Complementaires santé

Viva - « Le "100 % santé "n’est pas une couverture à 100 % » Jean-Paul Benoit, président des Mutuelles de France

Juillet 2018, par Info santé sécu social

Interview de Jean-Paul Benoit, Président des Mutuelles de France

Quelle est votre réaction à l’annonce du plan « 100 % santé » par la Ministre Agnès Buzyn ?

C’est une mesure positive bien sûr mais qui est en réalité très limitée. En parlant de « 100 % santé », le gouvernement surjoue dans la communication et de ce fait prend le risque de décevoir les Français. Le « 100 % santé » n’a rien de 100 %. Il y a beaucoup d’incertitudes et beaucoup de limites.

Lesquelles ?

Les 4 millions de personnes qui n’ont pas de complémentaire santé n’auront pas un reste à charge zéro puisque ce sont les mutuelles qui supportent une grande partie du remboursement nécessaire. Ceux qui possèdent des contrats les moins chers risquent de voir leur cotisation augmenter. Nous craignons qu’ils soient obligés de renoncer à leur mutuelle ou d’opter pour des formules moins chères, avec moins de prestations, hors des contrats responsables, donc soumises à des taxes plus importantes et qui ne leur donnent pas accès à ce fameux "reste à charge zéro". 10 à 12 millions de personnes pourraient être concernées.

De plus, on estime à 15 à 20 % la population qui va effectivement bénéficier de ce dispositif en optique. On est bien loin du « 100 % santé ». Et puis beaucoup d’équipements ne rentrent pas dans le panier de soins, par exemple, la pardontie, les couronnes en céramique pour le fond de bouche, l’implantologie ou le traitement anti lumière bleue. Pourtant, concernant ce dernier équipement on sait pertinemment qu’il ne s’agit pas d’un gadget mais un élément important de prévention de la DMLA.

Enfin, ce plan va peser le plus lourdement sur les mutuelles qui couvrent beaucoup de seniors. En créant l’obligation des contrats groupes en entreprise, qui isolent les actifs, on a cassé la solidarité intergénérationnelle. Il ne faudrait pas que ce dispositif accroisse encore les inégalités.

Vous auriez espéré d’autres mesures ?

En effet. Pour ne pas être inégalitaire la protection sociale doit reposer sur un haut niveau de solidarité nationale. Si dans le cadre de cette réforme, l’assurance maladie fait des efforts sur le dentaire, sur l’optique sa participation reste symbolique. D’autre part, l’accès à la santé, ce n’est pas que la question du remboursement. Le gouvernement n’apporte aucune réponse sur les dépassements d’honoraires des médecins ou sur la pénurie croissante d’offre de soins. Le « 100 % santé », c’est de la communication gouvernementale. Hors, en l’état des annonces tous les acteurs (professionnels de santé, sécu, mutuelles) vont faire un effort, sauf un : l’état. Le reste à charge nul sans augmentation des cotisations, et donc sans exclusions nouvelles, ne pourra être atteint sans la suppression des taxes sur les complémentaires et la baisse de la TVA sur les prothèses qui est actuellement au taux maximum.

Combien ce plan va t-il coûter aux mutuelles ?

Il est beaucoup trop tôt pour le dire, trop de paramètres sont encore inconnus. Par contre la mutualité restera extrêmement vigilante à cette question dans le cadre du comité de suivi mis en place. Toute augmentation du coût pour les mutuelles c’est une augmentation du coût pour les mutualistes. Si ce dispositif conduit à une augmentation supplémentaire des cotisations ce sera un échec pour tous.