Revenu de base - Salaire universel

Le Monde.fr Revenu universel : la faute à Uber ?

Juin 2016, par infosecusanté

Revenu universel : la faute à Uber ?

LE MONDE IDEES

21.04.2016

Par Antoine Reverchon

Pourquoi l’idée du revenu universel, vieille de plus de deux cents ans et régulièrement renvoyée au purgatoire des utopies, revient-elle aujourd’hui avec autant de force  ? Serait-ce la faute à Uber  ?

L’emploi massif de travailleurs ­ «  indépendants  » non salariés dans un nombre croissant de secteurs ­des services, et bientôt de robots ­ «  experts  » à la place des travailleurs, lance un double défi à l’équilibre traditionnel de l’économie de marché. Les travailleurs vendent leur savoir-faire aux capitalistes, qui, en échange, leur versent un salaire  ; la puissance publique y ajoute une rémunération différée – la protection sociale contre la maladie, l’infirmité, la vieillesse –, financée par une part des salaires et une part des profits des capitalistes, les cotisations sociales.

Rémunérer le «  travail numérique  »

Le souci est qu’avec la révolution numérique la source principale de profit – tout au moins celle des nouveaux monopoles géants (Google, Amazon, Facebook, Apple, les GAFA) – n’est plus la matière (dans l’industrie) ni le temps (dans les services) transformés par le travail humain, mais les données que chaque humain produit à tout moment par son activité numérique, et qui permettent aux entreprises de vendre produits et services à la bonne personne au bon moment. Il n’en fallait pas plus pour que les économistes prévoient «  la fin du salariat  », avec des millions de suppressions d’emplois devenus inutiles, l’explosion des inégalités entre détenteurs des savoir-faire technologiques et sacrifiés de la vieille économie, et enfin l’effondrement de l’Etat-providence, miné par les déficits et le tarissement des cotisations.

Pour les partisans du revenu de base, la connaissance, l’information, les données sont des biens communs, au même titre que le climat, l’eau ou la biodiversité  : ils ne sauraient être captés par des monopoles privés, puisqu’ils sont produits par chacun d’entre nous. Il convient donc de rémunérer ce «  travail numérique  » ­ (selon l’expression du sociologue Antonio ­Cassili, de Télécom Paris Tech) qui contribue aux biens communs. La création d’un revenu de base figure d’ailleurs parmi les propositions du ­Conseil national du numérique (CNN) dans son rapport «  Travail, emploi, numérique, les nouvelles trajectoires  », remis le 6 janvier au gouvernement. ­ «  La révolution numérique n’est pas que destructive, elle peut être synonyme d’émergence d’une nouvelle économie du partage des biens communs, non marchande et non monétaire  », dit Benoît Thieulin, ­ex-président du CNN. Tout comme Thomas Paine prônait une «  rente foncière  », les militants du revenu de base proposent aujourd’hui une «  rente numérique  ».

Antoine Reverchon
Journaliste au Monde