Les ordres professionnels

Le Monde.fr : Violences conjugales : le feu...

Décembre 2019, par infosecusanté

Le Monde.fr : Violences conjugales : le feu vert sous conditions de l’ordre des médecins à la levée du secret médical

Selon les informations du « Monde », la mesure, issue du Grenelle, a été approuvée à une large majorité, mais dans un cadre très restrictif, visant seulement les victimes « en danger vital immédiat ».

Par Faustine Vincent •

Publié le 18/12/2019

Faut-il déroger au secret médical pour mieux signaler les violences au sein du couple ? Après des semaines de débats houleux, le Conseil national de l’ordre des médecins a tranché sur cette question sensible, issue du Grenelle contre les violences conjugales et reprise dans une proposition de loi des députés La République en marche du Val-de-Marne Guillaume Gouffier-Cha et de la Gironde Bérangère Couillard.

Sa position, très attendue, a été arrêtée à l’issue d’un vote, vendredi 13 décembre. Selon les informations du Monde, la mesure a été approuvée à une large majorité (39 voix sur 48), mais dans un cadre très restrictif.

Ainsi, l’ordre des médecins est d’accord pour que les professionnels de santé fassent un signalement au procureur, sans l’accord de la victime, lorsqu’elle est sous l’emprise de son partenaire, à condition que ce soit une simple possibilité et non une obligation, que la victime soit « en danger vital immédiat », que le signalement soit fait auprès d’un « procureur dédié aux violences conjugales », et que cela aille de pair avec des mesures d’accompagnement.

« L’objectif n’est pas juste de faire un signalement, mais aussi de mettre à disposition des victimes tous les moyens nécessaires », explique Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins. A chaque fois, le praticien devra en outre s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime. S’il n’y parvient pas, « il devra l’informer du signalement au préalable ».

Préserver le secret médical

Quelque 220 000 femmes sont victimes chaque année de violences conjugales, mais moins d’une sur cinq porte plainte. L’idée d’une dérogation au secret médical, portée par le gouvernement lors du Grenelle, consiste donc à mieux signaler ces violences, en considérant que les femmes sous emprise sont dans l’incapacité de le faire elles-mêmes. Le cadre précis d’une telle dérogation reste toutefois à définir.

Après plusieurs semaines de tractations avec le gouvernement pour tenter de trouver un consensus, M. Bouet devait être auditionné mercredi 18 décembre à l’Assemblée nationale par les auteurs de la proposition de loi. Il espère les convaincre de la nécessité de prendre en compte ses conclusions. Cette dérogation au secret médical viendrait s’ajouter à celles qui existent déjà dans la loi concernant les mineurs et les personnes vulnérables.

En apportant ses restrictions, l’ordre des médecins entend mieux protéger les victimes tout en réaffirmant le caractère intangible du secret médical, vu comme un principe fondamental sur lequel repose la relation de confiance entre le patient et son médecin. Ces dernières semaines, de nombreux professionnels de santé ont fait part de leur crainte qu’il soit remis en cause, avec le risque que les victimes n’osent plus parler ni revenir en consultation.

« Vision simpliste »

Les propos de la ministre de la justice, Nicole Belloubet, qui a appelé, le 17 novembre, à « dépasser le secret médical » en cas de violences conjugales, les avaient particulièrement inquiétés. « Faire disparaître le secret médical n’est pas la solution, insiste M. Bouet. Dire que c’est à cause de lui que les femmes restent prisonnières des violences est une vision simpliste. On ne fera pas porter la responsabilité sur les médecins d’un système de prise en charge qui demande à être construit totalement ! »

M. Bouet défend aussi la nécessité de limiter la dérogation aux personnes « en danger vital immédiat » malgré l’existence de la loi sur la non-assistance à personne en danger, jugeant celle-ci « trop générale » : « Elle oblige à porter secours, ce qui veut tout et rien dire, mais elle ne permet pas de mettre en place des mesures de protection spécifiques. »

L’ordre des médecins espère ensuite « aider les professionnels à s’approprier le dispositif » pour éviter qu’il ne soit qu’une mesure législative de plus. « C’est un travail de fond qui ne fait que commencer », assure Patrick Bouet.

Faustine Vincent