Réforme retraites 2023

Le Généraliste - Opposés à la réforme des retraites, des médecins généralistes nous expliquent pourquoi

Avril 2023, par Info santé sécu social

PAR AUDE FRAPIN - PUBLIÉ LE 06/04/2023

Si encore aucun des cinq syndicats de médecins représentatifs ne s’est prononcé sur la réforme des retraites et sur le recul de l’âge légal à 64 ans, certains médecins s’y opposent fermement. Leur principale inquiétude ? Le risque d’une aggravation de l’état de santé de leurs patients « déjà usés et épuisés » par leur travail.

Ce jeudi 6 avril, pour cette 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le Dr Frédéric Villebrun, médecin généraliste au centre municipal de santé de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), n’a pas pu, cette fois-ci, participer à la manifestation parisienne.

« C’est toute une organisation, on essaie de se relayer avec mes collègues pour qu’à chaque mobilisation, il y ait quelques membres de l’union syndicale. À côté de ça, il faut aussi qu’on reste disponible pour les patients, donc ce n’est pas toujours évident », explique le généraliste, qui préside l’Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS).

Un risque d’aggravation de l’état de santé de la population

Pour ce généraliste, qui est déjà descendu dans la rue à cinq reprises pour protester contre la réforme des retraites, le recul de l’âge légal à 64 ans est source « de profondes inquiétudes ».

Non pas à titre personnel, - l’âge moyen de départ à la retraite des généralistes se situe en moyenne à plus de 66 ans-, mais bien pour sa patientèle :

« Nous voyons tous les jours des patients déjà très fortement usés et épuisés par leur travail avant même qu’ils soient à la retraite. Certains sont même dans l’incapacité de travailler, indique le généraliste. Avec un recul de l’âge légal, cela risque de s’accentuer davantage. D’ailleurs les plus concernés vont encore être ceux dont les conditions de travail sont les plus pénibles », regrette-t-il.

L’omnipraticien pointe par exemple « les pathologies chroniques déjà très handicapantes » chez certains de ses patients ou encore « les troubles musculosquelettiques qui risquent de s’aggraver et d’augmenter à mesure que les travailleurs avanceront dans l’âge (...) ». Tout cela va créer « des incapacités au travail (...) alerte-t-il.

Des conséquences également sociales

« Ce n’est pas moi qui le dis, c’est épidémiologiquement prouvé », insiste le praticien qui estime que cette « réforme ne semble pas aller dans le bon sens d’un point de vue strictement médical et médico-social ».

Car en plus des conséquences sur la santé, des conséquences sociales sont à prévoir, estime le praticien :

« Nous savons bien que le taux d’emploi des séniors est tout de même assez faible en France. On peut donc penser que plus l’âge légal de départ à la retraite reculera, plus les situations de précarité sociale s’accentueront chez des personnes déjà au chômage, ou qui entreront dans une période d’inactivité professionnelle, et qui pourraient donc se retrouver potentiellement dans des situations de fin de droits et donc de précarisation supplémentaire… »

Dans un communiqué commun du 6 mars signé avec l’USMCS, le Syndicat de la médecine générale (SMG), également opposé à cette réforme, réclamait que « d’autres solutions que le report de l’âge légal à 64 ans soient examinées pour le financement de l’assurance vieillesse » et appelait à « un réel projet de société permettant l’amélioration des retraites et des conditions de vie ».

Dans un communiqué publié en janvier, le Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST) avait lui aussi estimé qu’un recul de l’âge de départ à la retraite ne ferait qu’aggraver l’état de santé des travailleurs.

Il avait par ailleurs appelé les pouvoirs publics à « s’engager de façon volontariste dans une politique d’amélioration des conditions de travail ».