Luttes et mobilisations

JIM - Une grève des libéraux qui divise

Décembre 2022, par Info santé sécu social

Une grève des libéraux qui divise

Paris, le mercredi 28 décembre 2022

Le mouvement de grève des médecins libéraux a été condamné par le ministère de la Santé, mais également par des syndicats et des médecins.

Quelle que soit l’ampleur réelle du mouvement, qui ne sera probablement connue que dans plusieurs jours, la grève des médecins libéraux de cette semaine est d’ores et déjà une réussite médiatique. Le mouvement initié par le collectif Médecins pour demain mais également soutenu par plusieurs syndicats de la profession (UFML, FMF, SML et Jeunes Médecins) a été couvert par de nombreux médias généralistes, permettant de faire connaitre les revendications des grévistes, notamment la revalorisation du tarif de la consultation à 50 euros, ainsi que les difficultés de la profession.

Mais comme tout mouvement social, cette fermeture des cabinets, qui doit durer jusqu’à lundi prochain et doit être suivie d’une manifestation à Paris le 5 janvier, apporte son lot de critiques et de polémiques. Il faut dire que le moment est particulièrement « mal » choisi (ou judicieusement si l’on se place du côté des grévistes) : la période des fêtes est bien souvent difficile pour le système de santé en raison du départ en vacances de nombreux soignants et la situation est encore plus alarmante cette année en raison de la triple épidémie (Covid-19, grippe, bronchiolite) qui touche notre pays. D’où des critiques, avec l’éternel débat qui revient à chaque grève entre droit de grève et droit des usagers.

Une grève « au pire des moments »
Les premières attaques sont venues, assez logiquement et c’est de bonne guerre, du ministère de la Santé lui-même. « Alors que notre système de santé affronte une situation exceptionnelle, compte tenu notamment de la triple épidémie qui se poursuit partout en France, cette grève fait peser une pression accrue sur les hôpitaux et services d’urgence qui se trouvent déjà dans une situation critique » peut-on lire dans le communiqué du ministre François Braun, qui condamne « fermement » le mouvement et appelle à « faire prévaloir cet esprit de responsabilité ».

Mais il n’y a pas que le gouvernement qui s’oppose à la grève. Les urgentistes, qui sont les victimes collatérales de ce mouvement (privés de médecins traitants, les patients se tournent vers les urgences) jugent également le moment mal choisi. Le Dr Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences (et successeur à ce poste de François Braun) a estimé ce mardi que « cette grève arrivait au pire des moments ».

Il a rappelé que les services d’urgences étaient dans une situation critique dans toute la France. « Depuis quinze jours, on observe une augmentation excessivement importante que je qualifierais presque de vertigineuse de l’activité dans les centres du Samu, on est en limite de ce qu’on est en capacité de faire » s’inquiète le chef du service des urgences de l’hôpital de Mulhouse. Urgentiste très médiatique, le Dr Patrick Pelloux ne disait pas autre chose ce lundi : « ce n’est franchement pas le moment, nous sommes dans une situation épouvantable ».

Pour MG France, le C à 50 euros n’a « pas beaucoup de sens »
A côté de ces attaques franches, il y a aussi ceux, y compris parmi les médecins libéraux, qui disent soutenir le mouvement mais refusent d’y participer et n’hésitent pas à émettre quelques critiques. C’est le cas notamment de SOS Médecins qui, tout en soutenant officiellement le mouvement de grève, déplore ses conséquences. « Si on me demande si on est en tension, oui on l’est, on a du mal à faire face à la demande » reconnait le Dr Serge Smadja, secrétaire général de SOS Médecins France.

Le syndicat MG France ne participe pas non plus à cette grève, lui préférant le mouvement des « vendredis de la colère », à travers duquel les médecins libéraux expriment leur désarroi par diverses actions (pétitions, conférences de presse, assemblées générales…). Le Dr Agnès Giannotti, présidente du syndicat, ne cache pas ne pas comprendre la revendication d’un C à 50 euros. « Cela n’a pas beaucoup de sens, une consultation pour une angine ce n’est pas le même travail qu’une consultation pour quelqu’un qui a des maladies chroniques compliquées », explique la généraliste parisienne qui demande surtout « une amélioration des conditions de travail, par exemple en nous aidant à avoir des assistants médicaux pour pouvoir accueillir plus de patients ».

Dans ce bras de fer avec les grévistes, le ministère de la Santé entend bien utiliser à son profit ces divergences d’opinion entre les syndicats. Ce lundi, François Braun a salué la décision de MG France, de la CSM et d’Avenir Spé qui « n’ont pas appelé à la grève », tentant ainsi d’accentuer encore la division parmi les médecins libéraux.

Quentin Haroche