Luttes et mobilisations

La Tribune - Des milliers de retraités manifestent partout mais Macron "ne sent pas de colère" dans le pays

Mars 2018, par Info santé sécu social

Par latribune.fr | 15/03/2018, 19:22

A l’appel de neuf organisations (UCR-CGT, UCR-FO, UNAR-CFTC, UNIR CFE-CGC, FSU-Retraités, Solidaires, FGR, LSR et UNRPA), les retraités ont manifesté massivement à Paris et dans toute la France ce jeudi 15 mars contre la hausse de la CSG et les mesures qui ont entamé leur pouvoir d’achat ces dernières années. Pour mémoire, le montant moyen brut mensuel des retraites s’élevait en 2017 à 1.376 euros. (Crédits : Reuters)

Les seniors et ceux qui s’en occupent haussent le ton : écoeurés de passer "pour des nantis", des dizaines de milliers de retraités se sont mobilisés partout en France jeudi pour défendre leur pouvoir d’achat, souvent rejoints par les personnels d’EHPAD, professionnels de l’aide aux personnes âgées qui ont d’ailleurs appelé à la grève pour réclamer plus de moyens humains.

"Racket sur nos retraites" : 7.200 personnes, selon la préfecture de police, 30.000 selon les syndicats, ont défilé jeudi à Paris pour dénoncer la hausse de la CSG appliquée depuis janvier à une majorité de retraités et défendre leur pouvoir d’achat.

Le cortège, réuni à l’appel de neuf organisations (UCR-CGT, UCR-FO, UNAR-CFTC, UNIR CFE-CGC, FSU-Retraités, Solidaires, FGR, LSR et UNRPA), est parti dans le calme de Montparnasse en milieu d’après-midi en direction des Invalides, a constaté un journaliste de l’AFP.

"C’est très vilain M. Macron de faire les poches des vieux", pouvait-on lire sur une banderole, certains manifestants arborant des autocollants "je suis mal (re)traité".

Plusieurs années de mesures qui n’ont cessé d’entamer le pouvoir d’achat
Dans leur ligne de mire, la hausse de 1,7 point de la CSG pour 60% de retraités, qui intervient après plusieurs années de mesures douloureuses pour leur pouvoir d’achat, comme le gel des pensions, la suppression de la "demi-part des veuves", la fin de l’exonération d’impôt pour la majoration de 10% accordée à ceux qui ont eu trois enfants et la création d’une taxe sur les pensions (la Casa) pour financer la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.

Revalorisées de 0,8% en octobre, les pensions ne le seront plus avant janvier 2019 afin de financer l’augmentation du minimum vieillesse.

"J’ai cotisé 40 ans et on vient me ponctionner", s’est indignée Maryse, ex-enseignante de 66 ans, qui perd environ 62 euros sur 2.500 euros mensuels. "Les retraités sont des électeurs, s’il (Macron) ne fait rien pour augmenter nos pensions il verra bien la prochaine fois", a-t-elle prévenu.

"Vous avez passé la journée avec moi, je n’ai pas senti de colère"
Interpellé mercredi par des retraités lors d’un déplacement de deux jours en Touraine et plusieurs bains de foule, Emmanuel Macron a déclaré jeudi qu’il n’avait "pas senti de colère", mais qu’il fallait "expliquer" les réformes. Il a redit qu’il "assumait" lesdites réformes et a demandé "un effort pour aider les jeunes actifs". Après , Emmanuel Macron .

"Quand on change les habitudes, il faut expliquer avant que les gens n’en voient les effets, c’est très important. Mais vous avez passé la journée avec moi : je n’ai pas senti de colère", a déclaré le chef de l’Etat à la presse après avoir visité un lycée à Loches (Inde-et-Loire).

Il a fait cette déclaration alors que des milliers de retraités se sont mobilisés partout en France jeudi pour défendre leur pouvoir d’achat, les professionnels de l’aide aux personnes âgées étant eux appelés à la grève pour réclamer plus de moyens humains (lire plus bas).

"Il y a des gens qui essaient de dresser les Français les uns contre les autres, ce n’est jamais une bonne idée. Nos concitoyens ont parfois des angoisses, nous sommes là pour les accompagner et faire que ce pays réussisse", a-t-il dit.

Mais quand le président explique aux retraités qui l’interpellent sur la hausse de la CSG qu’il faut faire "un effort pour aider les jeunes actifs", cela ressemble tout de même un peu à ce qu’il vient de dénoncer. D’autant que, au passage, cette manière d’argumenter accrédite un peu plus cette campagne d’opinion qui fait passer les retraités pour nantis, ce qui est loin d’être le cas pour l’immense majorité des retraités. En effet, le montant moyen brut mensuel des retraites s’élevait en 2017 à 1.376 euros.

"Il faut remettre la France dans le travail"
Interrogé sur le mécontentement des retraités qui subissent une hausse de la CSG, il a répondu qu’il fallait "expliquer calmement, avec beaucoup de méthode".

"Nos retraités, je les respecte et j’ai envie qu’ils soient bien dans notre société, mais je suis aussi responsable de l’ensemble de la Nation, et si on veut que les retraites soient payées, ce sont les actifs qui les paient", a-t-il fait valoir.

"Il faut remettre la France dans le travail, par la réforme du marché du travail, de l’apprentissage mais aussi par ce transfert que nous avons fait qui permet que le travail paie mieux, pour payer les retraites de nos aînés", a-t-il conclu, en faisant allusion à la baisse des cotisations sociales pour les salariés.

Des dizaines de milliers de manifestants dans toute la France
"Ni privilégiés ni assistés", entre 39.000 et 68.000 retraités, selon un décompte effectué par l’AFP à partir des chiffres de la police et des syndicats dans une trentaine de villes, ont battu le pavé pour dire non à la "baisse de leurs pensions", accompagnés dans de nombreux cas de salariés des maisons de retraite.

Ils étaient entre 2.000 et 3.000 à Tours, plus de 1.000 à Marseille, près de 1.600 personnes (2.300 selon la CGT) à Caen, 300 à Reims...

A Paris, entre 7.200 personnes, selon la préfecture de police, et 30.000, selon les syndicats, ont ainsi défilé de Montparnasse aux Invalides, s’estimant "mal (re)traités".

"Comment un gouvernement peut-il ignorer un quart de ses citoyens ?", s’est interrogé Olivier Joucher (CGT) lors d’un point presse de l’intersyndicale (UCR-CGT, UCR-FO, UNAR-CFTC, UNIR CFE-CGC, FSU-Retraités, Solidaires, FGR, LSR et UNRPA) organisé en amont.

A Nice, un millier de personnes, selon la police, ont bravé une météo exécrable dans des rues peu habituées à de tels cortèges. "Macron t’es foutu, les vieux cons sont dans la rue", ou "reportons la retraite après la mort", pouvait-on lire sur leurs pancartes. A Marseille, un carton proclamait : "Paradis pour les uns, pas un radis pour les autres".

Dans les EHPAD, une douche par semaine, ce n’est pas digne
Dans les EHPAD, la tension est également très forte. Augmenter les effectifs "urgemment", c’est la "priorité" pour l’intersyndicale appelant à la grève dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les services d’aide à domicile, hôpitaux gériatriques et autres structures en charge du grand âge, moins de deux mois après une première mobilisation très suivie.

"On ne peut plus admettre que des personnes âgées ne soient pas douchées régulièrement", que leurs repas soient expédiés, résume Mireille Stivala (CGT) au nom de neuf autres syndicats (FSU, Fédération autonome Fonction publique, CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, Solidaires, Union fédérale action sociale et Unsa) et de l’association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA).

Agnès Buzyn reçoit ceux qui manifestent sous ses fenêtres
La ministre des Solidarités Agnès Buzyn a reçu une délégation à la mi-journée pendant un rassemblement sous ses fenêtres.

"Elle a reconnu que nos attentes (sur l’augmentation des personnels) étaient légitimes", a rapporté le président de l’AD-PA, Pascal Champvert.

"Mais elle ne peut pas répondre au ratio" de 1 personnel pour 1 résident, contre 0,6 en moyenne actuellement, réclamé par les syndicats, en plus de meilleurs salaires ou encore de l’abrogation de la réforme du financement des Ehpad.

Consacrer aux Ehpad une "partie" de la cagnotte fiscale de 2017 (FO)
Un rapport parlementaire publié mercredi propose de doubler le ratio de soignants en quatre ans. Soit plus de 200.000 recrutements, pour 7 à 10 milliards d’euros, quand la ministre met elle en avant le manque "moyens budgétaires".

Le leader de FO, Jean-Claude Mailly, a suggéré jeudi de consacrer aux Ehpad une "partie" des recettes fiscales supplémentaires de 2017. "Maintenant il faut des moyens", a estimé son homologue de la CFDT, Laurent Berger, devant le ministère.

Agnès Buzyn promet pour l’heure de neutraliser les "effets négatifs" de la réforme du financement affectant un quart des Ehpad et n’exclut pas des "ajustements", en plus des 50 millions d’euros supplémentaires annoncés fin janvier.

Sa stratégie globale pour la prise en charge du vieillissement est attendue fin mars.