Asie

Libération - Covid-19 en Chine : « L’absence de communication compromet la surveillance du virus »

Décembre 2022, par Info santé sécu social

Après le relâchement des mesures anti-Covid très strictes, la Chine a décidé de ne plus communiquer le nombre quotidien de cas. Une nouvelle stratégie qui pourrait avoir des conséquences sur la gestion de la pandémie.

par Yoanna Herrera
publié le 26 décembre 2022

Le président chinois Xi Jinping s’est exprimé ce lundi pour la première fois depuis la fin de la politique « zéro Covid », appelant à prendre des actions pour « protéger efficacement la vie de la population ». Il fait désormais le pari d’une « campagne de santé patriotique plus ciblée » pour « bâtir un rempart solide contre l’épidémie ». Car depuis le relâchement en début de mois des mesures draconiennes contre le Covid-19, le pays est submergé par une vague de contaminations.

Si les chiffres officiels n’annoncent que six morts depuis la levée des restrictions, le débordement des hôpitaux, la pénurie de médicaments contre la fièvre et un afflux inhabituel aux crématoriums témoignent du contraire. La décision de Pékin de suspendre la communication des chiffres quotidiens de l’épidémie peut aussi être vue comme un indice. Aux conséquences internes du virage sanitaire chinois pourraient s’ajouter des répercussions dans le reste du monde. Yannick Simonin, professeur à l’université de Montpellier et spécialiste des virus émergents à l’Inserm, relate à Libération les possibles conséquences de la nouvelle stratégie de la Chine.

Qu’est-ce que vient changer la nouvelle politique sanitaire chinoise ?

La suspension de la communication du gouvernement ajoute une strate d’incertitude supplémentaire, même si les chiffres n’ont jamais été transparents. On savait que la politique « zéro Covid » allait être difficile à maintenir sur le long terme. Mais le relâchement total de ces mesures sur une population faiblement immunisée aura des conséquences brutales. Sur le plan régional, la Chine va devoir faire face à un boom de formes graves et à une hausse des décès. Les estimations indiquent que le pays rencontre autour de 30 millions de cas journaliers et cela ne risque pas de s’améliorer. Selon les projections – en fonction du nombre de cas, de l’immunité et des variants –, la Chine risque d’avoir jusqu’à 2 millions de décès durant cette vague s’il n’y a pas une accélération de la campagne vaccinale.

Quelles conséquences sur le paysage épidémiologique ?

Il s’agit d’une situation qui soulève plus de questions que de réponses. La circulation rapide du Sars-Cov-2 en Chine peut favoriser l’émergence de nouveaux variants et l’absence de communication compromet la surveillance. Actuellement, la souche qui porte la vague en Chine est BF.7, un descendant d’omicron BA.5 – tout comme BQ.1.1. Sa présence en Europe a été attestée mais reste très faible.

Doit-on craindre un nouveau variant ?

Les différents variants et sous-variants évoluent souvent dans un contexte de pression de sélection. Autrement dit, pour qu’un variant apparaisse et arrive à s’imposer, il faut qu’il soit capable d’échapper aux anticorps présents dans l’organisme – du fait d’une vaccination ou une contamination récente. A ce stade, le risque pour les populations européennes est réduit car la faible immunité de la population chinoise empêche la présence de cette pression de sélection. Et le virus ne serait pas en mesure d’acquérir les capacités évolutives pour avoir un bon échappement immunitaire.

Il ne faut toutefois pas minimiser la situation car une circulation incontrôlée du virus pourrait accélérer les mutations. Et si on n’a pas les données pour les tracer et les étudier, il sera plus difficile d’anticiper l’apparition de nouveaux variants problématiques.

L’Europe devrait-elle s’inquiéter ?

Il faut être rassurant. En France et en Europe, nous avons une immunité globale très importante. La France n’est pas exposée au risque d’une vague en lien avec la situation de la Chine sur le court terme. Mais, encore une fois, le manque de vigilance peut compliquer les choses sur le long terme. C’est surtout l’incertitude qui est problématique. Depuis le début de la pandémie, on n’a jamais été confronté à un tel nombre de cas dans un même territoire. Plus la circulation d’un virus est incontrôlée, plus on a besoin d’une photographie de la situation sanitaire. Et sans transparence dans la communication des chiffres, il sera très difficile de l’obtenir. La seule solution pour faire face à une pandémie est d’avoir des données sur la présence des variants et agir en fonction. On a besoin de cette transparence.

La Chine vit une situation très différente de celle de l’Europe. Le virus a peu circulé à cause de leur politique sanitaire et la couverture vaccinale y est très faible. Seulement 60 % des Chinois âgés de plus de 80 ans sont vaccinés. La vaccination globale se situe autour de 10 % – avec un vaccin dont on connaît moins bien l’efficacité. Cela a comme résultat une possibilité importante pour le virus de circuler de façon incontrôlée notamment chez les plus fragiles. De ce point de vue, la situation est moins menaçante pour les pays qui présentent une haute couverture vaccinale.