Parti Socialiste

Lequotidiendumedecin.fr : Benoît Hamon (PS) : « La souffrance au travail est une réalité criante chez les personnels soignants »

Avril 2017, par infosecusanté

Benoît Hamon (PS) : « La souffrance au travail est une réalité criante chez les personnels soignants »
Sophie Martos

| 10.04.2017

Supprimer les franchises, conserver le tiers payant généralisé, réfléchir à une part de capitation dans la rémunération, engager un plan de revalorisation des carrières à l’hôpital, reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle, légaliser le cannabis : dans un entretien au « Quotidien », Benoît Hamon explique ses choix. Le candidat PS affirme que le revenu universel bénéficiera aux étudiants en médecine. Entretien.

LE QUOTIDIEN : Pour combattre les déserts médicaux, vous prôniez initialement le conventionnement sélectif dans les zones surdotées. Y avez-vous renoncé ?

BENOIT HAMON : La liberté d’installation sera préservée, mais je prendrai des mesures pour lutter efficacement contre la désertification médicale. Pour informer et inciter à l’installation des professionnels de santé dans les déserts médicaux, nous créerons une mission nationale d’accès aux soins, dotée de larges prérogatives. Elle aidera à la création et au fonctionnement de 1 500 maisons de santé pluridisciplinaires ainsi qu’à la pratique de consultations spécialisées avancées des hôpitaux dans ces territoires.

Si malgré ces mesures incitatives, la pénurie d’offre de soins de premier recours devait perdurer, l’État prendra ses responsabilités en ayant recours si besoin à des médecins salariés. L’installation de médecins supplémentaires dans les zones déjà surdotées n’ouvrira pas le droit au conventionnement automatique par l’assurance-maladie. Nous favoriserons le développement de la télémédecine et le numérique en santé.

À quel tarif fixez-vous le juste niveau de la consultation du médecin généraliste ?

Je souhaite progressivement augmenter la part de rémunération non liée à l’acte : prise en charge des maladies chroniques, consultations de prévention, etc. Je souhaite qu’une réflexion soit engagée concernant une part éventuelle de la rémunération à la capitation. Comme vous le savez le niveau de rémunération des consultations est fixée par des négociations conventionnelles dont bien entendu je respecterai l’entière liberté.

Envisagez-vous de déléguer certains actes médicaux à d’autres professions ?

Je souhaite que les délégations de tâches déjà existantes soient plus amplement utilisées et éventuellement, en mettre en place de nouvelles. Ceci concerne par exemple la prescription de contraception par les sages-femmes ou l’activité des orthoptistes.

Maintiendrez-vous le tiers payant généralisé obligatoire ?

Le tiers payant est une mesure de justice sociale importante que je souhaite conserver. Il sera maintenu pour tous les patients.

Faut-il sauvegarder le secteur II à honoraires libres ?*

Dans les zones et spécialités où l’accès à des soins est insuffisant les nouvelles installations ne seront possibles qu’en secteur I, sans dépassement d’honoraires.

À l’hôpital, vous souhaitez alléger la pression sur les soignants qui expriment leur malaise et leur souffrance au travail. Comment comptez-vous procéder ?

La souffrance au travail est une réalité particulièrement criante chez les personnels soignants. C’est inacceptable. Je poursuivrai le chantier de l’amélioration des conditions de travail par le renforcement de la médecine du travail et la prévention de la pénibilité. Je reconnaîtrai le burn-out comme maladie professionnelle, pour qu’il soit effectivement pris en charge. Les entreprises seront ainsi reconnues responsables de la souffrance au travail de leurs salariés. Elles seront contraintes soit d’en assumer le coût (soins, prévention), soit de modifier en profondeur leurs méthodes de management.

À l’hôpital, un plan de revalorisation des carrières et de recrutement sera mis en œuvre et nous ouvrirons le chantier de l’organisation du travail. Un plan d’investissement « Hôpital digital 2022 » permettra de moderniser les systèmes d’information, de dématérialiser les actes administratifs, d’améliorer le suivi des patients par les objets connectés. Et nous engagerons la rénovation des bâtiments vétustes.

Votre revenu universel d’existence pourrait-il bénéficier à certains professionnels de santé ?

Dès 2018, j’ouvrirai le droit à un revenu universel d’existence à tous les actifs occupés ou non-occupés (étudiants, salariés, travailleurs indépendants…) âgés de plus de 18 ans. Il sera distribué automatiquement, sans démarche administrative et s’adressera donc également aux professionnels de santé. Dans un premier temps ceci concernera les jeunes adultes de 18 à 25 ans, donc en particulier les étudiants en médecine.

Faut-il réguler davantage les complémentaires santé ?

L’assurance santé la plus solidaire, la plus efficace, la moins coûteuse est la Sécurité sociale ! C’est le socle, que j’entends consolider. Sa part dans la prise en charge sera renforcée notamment pour les soins courants. Nous supprimerons également les participations forfaitaires et les franchises médicales.

Depuis 1945, la France a fait le choix d’avoir une part obligatoire et de laisser en complément les individus libres de se couvrir. Le compromis accepté par les Français est cet équilibre. Mais la création d’une complémentaire santé obligatoire, réservée aux seuls salariés, est venu rompre la cohérence d’ensemble. Cette mesure est non seulement confuse mais injuste. Les chômeurs de longue durée, les retraités, les fonctionnaires, et les étudiants n’ont droit à aucune aide publique. Je veux remettre à plat cette injuste répartition des aides publiques à la complémentaire santé. Tout individu, quelle que soit sa situation personnelle ou professionnelle doit être traité équitablement.

Vous êtes en faveur de la légalisation du cannabis. N’y a-t-il pas un risque de santé publique ?

Il faut affirmer clairement que le cannabis est dangereux pour la santé, tout particulièrement pendant l’adolescence. Une consommation intense et précoce, pendant cette période de la vie, peut impacter le développement du cerveau, et diminuer les capacités de mémoire, de concentration, de motivation. Les troubles peuvent être irréversibles. Mais nous devons avoir le courage de la clairvoyance : l’interdiction du cannabis est un échec, les Français sont de grands consommateurs de cannabis.

La légalisation du cannabis permettra de mieux réguler sa distribution et de lutter efficacement contre les réseaux criminels et la violence qui y est liée, mais également de financer de vastes politiques de lutte contre l’addiction. La légalisation permettra de mieux en interdire l’accès aux mineurs, mais aussi de mieux contrôler la toxicité du produit délivré aux consommateurs.

* Question posée par les lecteurs du « Quotidien »