Les retraites

Les Echos - Retraites : ce qu’il faut retenir de la réunion multilatérale de ce mardi matin

Janvier 2020, par Info santé sécu social

Un nouveau round de concertations sur la réforme des retraites s’est ouvert ce mardi matin au ministère du Travail. Le Premier ministre a annoncé qu’il réunirait les partenaires sociaux vendredi à Matignon pour décider du contenu de la « conférence de financement » du futur système de retraites par points. Laurent Berger (CFDT) a salué « la volonté d’ouverture » du gouvernement, mais l’a invité à aller plus loin en rejetant « l’âge pivot » du projet de réforme.

Une réunion multilatérale au ministre du Travail a ouvert ce mardi matin un nouveau round de concertations sur la réforme des retraites. Avant l’ouverture de cette réunion, Edouard Philippe, interviewé sur RTL, a fait un pas vers la CFDT en se disant « ouvert à des discussions sur beaucoup de sujets », dont celui de la « conférence de financement » proposée par la centrale de Laurent Berger.

Edouard Philippe « ouvert sur les modalités » de l’âge pivot, ferme sur l’équilibre
En fin de matinée, au sortir de sa rencontre avec les syndicats et le patronat, le Premier ministre a confirmé le calendrier de la réforme des retraites. Le texte sera examiné en Conseil des ministres le 24 janvier et son examen en séance plénière démarrera à l’Assemblée nationale le 17 février. Cela permettra au gouvernement de « tenir l’engagement pris d’une adoption du projet de loi avant l’été », a ajouté Edouard Philippe. Il a expliqué en outre que cela permettra de « prendre en compte avant le 24 janvier puis après, jusqu’au terme examen par le Parlement, les propositions ou les points d’accord susceptibles de se dégager » entre les partenaires sociaux.

Sur la question de l’équilibre, sur laquelle il a noté un « attachement partagé par les organisations patronales et syndicales », il a confirmé qu’il « repren [ait] l’idée formulée par Laurent Berger » d’une conférence de financement, une « bonne idée », a-t-il insisté. Elle « permet d’envisager une discussion documentée, chiffrée, sereine, [il] l’espère sur les façons de faire revenir le système actuel vers l’équilibre et sur les façons d’être certain de pouvoir préserver l’équilibre dans le système futur », a déclaré le Premier ministre qui a annoncé une première réunion dès vendredi pour laquelle il sera « en mesure de pouvoir communiquer sur le contenu et le mandat qu’aura cette conférence de financement ».

17 jours pour fixer les « grandes orientations » sur la pénibilité et les fins de carrière
Pénibilité, fin de carrière progressive, emploi des séniors dans le public et le privé, petites retraites, fonction publique hospitalière et de l’Etat...@EPhilippePM fait le point sur les prochaines étapes de travail avec les partenaires sociaux. pic.twitter.com/734mnJSN8v

Tour d’horizon des déclarations des leaders syndicaux et patronaux recueillies à l’issue de la réunion :

Laurent Berger (CFDT) : « Un signe d’ouverture, mais il faut retirer l’âge pivot du projet de loi »
A sa sortie de la réunion sur les retraites, sur le perron de l’Hôtel du Chatelet, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a d’abord voulu évoquer le démarrage des discussions sur la prise en compte de la pénibilité, les retraites progressives ou encore le minimum de pension. « On va s’inscrire dans ces travaux avec tout un tas de réunions sur un rythme un peu intense pour porter nos revendications, tout comme dans les réunions sectorielles qui vont s’opérer dans l’éducation nationale, la territoriale ou l’hospitalière par exemple », a-t-il précisé.
Le leader du premier syndicat français a aussi noté un « signe d’ouverture » du Premier ministre sur la question de l’équilibre financier avec la reprise de la proposition que le syndicaliste a faite dimanche soir d’une « conférence de financement ». Mais il est resté prudent, réclamant que « cette ouverture aille plus loin ». « La réunion de vendredi permettra de se dire ce qu’on veut mettre dans cette conférence de financement la CFDT viendra avec des propositions des mesures de justice sociale en ligne de mire et de s’inscrire dans une volonté de financement sur le moyen et le long terme », a-t-il expliqué, regrettant déjà que « du côté patronal notamment du Medef on ait beaucoup de réticence à évoquer la question de la cotisation, celle de la prise en compte des pénibilités ou même d’aller assez vite sur l’emploi des seniors ».

« Mais dans l’état de tension dans lequel est notre pays, il serait de bon ton avoir une annonce que l’âge pivot est retiré du projet de loi actuel sinon la CFDT ne se situera pas durablement dans cette discussion », a-t-il alerté. « On a bien compris que si nous proposons cette conférence de financement c’est pour travailler vraiment sur le moyen et long terme, mais il faudra pour cela que l’âge pivot soit retiré » du projet de loi, a-t-il insisté. La CFDT qui a lancé une pétition contre l’âge pivot lundi , mobilisera dans les prochains jours, a annoncé Laurent Berger. Elle ne se joindra pas au niveau national aux défilés qu’organisent les opposants à la réforme - CGT, FO, CGC, FSU et Solidaires - mais des militants pourraient participer à ces défilés. La centrale appelle à multiplier les initiatives le samedi 11 janvier selon des modalités à définir selon les régions.

Laurent Escure (Unsa) : « Le 11, il y a une journée appelée par des gens sur le front du refus et du retrait total de la réforme, je ne veux pas y mélanger les revendications que l’on porte »
« J’espère que d’ici à vendredi, nous aurons la clarification que nous attendons. » Au sortir de la réunion au ministère du Travail, le secrétaire général de l’Unsa, Laurent Escure, a de nouveau demandé le retrait de l’âge pivot du projet de réforme des retraites « pour qu’on puisse discuter librement avec l’ensemble des parties prenantes, le gouvernement, les employeurs, pour trouver une voie d’équilibre ». « D’ici là on reste mobilisé pour continuer à dénoncer l’ajout d’une mesure punitive à la réforme », a-t-il ajouté.
Interrogé sur la participation de l’Unsa à la mobilisation du samedi 11 janvier , à laquelle appellent la CGT, FO, la CGC, la FSU et Solidaires, le syndicaliste l’a exclu. « Il y a une journée appelée par des gens sur le front du refus et du retrait total de la réforme, je ne veux pas mélanger les revendications qu’on porte, très claires avec des revendications de certains jusqu’auboutistes ; j’en ai même vu qui appelaient à la révolution la semaine dernière », a déclaré Laurent Escure, visant sans le nommer le secrétaire général des cheminots CGT, Laurent Brun.

Michel Beaugas (FO) : « Nous irons aux réunions mais ce n’est pas pour ça qu’on nous fera avaler la réforme des retraites »
« Peu de surprises » lors de la réunion de ce matin au ministère du Travail, si ce n’est l’invitation à une réunion dès vendredi à Matignon pour lancer une conférence de financement, a noté Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO sur le perron de l’Hôtel du Chatelet. Tout en souhaitant - sans grand espoir - que le gouvernement arrête la pendule au vu du nombre et de l’ampleur des dossiers sur lesquels s’ouvrent les concertations, le syndicaliste, qui a rappelé l’opposition de sa centrale au projet de réforme des retraites dont elle exige le « retrait », a précisé que son organisation participerait aux discussions au ministère du Travail avec Agnès Buzyn, au secrétariat d’Etat à la Fonction publique avec Olivier Dussopt, tout comme chez le Premier ministre.
« Nous irons vendredi matin à la réunion à Matignon, mais ce n’est pas pour ça qu’on nous fera avaler la réforme des retraites », a expliqué Michel Beaugas qui a souligné que « le Premier ministre nous l’a confirmé le projet de loi est bien parti au Conseil d’Etat […] et [qu]’il est conforme aux annonces qu’il avait faites au Cese donc [qu’]il y a bien l’âge pivot à 64 ans dans le texte ».

Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) : « Non à un système en deux temps »
A l’issue de la réunion multilatérale, Geoffroy Roux de Bézieux a expliqué que « la réponse du Medef à la proposition d’une conférence de financement vendredi est assez simple : « Pourquoi pas. Avec deux conditions. » La première est que « tous les chiffres soient sur la table ». « Aujourd’hui on a le déficit prévu par le Conseil d’orientation des retraites mais à paramètres constants, avant la réforme. Or, la réforme coûte de l’argent et il faut que le gouvernement mette sur la table dans les jours qui viennent le coût total de la réforme. Qu’on puisse savoir combien il faut trouver de recettes supplémentaires », a expliqué le leader du Medef. Deuxième condition : « Que le calendrier soit court, c’est-à-dire que la solution d’équilibre soit contenue dans le projet de loi quand il sera voté au Parlement, fin avril-début mai. » « Nous ne sommes pas favorables à un système en deux temps où on aurait d’abord la réforme (les dépenses) et ensuite on discuterait à l’été ou après l’été des recettes », a insisté Geoffroy Roux de Bézieux.
Il a aussi pointé une autre « ligne rouge » du Medef : la cotisation payée par les employeurs et les employés qui ne doit pas être « une variable d’ajustement ».

Catherine Perret (CGT) : « Les grèves ne sont pas près de s’arrêter »
« J’ai un peu l’impression d’être encore en 2019. » Pour Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT, la réunion de ce mardi n’a rien apporté de nouveau. Pour la syndicaliste, « à partir du moment où le Premier ministre avec l’ensemble du patronat a redit ce matin qu’il n’est pas question d’augmenter les cotisations sociales […] cela conduit quelles que soient les modalités de la fameuse conférence […] à travailler plus longtemps donc à aller à un âge pivot avec une décote à 64 ans et avoir demain une pension plus basse pour tous les salariés ».
« Je pense que le gouvernement a un sérieux caillou dans sa chaussure puisque les grèves ne sont pas près de s’arrêter », a ajouté Catherine Perret. La CGT décidera dans l’après-midi si elle participe ou pas à la réunion de vendredi. « Mais si on y va, c’est avec une obligation : qu’on parle d’augmentation des cotisations sociales ».

Leila de Comarmond et Valérie Mazuir