Réforme retraites 2023

Mediapart : Réforme des retraites : les points clefs de la version finale

Mars 2023, par infosecusanté

Mediapart : Réforme des retraites : les points clefs de la version finale

Le rejet des motions de censure à l’Assemblée nationale entraîne l’adoption définitive de la réforme des retraites, qui prévoit de rehausser l’âge légal de départ de deux ans. Tour d’horizon des principales mesures d’une réforme décriée, contre laquelle une nouvelle journée de mobilisation est prévue jeudi.

Cécile Hautefeuille

20 mars 2023 à 20h10

Mediapart fait le point sur les principales mesures d’une loi fortement décriée, et contre laquelle une nouvelle journée de mobilisation nationale est prévue jeudi 23 mars.

Travailler deux ans de plus
L’âge légal de départ, avant lequel aucun travailleur ayant commencé à travailler après 20 ans n’a le droit de commencer à toucher sa retraite, va progressivement passer de 62 à 64 ans. La transition sera rapide : dès le 1er septembre 2023, l’âge de départ sera relevé de trois mois par an, jusqu’à atteindre 64 ans pour toutes et tous en 2030.

Concrètement, les personnes nées entre septembre et décembre 1961 seront les premières concernées : elles partiront à 62 ans et trois mois. Ce sera ensuite 62 ans et six mois pour les natives et natifs de l’année 1962. Et ainsi de suite, jusqu’aux personnes nées en 1968 et au-delà. À partir de cette borne, le départ sera à 64 ans.

Le relèvement de l’âge de départ est la pierre angulaire de la réforme et le plus gros caillou dans la chaussure de l’exécutif, tant la mesure est décriée. Olivier Dussopt a beau dire que la réforme « ne fera pas de perdants », tout le monde a bien compris que travailler deux ans de plus n’est pas une conquête sociale.

Cotiser plus vite, plus longtemps
La loi adoptée ne touche pas à la durée de cotisation nécessaire – 43 ans – pour avoir droit à une pension à taux plein mais elle accélère le rythme prévu par la loi portée en 2014 par Marisol Touraine, ministre de François Hollande.

Il faudra ainsi avoir cotisé 43 ans dès 2027 au lieu de 2035. La réforme de 2014 prévoyait une augmentation d’un trimestre tous les trois ans. Celle de 2023 instaure le rythme d’un trimestre supplémentaire par an, soit trois fois plus vite que prévu.

Un·e assuré·e partant à l’âge du taux plein sans avoir réuni le nombre de trimestres suffisant subira toujours une décote – une réduction appliquée à la pension – mais l’âge d’annulation de cette décote est maintenu à 67 ans. Mi-janvier, la première ministre affirmait sans rougir que c’était là « un progrès concret pour les femmes ». Face aux faits, toujours têtus, le gouvernement a rapidement abandonné son plan com’ sur une réforme prétendument « plus juste » pour les femmes.

Fin janvier, l’étude d’impact de la réforme le démontrait sans appel : le report de l’âge légal sera plus marqué pour les femmes. Celles nées en 1972 verront leur âge moyen de départ augmenter de neuf mois en moyenne, contre cinq pour les hommes de la même génération. Pour la génération 1980, l’effort est deux fois plus important, puisqu’elles partiront huit mois plus tard, contre quatre mois pour les hommes.

Surcote avant l’âge légal : une maigre compensation pour les mères
Le projet de loi initial ne prévoyait rien pour les mères de famille, pénalisées par des carrières hachées et qui vont perdre le bénéfice des trimestres accordés pour chaque enfant (8 trimestres dans le privé, 4 dans le public) leur permettant jusqu’à présent de partir souvent à 62 ans.

La droite sénatoriale s’en est chargée en faisant adopter le principe d’une surcote avant l’âge légal. La mesure, à laquelle les sénateurs LR tenaient fermement, a été conservée dans le texte final à l’issue de la commission mixte paritaire (CMP) du 15 mars.

Elle prévoit une majoration de 1,25 % par trimestre (soit 5 % par an) pour les personnes ayant atteint la durée de cotisation requise à 63 ans, soit un an avant l’âge légal. Autre condition : avoir obtenu au moins un trimestre de majoration au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants. « Cela touchera 30 % des femmes d’une génération » soit « 130 000 personnes » par an, selon le rapporteur LR du texte au Sénat.

Si cette mesure n’effacera que très peu les effets néfastes de la réforme pour les femmes, elle reste inédite : il était jusqu’alors impossible de bénéficier d’une surcote avant l’âge légal de départ.

Les femmes ne sont pas exclusivement concernées par cette surcote car les trimestres « éducation » peuvent être partagés pour les enfants nés à partir de 2010. Mais dans les faits, elles seront bien les principales bénéficiaires. D’ailleurs, concernant la répartition des trimestres entre parents, un amendement de la gauche, adopté au Sénat et conservé dans le texte définitif, prévoit que la mère touchera automatiquement deux trimestres d’éducation sur quatre. Le père ne pourra donc plus en bénéficier en intégralité.

Carrières longues : 43 ans maximum, sous conditions
Gare aux intox sur le sujet des carrières longues, dispositif permettant à celles et ceux entrés tôt sur le marché du travail de partir avant l’âge légal. À la sortie de la commission mixte paritaire, des parlementaires de droite se sont empressés d’affirmer que les personnes entrant dans ce dispositif ne cotiseront jamais plus de 43 ans, grâce à la réforme. C’est faux, comme l’a très vite relevé, sur le réseau social Twitter, un journaliste de la chaîne Public Sénat.

Car pour bénéficier du dispositif, il faut cumuler plusieurs critères : avoir atteint les 43 annuités, avoir cotisé quatre ou cinq trimestres avant l’âge de 16, 18, 20 ou 21 ans et, en plus, avoir atteint une borne d’âge de départ, fixée selon la date d’entrée sur le marché du travail.

Un·e salarié·e ayant commencé à travailler à 16 ans ne peut ainsi pas partir avant ses 58 ans. Celles et ceux entrés sur le marché du travail entre 20 et 21 ans doivent attendre d’avoir 63 ans. Or, comme le souligne l’économiste Michaël Zemmour, le plafonnement à 43 ans est impossible. « Il y aura toujours des personnes en carrière longue qui cotiseront 44 annuités avant de pouvoir partir », souligne-t-il. C’est purement mathématique : une personne n’ayant pas atteint le seuil d’âge requis après 43 ans de cotisation devra en effet aller au-delà.

Pensions minimales : mirages et fausses promesses
Présentée dès le début par le gouvernement comme la contrepartie du recul de l’âge de départ, la revalorisation des pensions minimales a été l’un des sujets centraux des débats. Et comme Mediapart l’avait pressenti dès le 15 janvier, la mesure s’est rapidement retournée contre ses promoteurs, qui n’ont eu de cesse de mentir à son sujet. Précisément sur le nombre réel de bénéficiaires de la retraite à 1 200 euros. Après une foire aux chiffres les plus farfelus – et gonflés – possible, Olivier Dussopt a fini par le reconnaître : pas plus de 20 000 nouvelles et nouveaux retraités bénéficieront chaque année de la revalorisation des petites pensions.

Régimes spéciaux et « clause du grand-père »
La réforme instaure la fin progressive de cinq régimes spéciaux : ceux de la RATP, des industries électriques et gazières (IEG), des clercs et employés de notaire, de la Banque de France et du Conseil économique social et environnemental (Cese). Seules les personnes recrutées à partir du 1er septembre 2023 dans ces secteurs seront privées des régimes spéciaux, en vertu de la fameuse « clause du grand-père ». Une clause que voulait faire sauter la droite sénatoriale, prête à accélérer l’extinction des régimes spéciaux, mais Bruno Retailleau, le président du groupe LR au palais du Luxembourg, y a finalement renoncé.

Le CDI senior : une simple expérimentation
Le gouvernement n’en voulait pas, mais la mesure a été votée par la droite et les centristes au Sénat. Un « contrat de fin de carrière » à durée indéterminée sera créé pour les 60 ans et plus, et sera exonéré, pendant un an, de cotisations familiales (qui financent en partie la branche « famille » de la Sécurité sociale).

Le dispositif a été maintenu par la CMP mais seulement sous la forme d’une expérimentation entre 2023 et 2026 et réservée aux chômeurs et chômeuses de longue durée seniors. « Un contrat qui ne garantit rien », selon Bruno Coquet, docteur en économie et expert des politiques publiques. Sur son blog, il observe que « le problème premier (le licenciement du senior) n’est pas traité par ce nouveau CDI seniors » et que le salarié « pourra de toute façon être “contraint de basculer” à la retraite, ce qui n’est pas le but affirmé de cette réforme, qui vise à prolonger l’activité autant que possible ».

L’index seniors : une mesure d’affichage
La loi veut obliger les entreprises à publier des indicateurs sur le taux d’emploi des seniors et les mesures mises en œuvre pour le favoriser. Il ne s’agit donc pas de les contraindre à employer des seniors, mais bien d’afficher leur bonne – ou mauvaise – politique en la matière. Les entreprises de plus de 1 000 salarié·es devront publier leur index à partir du 1er novembre 2023. Celles de plus de 300 salarié·es y seront contraintes à partir du 1er juillet 2024. Si elles ne le publient pas, elles devront s’acquitter d’une pénalité pouvant atteindre 1 % de la masse salariale.

Cet index seniors pourrait être retoqué par le Conseil constitutionnel car il n’a pas d’impact financier direct sur le système des retraites. En langage constitutionnel, cela s’appelle un « cavalier législatif », car sans rapport avec le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Après l’échec des motions de censure, et comme Mediapart l’a déjà détaillé, les oppositions disposent d’ailleurs de deux autres leviers constitutionnels pour empêcher l’application de cette réforme des retraites : un recours devant le Conseil constitutionnel et un référendum d’initiative partagée.

Cécile Hautefeuille