Réforme retraites 2023

Mediapart - Charles de Courson : « Ce qui est certain, c’est que ce gouvernement ne pourra plus gouverner »

Mars 2023, par Info santé sécu social

POLITIQUE ENTRETIEN

Au lendemain du passage en force du gouvernement, la réforme des retraites est sous la menace d’une motion de censure transpartisane déposée par le centriste Charles de Courson. Le député de la Marne explique à Mediapart sa démarche et sa vision sur une séquence qu’il juge dangereuse pour la démocratie.

Ilyes Ramdani
17 mars 2023

Vendredi, le groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) a déposé au bureau de la présidence de l’Assemblée nationale une motion de censure transpartisane qui suscite l’inquiétude du pouvoir. Dernier obstacle à l’adoption définitive du texte, la motion du député centriste Charles de Courson devrait recueillir plus de 200 voix, allant de la gauche à l’extrême droite de l’hémicycle.

S’il paraît pour l’heure improbable qu’elle atteigne le seuil nécessaire à son adoption, faute d’un élan des député·es Les Républicains (LR), la motion du groupe Liot a le mérite de « faire pression » sur un pouvoir exécutif qu’il estime aujourd’hui discrédité, explique-t-il à Mediapart. L’élu de la Marne redoute également les conséquences sociales de la crise provoquée par Emmanuel Macron.

Mediapart : Comment qualifiez-vous ce qui s’est joué jeudi ?

Charles de Courson  : C’est tout d’abord un échec politique. On a vu les fissures extrêmement importantes au sein même de la minorité présidentielle. Il suffisait de les voir hier [jeudi], pendant le discours d’Élisabeth Borne. À part un petit noyau dur, ils se sont bien gardés de se lever et d’applaudir la première ministre. On entend la révolte d’une partie de leur camp. Beaucoup estiment que c’est une folie, certains étaient furieux de cette décision contre laquelle les présidents de groupe ont essayé de se battre à l’Élysée. Et puis, leur pseudo-alliance avec LR a explosé en vol.

Vous dénoncez aussi, depuis plusieurs semaines, un mépris du Parlement par le pouvoir exécutif.

Il y a dans cette histoire un déni démocratique très grave qui persiste. On a un gouvernement hyper-minoritaire, qui se targue de sa légitimité démocratique mais qui est minoritaire à l’Assemblée nationale et qui a fait 25 % au premier tour des élections législatives. Comment voulez-vous diriger une démocratie avec une base sociale aussi faible et étroite ? Sans oublier l’arrogance avec laquelle ils se comportent et traitent le Parlement. Nous déposerons une motion de censure et un recours au Conseil constitutionnel, pour contester le choix du véhicule législatif. Le combat n’est pas terminé.

La motion de censure transpartisane que vous préparez est au cœur des attentions. A-t-elle une chance d’être adoptée ?

L’ensemble de la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale] votera notre motion et La France insoumise a annoncé qu’elle renonçait à présenter la sienne. Si vous additionnez la Nupes, le Rassemblement national (RN), la grande majorité du groupe Liot, ça fait du monde. Et si on ajoute quelques députés Les Républicains (LR)… On n’aura pas forcément les 287 [nécessaires pour atteindre la majorité absolue – ndlr]. Mais plus on s’en approchera, plus ça montrera que le gouvernement ne peut pas continuer comme ça. Une motion de censure, ça sert aussi à avertir le gouvernement et à faire pression.

Vous donnez l’impression de ne pas y croire…

Il peut se passer des tas de choses d’ici lundi. Certains voudront peut-être se débarrasser de ce gouvernement. On verra. Moi, si j’étais à la tête du gouvernement, je m’inquièterais.

Ce qui est certain, c’est que ce gouvernement ne pourra plus gouverner. Je ne suis pas sûr que le président de la République ait mesuré toutes les conséquences de sa décision. Le pays va devenir de plus en plus ingouvernable. Je pense que l’actuel gouvernement est à l’agonie. On parle du changement de première ministre : ça me paraît évident mais ça ne règlera pas le problème de fond. Ça va très mal se passer, à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans la rue.

Dans la rue, justement, les protestations sont montées d’un cran depuis l’annonce du 49-3. Quel rôle peut jouer, selon vous, la mobilisation dans la mise en échec de la réforme ?

C’est l’autre grand échec d’Emmanuel Macron : l’échec social. Les brillantes manœuvres du pouvoir ont réussi à unifier les syndicats, y compris les plus réformistes. Le président a tout fait pour affaiblir les corps intermédiaires, parfois même pour les détruire. Aujourd’hui, les organisations syndicales nous disent qu’elles ne sont pas certaines de pouvoir tenir longtemps les troupes, comme on disait autrefois. On a commencé à voir cette nuit les premiers débordements. Le risque, c’est que les syndicats ne soient plus capables d’encadrer les mouvements.

Ilyes Ramdani