NPA

NPA : infos et articles secteur travail social

Avril 2020, par infosecusanté

 Confinement ou pas, le social s’organise à l’échelle nationale (Flora Morand)
 "Réserve sociale" : l’appel au volontariat ou le retour de la charité (Tom Reed & NPA travail social 33)
 Face au chômage partiel, les salarié·es du social contre-attaquent ! (Olivié)
 La réquisition des logements vides, une urgence sociale (Hugo Perlutti)
 Inégaux jusque dans le confinement (NPA travail social 33)

1. CONFINEMENT OU PAS, LE SOCIAL S’ORGANISE A L’ECHELLE NATIONALE !

Les 21 et 22 mars 2020 devaient se tenir, à Paris, les 4èmes rencontres nationales du travail social en lutte. Cette date avait été retenue lors des précédentes rencontres de septembre 2019. En effet ce cadre de regroupement à l’échelle nationale d’organisations telles que des syndicats ou des collectifs du secteur social et médico-social, ou des individus est nécessaire pour s’organiser, pour dénoncer largement la mainmise des logiques libérales de toute sorte dans notre secteur professionnel et pour construire un véritable rapport de force.

Confinement oblige, elles ont rapidement été transformées en réunion dématérialisée le samedi 21 mars après-midi. Une soixantaine de professionnel.les et étudiant.es du social et médico-social, syndiqué.es ou non, s’est connectée, venant d’une vingtaine de départements français, et même de Belgique.

L’état des discussions, exposant la gravité de la situation pour les personnes les plus vulnérables et des attaques annoncées en terme de sécurité et de droit du travail, a amené à la nécessité de renouveler

ce cadre de discussion les samedis suivants (28 mars, 4 , 11 et 26 avril). Le nombre de personnes branchées pour ces réunions s’est maintenu, allongeant la liste des départements représentés.

Plusieurs heures d’échanges ont ainsi permis de dresser un état des lieux actuel des conditions de travail et d’accueil dans le secteur, ces dernières étant fortement aggravées par la crise sanitaire. Que ce soit en protection de l’enfance, dans les centres d’hébergement, en psychiatrie ou encore dans le handicap, les collègues se trouvent exposé.es dans des conditions inacceptables et ne sont pas en mesure de protéger les personnes qu’ils et elles sont supposé.es accompagner. En parallèle, le télétravail improvisé et fliqué, le chômage partiel non rémunéré à taux plein, l’obligation de poser des congés, les appels à volontariat dans des conditions de sécurité non assurées, et à bénévolat, notamment des étudiant.es, sont autant d’éléments alarmants qui rendent indispensable la construction d’un front de lutte dans le travail social, en lien avec les autres secteurs professionnels. C’est pourquoi des collègues ont été chaque fois mandaté.es pour participer à la coordination nationale interprofessionnelle hebdomadaire, permettant d’avoir une vision plus globale de l’état du monde du travail, et de s’appuyer sur les revendications globales, et sur les modalités d’action proposées.

Des groupes de travail se sont alors instaurés entre les réunions du travail social en lutte, permettant de fournir un travail conséquent sur plusieurs points :

 Etablissement d’une plateforme revendicative par champs du secteur ;

 Travail autour des questions étudiantes, notamment en se positionnant contre « la réserve sociale » et l’instrumentalisation des étudiant.es pour combler, gratuitement ou à bas prix, les sous-effectifs pourtant pré-existants ;

 Rédaction d’un appel, modifié et complété après chaque réunion, permettant de restituer les grandes lignes se dégageant des discussions ;

 Mise en place des modalités d’action, comme la journée de mobilisation virtuelle du 7 avril, proposée par la coordination interpro, ayant permis une visibilité des revendications du secteur en cette période de confinement, principalement sur les réseaux sociaux ;

 Travail autour de la création d’une caisse de grève nationale du social et médico-social.

Cette réadaptation rapide et plutôt réussie du cadre des rencontres nationales, permet de constater qu’il existe un réel terrain favorable au développement des luttes dans notre secteur professionnel. Malgré les tentatives des dirigeants, tantôt de culpabiliser les travailleurs et travailleuses, tantôt de les ériger en héros, beaucoup réalisent que la gestion désastreuse de cette épidémie, est le fruit de politiques antisociales, libérales, du démantèlement des services publics, et de l’intérêt supérieur des profits au détriment de la majorité de la population.

Dans la perspective du renversement de ce système toujours plus injuste et meurtrier, continuer de prendre ces initiatives de regroupement large, à l’échelle locale, nationale, sectorielle et interprofessionnelle, est plus que jamais une des responsabilités des militant.es révolutionnaires. Car il est une certitude que la colère accumulée depuis plusieurs années ne fait que s’intensifier, à travers le mouvement des GJ ou la grève reconductible historique contre la réforme des retraites. Et elle n’est pas prête de s’atténuer, bien au contraire, avec cette crise sanitaire, économique et sociale, qui fait exploser les inégalités pour les publics accompagnés et laisse entrevoir un futur néfaste pour les travailleur.euses avec l’instauration de la loi d’urgence sanitaire en particulier.

A retenir, les prochains rdv du secteur social :

> Le mercredi ,6 mai en soirée, pour un 2nd meeting national du social et médico-social dématérialisé ;

> Le dimanche 10 mai à 14h pour la prochaine réunion nationale du
travail social en lutte sur Discord.

Flora Morand


2."RESERVE SOCIALE" : L’APPEL AU VOLONTARIAT ETUDIANT OU LE RETOUR DE LA CHARITE

Face à l’épidémie du COVID-19, le gouvernement a constitué une « réserve sociale » à l’image de la « réserve sanitaire », faisant ainsi appel au volontariat pour « soutenir l’activité des établissements sociaux et médico-sociaux » et « assurer la continuité de la prise en charge de leurs publics ». A l’heure où les établissements de formation ont fermé mais tentent d’assurer selon les directives une certaine « continuité pédagogique », de nombreux étudiant·es en travail social sont rappelé·es sur le terrain pour venir renforcer les équipes et pallier le manque de personnel déjà réduit à peau de chagrin dans de nombreux établissements avant l’épidémie de Coronavirus.
En effet, face aux effets de la crise sanitaire et du confinement, les structures sociales et médico-sociales sont particulièrement en difficulté, percutées par les politiques d’austérité menées depuis de nombreuses années. Les salarié.es des EHPAD avait déjà dénoncé leurs conditions de travail et d’accueil des personnes âgées. Dans les centres d’hébergement, les foyers de l’enfance, le manque de places et de moyens est aussi criant. Peu avant le confinement, les salarié.es d’un foyer d’urgence parisien étaient en grève pour dénoncer cela. Et les exemples abondent.

Etudiant.e.s en travail social, une main d’oeuvre gratuite ?
Avec la « réserve sociale » le gouvernement joue la carte de la culpabilisation et de la vocation, lorsqu’il rappelle qu’il est du « devoir et de la responsabilité des travailleuses et travailleurs sociaux de maintenir l’accompagnement des plus fragiles en cette période de crise ». Une note du ministère des solidarités demande aux étudiants de « s’engager » que ce soit sous la forme de CDD mais aussi de manière bénévole sous la forme de stages. En pressant leurs étudiant.es à participer à cette réserve, les directions d’écoles peuvent mettre à disposition une main d’oeuvre gratuite (convention de stage) alors que les conditions sanitaires minimales pour protéger les salarié·es et les personnes accompagnées sont rarement assurées. Un appel qui tombe à point nommé lorsque certains collègues sur le terrain s’emploient à faire valoir leur droit de retrait pour inciter les directions à réagir lorsqu’elles sont parfois réticentes à mettre en oeuvre des conditions d’accueil et de travail sécures. Dans ces conditions, envoyer sur le terrain des étudiant.es en formation est particulièrement irresponsable, face à un public davantage « fragilisé » par le confinement. De plus, avec l’ordonnance du 25 mars 2020,
le gouvernement autorise l’abaissement du niveau de qualification comme des taux d’encadrement, tout en permettant l’augmentation des taux d’occupation. Ces mesures dites exceptionnelles vont renforcer la logique de rentabilité du secteur et l’expérience de l’état d’urgence nous a déjà montré que l’exceptionnel pouvait devenir permanent.

Faisons payer les vrais responsables de cette catastrophe !
Quelles sont les causes de la « vulnérabilité » des personnes accompagnées ? Qui est responsable de leur précarité ? Sûrement pas les personnes sans-abri, les personnes migrantes, ou encore les étudiant.es qui la dénoncent et se mobilisent. Cette crise n’est pas la nôtre ! Les capitalistes sont les responsables des mort.es et de la détresse sociale grandissante : depuis des années, ils détricotent le droit du travail, détruisent le service public, réduisent les budgets de la recherche médicale (même pour le coronavirus !), au nom du dogme de
l’économie de marché. Pour améliorer la vie des personnes que nous accompagnons, renversons ce système économique injuste dans lequel les profits passent avant nos vies.

Pour faire entendre nos revendications, organisons-nous !

S’engager oui, c’est souvent ce qui nous mène vers ces métiers, mais pas à n’importe quel prix, celui des conditions de travail, de salaires
décents, et surtout pas au dépend des personnes que nous accompagnons ! Nous ne sommes ni des héros ni des héroïnes ! Une « reconnaissance symbolique » ne nous donnera pas les moyens de rester en bonne santé, de vivre dignement… Il est vital que les travailleur.euses, avec ou sans emploi, et les étudiant.es s’organisent pour combattre les politiques néolibérales.

Tom Reed & NPA travail social 33


3.FACE AU CHOMAGE PARTIEL IMPOSE, LES SALARI·EES DU SOCIAL CONTRE-ATTAQUENT !

Cet exemple a eu lieu au sein de deux associations, en cours de regroupement, dans le Département de l’Isère. Il s’agit de deux associations d’environ 70 salarié.e.s chacune, du secteur de l’insertion et de l’hébergement. Depuis les mesures de confinement, la plupart du personnel est en télétravail depuis chez soi. Une présence limitée est maintenue dans les services d’hébergement et des permanences physiques ont lieu dans certains services d’accompagnement, malgré le matériel de protection insuffisant.

Après deux semaines de confinement, les directions consultent les CSE à propos de la mise en place d’une mesure de chômage partiel, sans maintien de salaire. L’argument principal étant que nous ne travaillerions pas autant en télétravail que dans les services. Les deux CSE refusent cette mesure : aucune diminution ou suppression de financement n’a été annoncée, les salarié.e.s assurent la continuité de service en télétravail et présentiel, donc les conditions de mis en place ne sont pas réunies. L’inspection du travail est saisie par les deux CSE.

A l’occasion d’un courrier adressé à l’ensemble des salarié.e.s, les directions vont changer de stratégie et faire mine de ne plus s’intéresser au chômage partiel (sans s’engager à ne pas le mettre en place), pour insister sur la nécessité de mobilité des salarié.e.s, en solidarité avec les services les plus en difficulté. Afin de mieux évaluer les disponibilités et besoins des services, selon les directions, une fiche horaire hebdomadaire est demandée, où chaque salarié.e.s devrait préciser l’ensemble de ses tâches réalisées en télétravail.

Cette fiche est identifiée comme la pierre angulaire de la stratégie des directions : par son biais, elles comptent prouver que nous ne travaillons pas autant que d’habitude. Ensuite, elles n’auraient plus qu’à nous donner le choix entre renforcer d’autres services ou le chômage partiel.

Un communiqué intersyndical unitaire est alors rédigé, rassemblant l’ensemble des organisations syndicales des deux associations (CGT, CFDT et SUD). Il revendique le maintien de tous les salaires à 100 % et appelle les salarié.e.s à ne pas remplir la fiche horaire, rappelant qu’elle aurait dû faire l’objet d’une consultation des CSE qui n’a pas eu lieu. Enfin, le communiqué appelle à une heure d’information syndicale (HIS) dématérialisée, commune aux deux associations.

Lors de cette HIS, 30 salarié.e.s se connecteront, sur un total de 140. Les échanges seront dynamiques, les salarié.e.s sont très défavorables à cette fiche. Pour compléter la démarche, un mail type sera proposé à l’ensemble des salarié.e.s, dans l’objectif que chacun.e l’envoie à la direction pour signifier son refus de remplir la fiche. Il contient également une mention de solidarité envers les collègues en CDD qui sont contre la fiche mais la remplissent du fait de leur condition précaire. A la demande générale, une nouvelle HIS est prévue deux semaines plus tard.

L’organisation des salarié·es a ainsi permis de faire valoir nos revendications, et d’obtenir que la direction recule sur le chômage partiel en garantissant le maintien de nos salaires à 100%. La lutte paie !

Olivié


4. LA REQUISITION DES LOGEMENTS VIDES, UNE URGENCE SOCIALE

La sanitaire frappe plus encore celles et ceux qui étaient déjà les plus précaires. La question du logement en est un exemple. Les sans abris, les personnes en difficultés financières, voient très peu de solutions proposées. Parmi les mesures de « bricolage » qui sont mises en place, on peut constater l’ouverture de gymnases dans certaines municipalités pour les sans abris, avec des solutions d’hygiène minimes, une promiscuité importante et surtout un risque accru de propagation du virus. De même, si le gouvernement a prolongé jusqu’au 31 mai la « trêve hivernale », de nombreuses familles risquent de se retrouver à la rue au 1er juin. Alors que le gouvernement a été capable de sortir 100 milliards d’aide aux entreprises, il n’en est rien des plus précaires, victimes invisibles de la crise sociale. Il est urgent d’imposer la réquisition des logements vides, l’arrêt des expulsions locatives. Alors que les attaques des capitalistes contre les droits des travailleurs.euses et des plus précaires se mettent en place pour préparer l’après confinement, sortir de cette société basée sur les profits est l’urgence pour garantir à toutes et tous un logement et une vie décente !


5. INEGAUX JUSQUE DANS LE CONFINEMENT

Se confiner ? L’onde de choc sans précédent occasionnée par la propagation du coronavirus n’épargne personne. A l’heure actuelle, ce sont plus de trois milliards de personnes qui dans les faits doivent être confinés. Encore faut-il bénéficier de conditions favorables au confinement. Comment se confiner lorsqu’on ne bénéficie pas d’un logement ? Comment se confiner lorsqu’on vit souvent à plusieurs dans un logement insalubre, ou dans un hôtel réquisitionné par l’état pour des familles entières ? Comment se confiner lorsqu’on est un migrant, errant en ville sans solution subissant une pression policière permanente ? Comment se confiner lorsqu’on est incarcéré dans des conditions inhumaines ? Nous, les travailleuses et travailleurs sociaux avons bien conscience que le confinement est un marqueur social. Il met en exergue les dysfonctionnements abyssaux générés par des politiques désastreuses. Les institutions dans lesquelles certains collègues interviennent sont de véritables poudrières où la notion de protection de l’enfance est à l’épreuve. A l’heure actuelle, les collègues s’inquiètent comme dans bien d’autres secteurs professionnels (personnel d’hôpital, caissiers et caissières, uber, boulanger·es, éboueur·euses, postier·es..) de ne pas bénéficier du minimum requis pour des conditions de travail dignes de ce nom.
Cette crise aura des conséquences majeures. Des milliers de morts, des familles endeuillées… Certains auront des comptes à rendre. Le discours très martial du président Macron nous rappelle que nous sommes en effet en guerre… en guerre contre ce mépris social ... en guerre contre des choix iniques qui sacrifient des milliers de vie sans une once de culpabilité. Le confinement ne sera pas éternel. Les dernières mobilisations des gilets jaunes, des retraites ont créé une dynamique. Nous espérons être encore plus nombreux dans la rue très prochainement pour prendre part à un mouvement d’envergure et convergent avec tous ceux qui partagent cette révolte.

NPA Travail Social 33