aux droits, notamment des personnes étrangères et en situation irrégulière : numérisation croissante des démarches, fermeture des guichets, mais aussi des demandes « abusives » de pièces justificatives en dehors du cadre réglementaire et une « suspicion de plus en plus systématique », poursuit la Dr Gillino.

Plaidoyer pour un retour dans le système de droit commun

À Mayotte, une spécificité complexifie encore les parcours. « Le Code de la sécurité sociale ne s’appliquant pas à Mayotte [ni l’aide médicale d’État (AME) ni la protection universelle maladie n’y existent, NDLR], l’accès aux soins y est réglementé par voie dérogatoire, rappelle MDM. Le centre hospitalier de Mayotte (CHM) joue un rôle de premier recours via les centres de consultations (médecine générale) car la médecine libérale est très peu présente. Or le CHM requiert un dépôt d’une provision financière (d’au moins 10 ou 25 euros avec rendez-vous) avant la délivrance de soins », dénonce le rapport, soulignant que cette situation peut juridiquement s’analyser comme un refus de soins, « discriminatoire et donc interdit ».

À cela, s’ajoute une offre de soins « sous-dimensionnée au regard des besoins », témoigne Fleur Meissonnier, superviseuse santé à Mayotte. Les parcours de soins s’assimilent à des « parcours du combattant », ajoute son collègue Moiouya Mohamed, travailleur social.

Le sombre constat dressé par MDM est « partagé par d’autres associations », assure la Dr Rigal. Il est « crucial » d’œuvrer au retour des plus précaires dans « le système de droit commun », plaide-t-elle, fustigeant les « attaques répétées » contre l’AME. L’ONG réclame une « couverture universelle effective », c’est-à-dire « unique » quel que soit le statut, ainsi que la fin du délai de carence de trois mois pour les demandeurs d’asile et un véritable accès à l’interprétariat.