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NPA : Tribune "Sortons du pass et de l’impasse sanitaire", poursuivre le débat

Août 2021, par infosecusanté

NPA : Tribune "Sortons du pass et de l’impasse sanitaire », poursuivre le débat !!

Frank Prouhet,

13 aout 21

Parue dans Libé, la tribune "Sortons du pass et de l’impasse sanitaire", lancée par Barbara Stiegler, les députés François-Xavier Bellamy (LR) et François Ruffin (LFI) a été rejointe par Sébastien Jumel ( Pcf) ou encore Jerome Martin et Pauline Londeix, animateurs infatigables et précieux de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du Médicament.
Dans cette tribune, on retrouve nombre d’arguments que nous avançons, depuis des mois, contre la gestion macronnienne, jupitérienne de la pandémie, qui ignore la démocratie, la santé publique, méprise et oublie ceux d’en bas, le pass sanitaire n’étant que la dernière version du refus de convaincre et donc de la tentation de la contrainte. Une tribune qui défend la vaccination comme un outil indispensable et la nécessité de la levée des brevets de l’industrie pharmaceutique.
Mais cette tribune soulève deux interrogations de taille. La première, c’est la signature revendiquée de Francois-Xavier Bellamy, chef de fille des LR au Parlement européen parmi les initiateurs de la tribune. La deuxième interrogation concerne la stratégie vaccinale qui semble émerger de ce texte.
Commençons par la présence de François-Xavier Bellamy, présenté par Libé comme un des trois initiateurs de la pétition, avec la philosophe Barbara Stiegler, et François Ruffin. Bellamy, un franc tireur de droite, défenseur de la levée des brevets et dont la présence n’a pas réellement de signification ? Pas si sûr quand on sait que lors du vote au Parlement européen sur la levée des brevets, François -Xavier Bellamy… s’est opposé, au nom du groupe LR et PPE à la levée des brevets, comme le rapporte l’AFP que nous citons : "À l’inverse, l’eurodéputé français François-Xavier Bellamy (PPE, droite) avait estimé, ce mercredi auprès de l’Agence France-Presse, qu’une levée des brevets était « une fausse bonne idée ». « C’est une réponse à côté de la question réelle du moment qui est : comment avoir assez de doses ? ». Ce drôle de défenseur de la levée des brevets est-il au moins un chaud partisan de la démocratie, de la santé publique ? Après avoir fréquenté les milieux cathos d’extrême-droite, celui qui est présenté comme le nouvel intellectuel de droite est choisi par le très droitier Laurent Vauquiez pour mener la liste européenne des Républicains en 2019. Une campagne européenne marquée la défense de la « tradition chrétienne de l’Europe », par les polémiques sur ses déclarations contre l’Interruption volontaire de grossesse, ses participations aux manifestations de la Manif pour tous contre le droit à la PMA pour toutes les femmes, ses prises de position contre le droit de mourir dans la dignité lors de l’affaire Vincent Lambert, ses tribunes contre le projet de loi d’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Sans parler de sa dénonciation des aspects de la loi Asile et Immigration qui permettent le regroupement familial des mineurs. Les féministes, les anti-racistes, les LGBTI, tous ceux et celles qui se battent pour les libertés, seront surpris de le voir associé à un texte vantant la démocratie et le droit de choisir !! Être le représentant d’une droite souverainiste et tradi devrait le rendre tout à fait infréquentable. Le très réactionnaire regroupement Sens Commun, qu’il a monté au sein de LR, est bien notre ennemi, car ses critiques du macronisme, de "l’adaptation imposée au nom de la modernité", de la perte des valeurs des élites européennes, se font au nom des valeurs de la « tradition », de la famille qui se désagrège sur l’autel de l’individualisme, d’une éducation permissive qui ne sait plus transmettre.
Le choix assumé de rechercher parmi les signataires de cette tribune une forme de pont entre les "souverainistes des deux bords" est à l’opposé de ce qui reste à construire aujourd’hui. A savoir faire émerger un pôle progressiste, s’appuyant sur les syndicats, les associations, les organisations de gauche, les personnels et salariés mobilisés. Un pôle qui défend contre les lois sécuritaires et le pass sanitaire de Macron et son monde, mais aussi contre une droite et une extrême-droite qui surfe sur le rejet de cette politique pour refiler ses projets rances, complotistes, anti-vax ou racistes, une alternative progressiste qui lutte pour aller vers ceux qui doutent de la vaccination, qui sont éloignés des campagnes de vaccination, qui parle de santé publique et communautaire, qui fabrique avec les populations les réponses à la pandémie, en leur donnant du pouvoir à l’école, à l’usine, dans les quartiers, qui parle d’égalité des droits pour tous les sans-droits, sans papiers, sans-logis, qui défend la poursuite de la gratuité des tests Pcr, la réquisition de l’industrie pharmaceutique et la fin des brevets, qui se bat pour le droit du travail et l’allocation chômage, qui défend le secret médical, ou la biodiversité et les forets contre l’agro-business…
La deuxième interrogation concerne la stratégie vaccinale qui semble émerger de cette tribune. Si elle note bien que « la vaccination est un des outils indispensables », la tribune semble analyser la vaccination uniquement à l’aune de la balance bénéfice risque individuelle. Car elle semble qualifier de « pari », qu’elle ne partage pas on l’aura compris, le fait d’aborder la vaccination sous une autre angle complémentaire, celui de l’aspect solidarité pour atteindre l’immunité collective, mais aussi pour limiter l’apparition des variants. Apparition dont on sait qu’elle est mathématiquement proportionnelle à la circulation du virus, indépendamment du fait que le virus circule chez des personnes vulnérables ou pas face au covid. Des notions qui sont pourtant au coeur d’une politique de santé publique solidaire et démocratique.
« Les vaccins contre la covid ont fait la preuve de leur efficacité pour la plupart des personnes vulnérables – âgées ou avec des comorbidités » souligne la tribune. Et c’est important de le souligner face à tous les anti-vax. Ce sont d’ailleurs les premiers enseignements des essais cliniques menés à large échelle sur les vaccins validés au moins à l’échelle européenne. Les critères d’efficacité contre les formes graves étaient au centre de ces essais cliniques. Mais depuis, le suivi de larges populations vaccinées dans de nombreux pays a solidement validé une autre idée. La vaccination réduit aussi les contaminations, et profite donc aussi à l’ensemble de la société. Je ne citerais qu’une dernière étude de population de l’institut Pasteur face au variant Delta, auquel nous faisons face aujourd’hui, et qui conclue que les vaccinés transmettent en moyenne 12 fois moins que les non vaccinés. D’autres études, israeliennes, montrent qu’à chaque fois qu’on vaccine 20% d’une population, on divise par deux la circulation dans le reste de la population non vaccinée. Bref on parle de vaccin bien commun, non seulement contre l’appropriation privée des vaccins par Big Pharma et l’apartheid vaccinal qui en découle, mais aussi comme vecteur de solidarité à l’échelle collective. Pour atteindre l’immunité collective, pour éviter le développement de variants.
Ce n’est pas ériger le vaccin "en remède miracle pour pallier l’absence de stratégie de santé publique », comme le note la tribune, que de dire cela. Mais la vaccination a une place très particulière, centrale, dans la stratégie de santé publique face à la covid, car l’immunité collective ne peut être atteinte que par la covid, avec ses millions de morts, de covid long, de systèmes de santé effondrés, de régression sociale… ou par les anti-corps de la vaccination !!! Et en défenseurs d’une politique de santé publique, on doit parler de balance bénéfice-risque à l’échelon individuel, mais aussi collectif, en sachant qu’il y a une tension probable entre ces deux notions, qui ne peut pas et ne doit pas être réglée par la contrainte, inefficace de toute façon, mais bien par la délibération éclairée, individuelle ET collective !
Pour défendre une stratégie centrée uniquement sur la vaccination des personnes vulnérables, pour interroger le « pari » de faire baisser la circulation virale pour protéger les non-vaccinés et éviter la multiplication des variants, la tribune convoque les « dernières données israéliennes et américaines ». Le problème, c’est qu’elle leur fait dire beaucoup plus que ce qu’elles nous apprennent. L’étude américaine par exemple, analyse la charge virale de personnes vaccinées, symptomatiques, et conclue qu’elle semble identique à celles de personnes non vaccinées. Les experts du CDC américain en concluent-t-ils que la vaccination ne joue aucun rôle dans la transmission ? Est-ce contradictoire avec les études, j’ai cité celle de Pasteur, mais il y en a bien d’autres, qui montrent que les vaccinés transmettent beaucoup moins, 12 fois moins dans l’étude, que les non-vaccinés ? Non, si on lit le document interne du CDC. Car d’un côté le CDC analyse les vaccinés SYMPTOMATIQUES au Covid ( sur un très petit échantillon de 135 personnes dans un comté du Massachusetts) et l’étude Pasteur l’ENSEMBLE des vaccinés, donc ceux qui n’attrapent pas le covid grâce à la vaccination, ceux qui l’attrapent mais sont asymptomatiques, et enfin la petite partie de ceux qui l’attrapent et sont donc symptomatiques. Il faut être attentif à ces études, poursuivre le travail d’analyse, mais on pourrait les résumer comme suit. En l’état actuel des connaissances, les vaccinés transmettent beaucoup moins que les non vaccinés ( 12 fois moins selon Pasteur), essentiellement par la réduction du risque de contamination ( étude californienne 36 000 personnes, taux de positivité aux tests covid qui descend de 2,5% à 0,2% à la fin du schéma vaccinal, réduction d’un facteur 10), alors que les vaccinés symptomatiques, très peu nombreux, transmettent eux semble-t-il autant que les non-vaccinés ( étude américaine CDC citée). Et le CDC en tire l’unique conclusion, qui est raisonnable, qu’il faut donc maintenir en intérieur les gestes barrière pour les vaccinés et les non vaccinés.
Pour discuter de la balance bénéfice risque défavorable, selon elle, de la vaccination des personnes plus jeunes ou moins à risques, la tribune met en avant "des myocardites, dont l’incidence et les effets à long terme restent à déterminer". De très rares cas de myocardite et de péricardite ont en effet été signalés par les autorités de santé états uniennes, israéliennes, et par l’Agence européenne du médicament, en moyenne 14 jours après l’administration de vaccins à ARN messager contre la COVID-19, le plus souvent chez des hommes jeunes, surtout après la deuxième injection. La pharmacovigilance européenne nous permet d’approcher son incidence, puisqu’ont été notés 157 cas de myocardite au 31 mai, pour 197 millions de doses à ARN injectées. Avec un rétablissement dans la plupart des situations, avec repos ou traitements classiques. Cinq décès ont été signalés, essentiellement chez des personnes avec un âge avancé ou souffrant de comorbidités. Il faut être très attentif à ces signes, qui peuvent probablement être associés aux vaccins ARN, même si les analyses de cas ont parfois retrouvé une origine infectieuse à certaines péricardites ( notamment à herpès virus). Mais de là à en conclure rapidement à une balance bénéfice risque défavorable… D’autant que d’autres chiffres ou études récents pourraient être convoqués, qui montrent avec notamment le variant delta, une montée des risques en population plus jeune et pour ceux qui semblaient les moins avoir à craindre d’une flambée du covid. Qui montrent un rajeunissement de la population rentrant en réanimation. Ainsi, avec l’explosion de la pandémie à la Martinique, très peu vaccinée, les moins de 40 ans en soins critiques représentent 40% des lits.
Un accès universel, immédiat et effectif de toute l’humanité à la vaccination, combiné avec les gestes barrières pour réduire la circulation virale, semble toujours être l’horizon individuel et collectif pour lutter contre cette pandémie syndrémie, pour réduire les formes graves de la maladie, pour essayer d’atteindre une forme d’immunité collective et lutter contre l’émergence de variants dont la dynamique est claire, plus de contagiosité, plus de jeunes touchés. Un débat qui doit se poursuivre, à la lecture attentive de nouveaux essais cliniques, pour avancer solidairement face au covid, contre Macron et son monde, contre les anti-vax, mais aussi contre tous les Bellamy du monde ! « Au lieu de l’autoritarisme et de la panique, le déploiement d’une véritable politique de santé qui mobilise les données scientifiques et qui favorise l’implication des citoyennes et citoyens ». Nous rejoignons là la conclusion de cette tribune.
PS : après discussion avec certains signataires, il semblerait qu’ils aient pour certains été mis devant le fait accompli, qu’ils ignoraient et qu’ils condamnent. Donc la partie critique sur Bellamy semble surtout s’adresser aux deux initiateurs de gauche : Ruffin et Barbara Stiegler.