Luttes et mobilisations

L’express - Colère à l’hôpital : les soignants veulent passer à l’action

Octobre 2019, par Info santé sécu social

HÔPITAUX EN DÉTRESSE
Colère à l’hôpital : les soignants veulent passer à l’action
Par Stéphanie Benz,
publié le 11/10/2019

Le "collectif inter-hôpitaux" tenait sa première assemblée générale hier à la Pitié-Salpétrière. Des actions sont annoncées pour les semaines à venir. Ambiance.

Trois amphis plein à craquer. Jeudi soir, dans les locaux de la faculté de médecine de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, la première assemblée générale du "collectif inter-hôpital" est un succès. Pendant deux heures, à la tribune, les interventions se succèdent toutes les trois minutes. Médecins, professeurs de renom, personnels hospitaliers, syndicalistes de tout bord : ensemble, ils sont là pour crier la même colère face à la "dégradation de la qualité des soins", aux "cadences infernales" et aux "patients mis en danger par le manque de moyens". Il s’agit aussi de décider de la suite à donner au mouvement, qui peine à se faire entendre des pouvoirs publics, malgré déjà des pétitions et une lettre ouverte au Président de la République signée par une centaine de célébrités.

"Alerter sur la qualité des soins"
Dans une ambiance effervescente, le Pr Noël Garabédian, respecté président de la commission médicale d’établissement (CME), le parlement des médecins de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, ouvre le bal : "Notre rôle, c’est de sonner l’alarme, d’alerter sur l’absolue nécessité de revoir le financement des hôpitaux", tonne ce pédiatre d’habitude plutôt discret. Les témoignages affolants se multiplient ensuite. Comme celui de ce médecin d’un hôpital de banlieue, qui parle de ces malades, "renvoyés trop vite chez eux faute de lit, alors que leur état nécessiterait une surveillance".

Il y a aussi cette cadre, affolée de voir "de grands professeurs partir dans le privé", "des personnels soignants qui tiennent quatre ou cinq ans au plus". Une infirmière raconte que son établissement ne peut plus réaliser certains examens, "car les fournisseurs de réactifs ne sont plus payés". Une autre, jeune diplômée, émeut l’assistance en racontant ses conditions de vie, logée dans une salle de garde de son hôpital parisien faute de gagner suffisamment pour trouver un logement décent dans la capitale.

Marie Desplechin, invitée surprise
L’intervention surprise de l’écrivain Marie Desplechin, invitée par le Collectif, galvanise l’audience. "Aujourd’hui, dans les hôpitaux, on ne parle plus que d’actes. Comme si l’hôpital se résumait à un catalogue d’actions. Mais ce qui se passe dans vos structures, c’est autre chose : la souffrance, la peur, le soin. C’est le soin qui est en danger". Des actes, justement, il en sera beaucoup questions ensuite. Car pour faire pression sur le gouvernement, le collectif veut proposer l’arrêt du codage des actes médicaux.

Cela revient à priver les établissements d’une partie de leurs ressources financières, puisqu’ils sont aujourd’hui rémunérés en fonction des actes réalisés par les médecins - la fameuse tarification à l’activité mise en place sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy, qui concentre aujourd’hui toutes les critiques. Après quelques discussions, le Pr André Grimaldi, diabétologue émérite à la Pitié-Salpêtrière et infatigable défenseur du service public, emporte l’unanimité : "C’est un acte politique, on ne joue plus le jeu". La motion est votée.

Des manifestations annoncées
Sera-t-elle efficace ? "Nous le proposons, c’est ensuite aux hospitaliers de décider. Nous saurons d’ici une quinzaine de jours si nous sommes suivis", confie le Pr Antoine Pelissolo, porte-parole du Collectif, en marge de la réunion. En attendant, d’autres actions sont entérinées, avec notamment des rassemblements à Paris les 15 et 29 octobre, avant une "grande manifestation" le 14 novembre. Objectif : obtenir un plan d’urgence, assorti d’une augmentation de 300 euros nets par mois pour les personnels non médicaux, afin de "rapprocher leur niveau de rémunération de la moyenne des pays riches", et de l’arrêt des fermetures de lits.

"C’est la dernière chance de sauver l’hôpital tel que nous le voulons", insiste le Pr Pelissolo. Mais pour cela, tous les participants de l’assemblée en ont conscience : il leur faudra parvenir à rassembler plus largement dans les prochaines semaines. Le Pr Anne Gervais, à la tribune, ne semble guère en douter : "Tout est réuni pour que ce mouvement prenne de l’ampleur", avertit-elle.