Luttes et mobilisations

Libération - Appel à la grève des sages-femmes : « On nous rajoute des tas de compétences, mais il faut passer à la caisse »

Février 2021, par Info santé sécu social

Rendez-vous était pris ce mercredi avec le ministère de la Santé, mais ce dernier l’a reporté. Déçues mais pas désarmées, les sages-femmes ont décidé de « maintenir la pression sur le gouvernement » et appellent à la grève ce jour, pour demander une revalorisation de leur statut et de leurs salaires. « Ça fait de nombreuses années que les sages-femmes manifestent pour obtenir des avancées et ce n’est jamais satisfaisant », regrette Caroline Combot, secrétaire générale adjointe de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF).

Leur principale revendication : être considérées comme une profession médicale et ainsi bénéficier de la grille de salaire équivalente. « Actuellement, une sage-femme qui débute n’est même pas à 2 000 euros alors qu’elle a fait cinq ans d’études et qu’elle est passée par une formation médicale. Par rapport aux compétences et aux responsabilités qu’elle a, ce n’est pas grand-chose », pointe Marie-Anne Poumaer, présidente de l’Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF).

Si les sages-femmes sont connues pour leur rôle dans le suivi des grossesses et les accouchements, leur champ d’intervention est plus vaste. Depuis 2009, elles sont habilitées à faire des suivis gynécologiques et, depuis 2016, elles peuvent pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuses. « On nous rajoute des tas de compétences, mais à enveloppe constante. A un moment, il faut passer à la caisse », plaide Caroline Combot. L’épisode du Ségur de la santé, l’été dernier, a d’ailleurs été vécu douloureusement par la profession : elles ont obtenu une revalorisation salariale de 183 euros nets par mois, la somme destinée aux professions non médicales.

Burn-out et maltraitance
Les sages-femmes s’estiment depuis longtemps lésées, reléguées au rang de petites mains prêtes à dépanner mais pas vraiment à jouer dans la cour des grands. Ecrasées, disent-elles, par le lobbying de certains gynécologues peu enclins à leur céder du terrain. Elles observent, désabusées, les campagnes de sensibilisation se faire sans elles : quelle proportion de femmes en France sait que les sages-femmes peuvent faire des frottis et poser des stérilets ? Qu’elles sont capables de dépister les cancers du col de l’utérus ou du sein ?

Face à cette situation, « il y a une désaffection de plus en plus importante pour le métier, qui nous inquiète beaucoup, alerte Caroline Combot. Les maternités ont un mal fou à recruter, les sages-femmes libérales ne trouvent pas de remplaçantes ou de repreneurs. » Selon une enquête menée par le Collège national des sages-femmes de France en juin 2020, 42,3 % des maïeuticiennes salariées et 31 % des libérales disent souffrir de burn-out. En sous-effectif, elles n’ont pas le temps de se consacrer pleinement à chaque patiente, risquant ainsi d’être maltraitantes.

En novembre, la sage-femme Anna Roy, figure récurrente de l’émission de télé la Maison des maternelles, osait dire publiquement qu’elle-même l’avait été, et publiait dans la foulée une pétition appelant à ce qu’en salle de naissance, chaque sage-femme n’ait à s’occuper que d’une parturiente, contre trois en moyenne actuellement.

« On génère des économies »

Face aux demandes de revalorisations salariales, pas étonnant qu’un ministère freine des quatre fers. Pourtant, la corporation l’assure : les finances publiques ont tout à y gagner. « C’est un investissement, mais on génère des économies. Nos consultations coûtent moins cher que chez un gynécologue, on prescrit moins d’examens complémentaires, moins de traitements : un parcours coûte moins cher à l’Assurance maladie », défend Caroline Combot.

Après ce rendez-vous manqué, les représentantes des sages-femmes sont censées rencontrer des conseillers du ministère de la Santé le 24 février. Elles organiseront en parallèle une nouvelle journée de mobilisation, afin de ne laisser aucun doute sur leur détermination.