Revenu de base - Salaire universel

Le Monde.fr : Revenu universel : des chiffres qui donnent le vertige

Juin 2016, par infosecusanté

Revenu universel : des chiffres qui donnent le vertige

LE MONDE IDEES

21.04.2016
Par Antoine Reverchon

A 1500 euros par adulte et 750 euros par mineur, le revenu de base coûterait 1000 milliards d’euros, soit la moitié du PIB.

Tous les opposants au revenu de base s’accordent à dire qu’une telle mesure coûterait trop cher. Les chiffres bruts sont, il est vrai, assez vertigineux  : un revenu de base de 450 euros pour les 51 millions de Français majeurs et de 255 euros pour les 15 millions de mineurs représenterait 320 milliards d’euros  ; à 800 euros par personne, c’est 450 milliards, soit les dépenses de la Sécurité sociale  ; à 1 500 euros par adulte et 750 euros par mineur, comme le préconisent les partisans d’un ­ ­ «  revenu d’existence  », tel l’économiste et sociologue Bernard Friot (université Paris-Ouest), c’est 1 000 milliards, la moitié du PIB  !

L’économiste Pierre Cahuc (Centre de recherche en économie et statistique, Crest), spécialiste du marché du travail, estime que si son montant est bas, le revenu de base ne fera pas mieux que le RSA et les transferts sociaux et fiscaux tels qu’ils existent aujourd’hui  : la nouveauté serait seulement de simplifier le système, ce sur quoi tout le monde est d’accord… à ceci près que chaque niche fiscale ou sociale a ses défenseurs. Mais si son montant est élevé, ajoute Bruno Palier ­ (Sciences-Po), spécialiste de la protection sociale, comment le financer  ? En supprimant les prestations sociales  ? Cela reviendrait à appliquer le programme ultralibéral, alors que la société a plus que jamais besoin d’investissements publics dans l’éducation, la santé, la dépendance, le logement…

Piège politique

Les partisans du revenu de base rétorquent que ces sommes ne s’ajoutent pas aux budgets existants, mais remplacent nombre d’entre eux. La technique de l’impôt négatif, dit Gaspard ­Koenig, transfère le produit de l’impôt des poches de l’Etat et des administrations sociales à celles des contribuables. Selon le Mouvement français pour le revenu de base (MFRB), le revenu de base se substituerait à la plupart des aides sociales, aux subventions des entreprises en faveur de l’emploi, aux allocations et au quotient familial – remplacé par le forfait enfant.
Les partisans du revenu d’existence, quant à eux, estiment que des marges de manœuvre fiscales existent (en mettant fin à la fraude et à l’évasion fiscales) et que les banques centrales peuvent s’affranchir des règles budgétaires en versant directement de l’argent dans les poches des citoyens  : c’est ce que l’économiste australien Steve Keen nomme le «  quantitative easing for the ­people  » («  la création de richesse pour le peuple  »).

Surtout, explique Jean-Eric Hyafil (MFRB), «  ce qui compte, c’est l’effet redistributif du mode de versement du revenu de base  ». Le piège politique est de présenter celui-ci comme une hausse ­des dépenses sociales, et donc des prélèvements obligatoires, alors qu’il ne s’agirait que de distribuer autrement des dépenses auxquelles la société consent déjà à travers des budgets publics. Ce à quoi Yannick L’Horty (université Paris-Est), économiste du travail, rétorque que «  si le revenu de base ne modifie pas la distribution des revenus, à quoi sert-il  ? D’autant qu’il conduit à une mise en responsabilité de chacun à un niveau sans précédent. Ce serait bien si et seulement si nous étions tous des Homo ­economicus. Mais nous ne le sommes pas  ».
Thibault Gajdos, chercheur à Aix-Marseille et spécialiste de l’évaluation des politiques publiques, estime cependant que «  toute tentative de poser le débat sur le revenu de base en termes techniques ou de le balayer d’un revers de la main sous prétexte d’utopisme serait une grave erreur, car tenir ce débat est une manière très profonde d’interroger notre rapport au travail, au salariat, à l’activité  ».

Antoine Reverchon