Le système de santé en France

JIM (Journal International de Médecine) - Lutte contre les déserts médicaux : le plan a minima du gouvernement

Juillet 2023, par Info santé sécu social

Paris, le jeudi 13 juillet 2023

Le gouvernement a présenté ce jeudi son plan de lutte contre les déserts médicaux, qui ne comprend aucune grande mesure et déçoit déjà les syndicats.

Le ton volontariste de la ministre des Professionnels de santé Agnès Firmin le Bodo n’y changera rien : le plan de lutte contre la désertification médicale du gouvernement qu’elle a présenté ce jeudi manque cruellement de mesures fortes et ne semble pas à même de palier les difficultés d’accès aux soins que connaissent un grand nombre de Français. Face à des chiffres de plus en plus inquiétants (87 % du territoire en zone sous-dense, 5 millions de Français sans médecin traitant, 11 % de médecins généralistes en moins en dix ans), l’exécutif ne propose pas de grandes décisions mais plutôt le renforcement de solutions déjà connus. Objectif affiché par Agnès Firmin Le Bodo : permettre à deux millions de Français supplémentaires d’avoir accès à un médecin.

Le plan de lutte contre la désertification médicale s’articule autour de quatre axes. En premier lieu, l’exécutif souhaite débourser 65 millions d’euros pour aider à l’embauche de 10 000 assistants médicaux supplémentaires (une promesse de campagne d’Emmanuel Macron) afin de « libérer du temps médical et permettre aux médecins de se concentrer sur leur cœur de métier : le soin ». « Nous en avons déjà recruté plus de 4 000, notre objectif est d’en former 10 000 d’ici 2024 ; un assistant permet de libérer deux créneaux de consultation chaque jour, soit 50 000 en plus chaque semaine à l’échelle de la France » explique la ministre. Le règlement arbitral adopté fin avril dernier prévoit déjà d’assouplir les conditions d’octroi de l’aide à l’embauche d’assistant médicaux, en l’étendant à toutes les spécialités et en supprimant l’exigence d’installation dans une zone sous-dense.

Objectif 100 médicobus et 4 000 MSP d’ici 2024
Le plan reprend également une annonce déjà faite par la Première Ministre Elisabeth Borne le mois dernier lors de la présentation du plan France Ruralités, à savoir le développement des médicobus, ces cabinets médicaux mobiles qui sillonnent les zones peu dotées en médecins. S’il n’en existe pour le moment que dix en service dans toute la France, le gouvernement en souhaite au moins une centaine opérationnelle d’ici fin 2024, dont une trentaine dès le premier trimestre 2024. Le coût du développement de ces services médicaux itinérants est évalué à 20 millions d’euros par le ministère de la Santé, dont 30 à 50 % seront pris en charge par l’Etat. Seules les structures composées de professionnels de santé locaux pourront répondre aux appels à projet » précise le gouvernement.

Enfin, l’exécutif souhaite inciter les différents professionnels de santé à se regrouper dans des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), afin que l’ensemble du territoire français soit couvert par ces structures et veut également créer 4 000 maisons de santé pluriprofessionnels (MSP) « pour attirer les professionnels de santé dans les territoires et créer des équipes de soins autour des patients ». Là encore, il ne s’agit pas de mesures nouvelles ou révolutionnaires : la proposition de loi Valletoux, adoptée en première lecture le 15 juin dernier à l’Assemblée Nationale, prévoit déjà la généralisation des CPTS tandis qu’Emmanuel Macron en personne avait loué le modèle des MSP lors d’un déplacement en province le 25 avril dernier.

« Ces mesures, c’est comme l’hydroxychloroquine »

Ce plan assez peu ambitieux du gouvernement a, on pouvait s’en douter, déçu les syndicats de médecins libéraux, qui demandent depuis plusieurs années que des mesures incitatives fortes soient prises pour inciter les praticiens à s’installer, notamment dans les zones sous-denses. « Ce plan n’est pas nouveau, toutes ces mesures ont déjà été annoncées, c’est bien, ils recyclent » commente ironiquement le Dr Alice Perrain, numéro 2 de MG France. S’agissant plus spécifiquement du développement des médicobus et des MSP, la généraliste estime que ces projets sont voués à l’échec : « il faut du temps, des locaux que l’on n’a pas et si on met un médecin dans un médicobus, il manquera à ses patients dans son cabinet ».

Comme souvent, c’est le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, qui se montre le plus sévère avec le gouvernement, sans macher ses mots. « Ces mesures, c’est comme l’hydroxychloroquine, in vitro ça marche bien, in vivo ça n’a aucun effet » s’amuse le généraliste. « Vous vous rendez compte, on en est encore à se dire qu’on va mettre des médecins dans des bus, boucher les trous pour en créer d’autres. Les CPTS sont une gabegie financière ; quand aux MSP, il faut faire venir les docteurs, pas construire les murs, si je construis une gare dans le désert, cela ne fera pas venir le train » commente le généraliste, qui estime que « ce plan ne résoudra rien » et demande encore une fois « un choc d’attractivité de la médecine libérale : hausses tarifaires, secteur 2 pour tous, allègement de la pression administrative ».

Difficile de dire si le plan de l’exécutif permettre un temps soit peu de résoudre le problème de la désertification médicale, mais il a en tout cas réussi à fâcher encore un peu plus les syndicats de médecins libéraux avec le gouvernement.

Quentin Haroche