L’Anticapitaliste Hebdo du NPA

L’Anticapitaliste du 3 juillet 2014 - Euthanasie : le droit de mourir dans la dignité en procès

Mai 2019, par Info santé sécu social

Les procès Lambert et Bonnemaison relancent le débat sur le droit à mourir dans la dignité, mais aussi sur les limites de la loi Léonetti de 2005 contre l’acharnement thérapeutique.

Un débat porté depuis des années par l’ADMD, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui réclame une loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs.

Votée de manière très consensuelle en 2005, la loi Léonetti a ceci de positif qu’elle interdit l’acharnement thérapeutique et instaure un droit au « laisser mourir ». Mais si elle autorise l’administration par les médecins de traitements antalgiques permettant de soulager la souffrance, avec pour « effet secondaire d’abréger la vie » du malade, elle exclut l’injection létale aux malades en fin de vie, comme c’est autorisé à des degrés divers au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse.

Répondre aux demandes de fin de vie
Reste que le soulagement de la souffrance ne suffit pas toujours, et que les soins palliatifs ne font pas disparaître toutes les demandes de fin de vie. Lors du débat présidentiel, Hollande avait d’ailleurs dû reconnaître qu’en France, « aujourd’hui, il y a 7 000 à 8 000 euthanasies qui se font sans que nul ne le sache ». Laissant seuls les médecins et équipes soignantes face à leurs décisions. Le Docteur Bonnemaison, s’il a été acquitté, reste d’ailleurs sous le coup de la décision du très réactionnaire conseil de l’ordre qui, au nom de l’article 38 du code de déontologie, l’a interdit d’exercice.

Mais au-delà de la loi qui doit évoluer et intégrer le droit à l’euthanasie, aujourd’hui un autre obstacle à mourir dans la dignité, c’est l’austérité à hôpital, le temps que les équipes soignantes n’ont pas pour tenir la main de ceux qui vont mourir, pour accompagner les familles, la pénurie aussi d’équipes spécialisées en soins palliatifs et en fin de vie. Un facteur de plus de souffrance au travail.

Lors de l’élection présidentielle, interrogé par l’ADMD, Hollande avait eu une position un peu alambiquée, mais avait néanmoins promis une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». L’engagement 21 n’utilisait certes pas le mot « euthanasie », mais François Hollande estimait qu’« il faudra une procédure, quand une personne demande, parce qu’elle n’en peut plus, (...) d’en terminer avec cette souffrance ». Après l’élection, un rapport était demandé au Professeur Sicard.

En finir avec l’hypocrisie
S’il s’opposait nettement à l’euthanasie active, le rapport Sicard de décembre 2012 dénonçait « la surdité face à la détresse psychique et aux souhaits des patients », constatait « les difficultés et les retards que connaît encore l’organisation de la prise en charge de la fin de vie en France. En particulier, l’absence de formation spécifique des médecins à ce sujet, le développement encore insuffisant de la prise en charge palliative des malades en fin de vie, y compris à domicile, la séparation excessive des approches curatives et palliatives dans les parcours de soins, qui constituent autant de pistes de progrès indispensables ».

Il proposait de faire évoluer la loi Léonetti sur trois points : le recueil des directives anticipées de la personne sur sa fin de vie ; les conditions d’accompagnement d’un malade conscient et autonome, atteint d’une maladie grave et incurable, dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ; rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d’une décision prise à la demande de la personne, de sa famille ou par les soignants. En juin 2013, après la publication de l’avis n°121 du Comité consultatif national d’éthique qu’il avait saisi sur la fin de vie, Hollande avait parlé à Lorient, au terme d’un débat national, d’un projet de loi « sans doute avant la fin de l’année ». On l’attend toujours !

Comme l’avait déclaré Philippe Poutou à l’ADMD au moment des présidentielles, contre l’obstination thérapeutique, nous défendons le droit pour une personne de choisir de mourir dans la dignité face à une maladie sans espoir de guérison et qui peut entraîner des souffrances parfois intolérables. « Oui, il faut en finir avec l’hypocrisie. Une nouvelle loi doit à la fois rendre possible et encadrer la possibilité de l’euthanasie ». Et pour éviter toute dérive, « la nécessité de décisions collectives et mûries est indispensable ».

Frank Cantaloup

L’Anticapitaliste du 2 mars 2015 - Fin de vie : une promesse oubliée

Toutes les grandes avancées sociétales se font dans la douleur. On se souvient des débats autour du droit à l’IVG, du mariage pour tous. Mais pour le droit de mourir dans la dignité, François Hollande souhaitait « éviter les affrontements et trouver un point de consensus ». Sa majorité minée par sa politique économique, il n’avait pas envie de voir dans la rue un mouvement similaire à La Manif pour tous...

Une nouvelle loi était indispensable. Les procès Lambert et Bonnemaison avaient relancé publiquement le débat sur le droit à mourir dans la dignité, et démontré au passage les insuffisances de la loi Léonetti de 2005. Une loi contre l’acharnement thérapeutique, qui instaurait simplement un droit au « laisser mourir ».
Le rapport Sicard de 2012 dénonçait « la surdité face à la détresse psychique et aux souhaits des patients », et constatait « les difficultés et les retards que connaît encore l’organisation de la prise en charge de la fin de vie en France. En particulier, l’absence de formation spécifique des médecins à ce sujet, le développement encore insuffisant de la prise en charge palliative des malades en fin de vie, y compris à domicile… »

Insuffisances et déceptions
Ce sont deux députés, l’un du PS et l’autre de l’UMP, Alain Clayes et Jean Léonetti, qui présentent ensemble un nouveau projet de loi. Il n’autorise ni l’euthanasie ni le suicide assisté, mais instaure simplement un droit à une sédation « profonde et continue » jusqu’au décès, pour les malades en phase terminale, ainsi que des directives anticipées contraignantes.
Cette nouvelle loi déçoit l’association pour le droit de mourir dans la dignité, l’ADMD, qui y voit un abandon de la proposition 21 du candidat Hollande. En effet, sans utiliser le mot « euthanasie », le candidat du Parti socialiste avait souhaité « une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
Pour de nombreux députés socialistes aussi, cette loi est insuffisante. Derrière Jean-Louis Touraine, député PS du Rhône et professeur de médecine, 130 d’entre eux présentaient un amendement qui précisait que « toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir. » Cet amendement, le gouvernement n’a pu le faire rejeter que grâce aux voix des députés de l’UMP !

Le pouvoir médical a la vie dure
Alors que le respect des directives anticipées, consignées par écrit par les patients, devrait s’imposer aux médecins, la nouvelle loi donne malgré tout aux praticiens la possibilité de ne pas les appliquer, s’il jugent ces directives « manifestement inappropriées » ou en cas « d’urgence vitale ». Autant de possibilités d’interprétation, de recours, d’affrontements avec une famille qui veut faire respecter les directives anticipées de son proche, à un moment où la sérénité devrait régner à l’approche de la mort d’un être cher. Mais le pouvoir médical a la vie dure…

De même, la loi prévoit que la sédation sera obligatoirement associée à l’arrêt de tout traitement à visée thérapeutique, réanimation, mais aussi nutrition et hydratation artificielles. On sait que Vincent Lambert avait survécu 31 jours à l’arrêt des traitements. Pour la famille qui assiste à la lente déshydratation de son proche, refuser l’aide active à mourir et s’en tenir à l’arrêt des traitements et de l’alimentation peut être d’une violence terrible.

Une occasion ratée
Toutes ces limites de la loi n’ont pas suffi à calmer les opposants – dont les représentants religieux qui ont pris une position commune – qui y voient à juste titre un pas de plus vers une euthanasie active. En 1999, un premier texte de loi était voté, qui affirmait pour tous l’accès aux soins palliatifs. Aujourd’hui, seulement un Français sur cinq peut exercer ce droit. Car le premier obstacle à mourir dans la dignité, c’est l’austérité à hôpital, le temps que les équipes soignantes n’ont pas pour tenir la main de ceux qui vont mourir, pour accompagner les familles, la pénurie d’équipes spécialisées en soins palliatifs et en fin de vie dans les hôpitaux.
En 2005, la loi Léonetti contre l’acharnement thérapeutique était votée. Mais aujourd’hui, celui-ci continue encore trop souvent. En 2015, une nouvelle occasion est donc ratée. Pourtant, lors du débat présidentiel, François Hollande avait dû reconnaître qu’en France, « il y a 7 000 à 8 000 euthanasies qui se font sans que nul ne le sache », laissant seuls médecins et équipes soignantes face à leurs décisions. Pourtant l’euthanasie active est autorisée à des degrés divers au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Belgique ou en Suisse.

Le soulagement de la souffrance ne suffit pas toujours. Les soins palliatifs ne font pas disparaître toutes les demandes de fin de vie. Pour nous, le droit de choisir sa fin de vie est un droit élémentaire du patient. Sédation pour mourir endormi, euthanasie active, recours au suicide assisté, c’est le patient qui doit choisir en toute connaissance de cause.

Frank Cantaloup