Luttes et mobilisations

Libération - Les Bluets : « Nous nous battons pour survivre mais sommes totalement épuisés »

Janvier 2017, par Info santé sécu social

Par Eric Favereau — 2 janvier 2017

Dans une lettre adressée au patron de la CGT, propriétaire de la maternité, le personnel se plaint des pratiques de la direction. Le 15 janvier, l’agence régionale de santé décidera de l’avenir de l’établissement.

Il y a eu 3 116 accouchements, en 2016, à la maternité des Bluets à Paris. Presque un record, en tout cas un exploit, quand on se rappelle les difficultés de ces dix derniers mois. La clinique historique résiste donc, bien vivante, mais elle n’est pas pour autant encore tirée d’affaire. La meilleure preuve en est une lettre – signée par plus de 120 membres du personnel, soit la très grande majorité des salariés – qui vient d’être adressée à Philippe Martinez, secrétaire générale de la CGT. Avec un seul mot d’ordre, pour le moins cocasse : que la CGT les laisse en paix.

C’est tout le paradoxe de ce long conflit. Aux dires du personnel, s’il n’y avait pas le rôle ambigu de l’association Ambroise-Croizat – émanation directe de la CGT, propriétaire de la maternité et de quelques autres établissements – tout irait pour le mieux. Pour des raisons confuses et, semble-t-il, internes à la CGT, l’association a en effet mis à la porte il y a dix mois le directeur des Bluets, puis elle a imposé de nouvelles règles. Paradoxe de ce conflit inclassable, tout le personnel a défendu le directeur licencié contre le propriétaire, c’est-à-dire la CGT. Et depuis, le conflit s’embourbe. Cela traîne quand cela ne s’enlise pas. Au point qu’il y a trois mois, la Haute Autorité de la santé a retiré l’accréditation à la maternité, la mettant de fait en péril. Fin octobre, l’agence régionale de santé de l’Ile-de-France a passé un protocole d’accord avec la nouvelle direction, pour qu’au plus tard le 15 janvier une série de corrections, tant en termes de qualité de prise en charge que de gestion, soit apportée à la maternité. Et si tel n’est pas le cas, les Bluets pourraient fermer.

« Décisions catastrophiques »

Un comble pour cette maternité à part, née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec 52 lits de très bonne réputation, avec plus de 3 000 accouchements par an, mais aussi 1 200 IVG ; avec aussi une forte vocation sociale, et un centre important et reconnu de procréation médicale assistée (plus de 1 200 essais annuels). Aujourd’hui, adossé à l’hôpital Trousseau, qui est doté d’une maternité de niveau 3 (incluant un service de réanimation néonatale), l’ensemble fonctionnait avec qualité. Jusqu’à ce que l’association décide de reprendre les choses en main.

Les mots du personnel pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, sont sans équivoque :« Nous soussignés, salariés des Bluets, sommes au regret de devoir vous informer que nous subissons quotidiennement les pressions, les remarques désobligeantes, les propos dévalorisants, les demandes contradictoires, et les décisions catastrophiques de la part de la directrice générale de l’association Ambroise-Croizat. » Puis, cela se poursuit ainsi : « Depuis un an maintenant le personnel administratif et médical de notre établissement est mis en difficulté quotidienne par les agissements de cette direction… Absence totale d’écoute par l’association sur la souffrance au travail générée, non-respect des règles sanitaires élémentaires d’un hôpital, visite des services de soins non planifiée sans blouse ou habit de travail. Tout ceci a énormément participé à notre récente non-certification et à l’actuelle menace de fermeture de l’hôpital. »

« Droits élémentaires »

Et pour conclure : « Extrêmement affectés par ces agissements répétés, nous vous demandons d’intervenir au plus vite afin de nous permettre de poursuivre notre mission au sein de notre maternité dans des conditions relationnelles normales… Nous, travailleurs des Bluets, aimons notre maternité et continuons à croire que les Bluets sont un acteur important dans notre société et se doivent de survivre pour défendre nos droits élémentaires. Nous nous battons pour survivre mais sommes maintenant totalement épuisés. »

Cette lettre a été envoyée fin décembre à Philippe Martinez, signée par presque la totalité du personnel des Bluets. « On attend toujours la réponse », nous explique Virginie Gossez, déléguée SUD, qui note pourtant qu’il y a eu depuis six mois quelques améliorations. Contactée, la CGT ne nous a pas répondu. « Si l’association continue à nous mettre des bâtons dans les roues, on risque de perdre définitivement notre accréditation », s’inquiète Virginie Gossez. Le calendrier est serré : le 15 janvier, l’agence régionale de santé doit prendre position. Deux jours plus tard, l’Inspection générale des affaires sociales rend son rapport. « En plus, lâche la déléguée SUD, avec toutes ses bêtises, on va être en situation financière difficile, avec près d’1 million d’euros de déficit, alors qu’avant on était en équilibre. »

Eric Favereau