Le chômage

Libération - Assurance chômage : la fourberie du gouvernement

Décembre 2022, par Info santé sécu social

En transmettant aux partenaires sociaux, la veille de Noël, un projet de décret durcissant encore les droits d’indemnisation des chômeurs en cas de situation de « plein emploi », l’exécutif affaiblit une fois de plus le « dialogue social » dont il se revendique pourtant.

par Lilian Alemagna
publié le 25 décembre 2022

C’est tellement indécent qu’on veut bien croire que le gouvernement n’a pas maîtrisé la date. Vendredi, avant-veille de Noël, les équipes d’Olivier Dussopt au ministère du Travail transmettent un projet de décret aux partenaires sociaux sur les détails d’application des futures règles de l’assurance chômage. Et ce, deux jours seulement après la promulgation de la loi votée cet automne au Parlement. Magie des dispositions réglementaires, les syndicats découvrent dans ce texte actuellement visé par le Conseil d’Etat qu’en plus d’une réduction de 25% de la durée d’indemnisation des nouveaux chômeurs lorsque le taux de chômage est – comme aujourd’hui – sous les 9% au niveau national, cette durée pendant laquelle le demandeur d’emploi pourra bénéficier d’une allocation sera amputée de 40% quand le pays sera en situation de « plein emploi », soit doté d’un taux de chômage de 6% selon la décision de l’exécutif.

Le coup est tellement fourbe qu’il a déclenché l’ire du patron de la CFDT, Laurent Berger. « Découvrir dans le projet de décret une disposition encore plus dure pour les chômeurs sans qu’il n’en ait été question dans la concertation avec les partenaires sociaux. C’est de la pure déloyauté de la part du gouvernement et c’est encore une fois taper fort sur les chômeurs », a dénoncé sur Twitter le secrétaire général du premier syndicat du pays.

Dans un communiqué publié samedi, sa numéro 2, Marylise Léon, a fait part de sa « stupéfaction » et prévient que la CFDT « se battra pour que les précaires, les chômeurs de longue durée et notamment les seniors ne subissent pas cette nouvelle injustice ». « Cette baisse drastique et inédite des droits des demandeurs d’emploi n’améliorera en rien leur entrée sur le marché du travail et ne fera qu’aggraver les difficultés rencontrées par ces personnes », poursuit-elle.

Que vaut la « concertation » si c’est pour décider de règles sans prévenir ?
Le gouvernement adapte tout simplement un dogme libéral : si les chômeurs ne travaillent pas alors que des emplois restent vacants, c’est qu’ils « profitent » du système d’assurance chômage. Il faut donc durcir les règles pour remettre au boulot ces fainéants et la France retrouvera le plein emploi. Tant pis pour tous les autres demandeurs. Celles et ceux qui galèrent pour trouver un job, éprouvent des difficultés personnelles ou professionnelles passagères, ne peuvent déménager pour occuper un poste. Celles et ceux qu’on a mal formés ou surdiplômés et ne trouvent pas dans le secteur professionnel auquel ils se destinaient et ont – oui – besoin de temps pour trouver ou retrouver un emploi dans des conditions acceptables. L’exécutif ne tire même pas les leçons de sa précédente réforme dont l’Unédic vient de fournir une première évaluation désastreuse en termes de conséquences sur la pauvreté : de moins en moins de chômeurs indemnisés, surtout parmi les salariés précaires, et une baisse sensible du montant de l’allocation pour la moitié de ceux qui en touchent une. Dramatique.

Ce nouvel épisode ne fait – malheureusement – que renforcer le peu de crédibilité qu’il est possible d’accorder à cet exécutif lorsqu’il loue les bienfaits du « dialogue social » et de sa « méthode de concertation ». A quoi cela sert-il de réunir les partenaires sociaux, de les faire régulièrement venir à Matignon ou rue de Grenelle, de leur demander de faire des propositions si, in fine, le gouvernement se sert des décrets d’application pour imposer unilatéralement des dispositions encore plus dures que celles qu’il avait annoncées ? Comment comprendre de telles mauvaises manières si ce n’est pour, une fois de plus, affaiblir les syndicats ? Matignon, l’Elysée et la rue de Grenelle n’ont-ils pas vu, avec les gilets jaunes et encore récemment avec la grève des contrôleurs à la SNCF, que ces corps intermédiaires ont besoin de prouver aux salariés qu’ils sont utiles pour faire tourner cette « démocratie sociale » si chère à Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ? Comment imaginent-ils aborder 2023 et la réforme des retraites après une telle provocation à l’égard des syndicats ? On écrivait récemment que le chef de l’Etat, malgré ce qu’il en dit et ce que vendent les anciens socialistes de son camp, n’est pas « social-démocrate ». On en a une triste confirmation.