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Lequotidiendumedecin.fr : Le Pr Agnès Buzyn, une hématologue reconnue à la tête du ministère de la Santé

Mai 2017, par infosecusanté

Le Pr Agnès Buzyn, une hématologue reconnue à la tête du ministère de la Santé

Henri de Saint Roman

| 17.05.2017

À 54 ans, le Pr Agnès Buzyn, qui dirigeait jusque-là la Haute autorité de santé (HAS), vient d’être choisie pour le poste de ministre des Solidarités et de la Santé. Depuis plusieurs jours, circulaient plutôt les noms d’Arnaud Robinet, secrétaire national à la Santé des « Républicains », et du socialiste Olivier Véran, ancien rapporteur du projet de loi Touraine. La nomination de cette hématologue, reconnue et respectée, jusqu’à aujourd’hui présidente du collège de la Haute autorité de santé (HAS), devrait être plutôt saluée par la communauté médicale, même si la CSMF émet déjà un bémol.

Une femme discrète mais passionnée

En juin 2016, peu après sa prise de fonction à la tête de la HAS, « Le Quotidien » lui avait consacré un portrait dans lequel, prémonitoire, Agnès Buzyn indiquait être principalement motivée par l’amélioration de la santé des Français et de la qualité des soins. Elle y avouait aussi ne pas être sûre d’être « très très à gauche », mais plutôt sociale-démocrate.

« Dès mon plus jeune âge, assurait alors la présidente de la HAS, la science a été pour moi une évidence. J’aimais toutes les matières scientifiques ». Avec un père chirurgien orthopédiste, un oncle chirurgien, et un autre anesthésiste-réanimateur, la médecine était une affaire de famille. Dès l’âge de 14 ans, son père l’emmenait au bloc où elle faisait parfois office d’aide opératoire.

« Ce n’est pas tout d’être guéri »

Les études de médecine ? « J’ai adoré ça », nous confiait-elle. Même adoration pour sa spécialité d’hématologie, parce que, dit-elle, on y accompagne des personnes, souvent pendant des années. « Car ce n’est pas tout d’être guéri physiquement. Si c’est au prix de séquelles psychologiques, sociales ou professionnelles dramatiques, on n’a fait que la moitié du chemin ». Agnès Buzyn a fait son internat à Necker, avant de prendre un poste de chef de clinique et de praticien hospitalier.

Dans cet univers à l’époque essentiellement masculin, Agnès Buzyn débute avec enthousiasme son activité professionnelle. « Être femme présentait des avantages et des inconvénients », nous expliquait-elle. Au départ, elle ne sent guère le poids de la compétition. Mais quand arrivent les premières responsabilités, « l’univers masculin s’est imposé à moi. Car les hommes ne se rendent même pas compte qu’ils ne se posent jamais la question de coopter une femme ».

Agnès Buzyn a commencé à prendre du galon avec la parité. « Je suis totalement lucide sur le fait que j’ai été nommée à l’IRSN parce que j’étais une femme », confie-t-elle.

Fukushima mon amour

En 2008, elle est nommée présidente de cet Institut. Le 11 mars 2011, le tremblement de terre, puis le tsunami de Fukushima au Japon, la propulsent sur le devant de la scène. Gros coup de stress :

« Quand vous savez que l’île principale du Japon risque d’être rayée de la carte par les radiations, et que vous vous retrouvez au 20 heures de TF1 à expliquer ce qui se passe, vous vous dites, pourquoi ai-je accepté ce poste ? »

Rien ne semble lui résister. Deux mois après, Agnès Buzyn est nommé à l’INCa, où elle prend la succession du Pr Dominique Maraninchi, parti pour l’ANSM. Elle y participe à l’élaboration et à la mise en œuvre du 3e Plan cancer. « Ça a été un moment clé où j’ai pu mettre en pratique tout ce que j’avais pu porter toute ma vie auprès de mes patients », confie-t-elle. Elle obtiendra aussi de haute lutte quelques acquis, comme le droit à l’oubli.

« Je ne veux aucune idéologie à la HAS »

Timide mais déterminée, Agnès Buzyn reconnaît que lorsqu’elle a appris la démission du Pr Harousseau, au moment où son mandat à l’INCa arrivait à échéance, ça a été plus fort qu’elle : « Je me suis dit que ça pouvait être un beau challenge pour une fin de carrière ». Et elle fonce, et prend la tête de cette institution début mars 2016.

Il faut l’avoir vue auditionnée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en janvier dernier pour comprendre comment sa tranquille détermination a eu raison d’un parterre de députés habitué à des candidatures masculines. Le Pr Jean Léonetti, député LR des Alpes Maritimes, s’en souvient : « Je ne la connaissais pas du tout personnellement, mais je savais qu’elle était reconnue par ses pairs. J’ai tout de suite senti qu’elle avait la volonté de moderniser les institutions qu’elle dirige, et que, politiquement, elle avait un regard neuf ». Les membres de la commission voteront à l’unanimité en faveur de sa nomination à la tête de la HAS.

« Si je dois avoir un seul objectif à la tête de la HAS, confiait-elle, c’est de contribuer à améliorer la santé des Français et la qualité des soins qu’on leur prodigue ». Son étiquette de femme de gauche ? « Je ne sais pas si je suis très très à gauche, mais au fond, je suis probablement de sensibilité social-démocrate, glisse-t-elle en riant. Mais j’ai servi des gouvernements de droite comme de gauche, avec la même loyauté ». Un positionnement qui prend aujourd’hui tout son sens avec sa nomination surprise dans le premier gouvernement d’Emmanuel Macron.