Luttes et mobilisations

Hospimedia - Les hospitaliers battent le pavé et mettent la pression sur Marisol Touraine

Novembre 2016, par Info santé sécu social

Publié le 08/11/16 - 18h00

À l’appel de la CGT, FO et Sud d’une part et des syndicats infirmiers dans leur ensemble d’autre part, ils étaient plusieurs milliers à défiler ce 8 novembre pour défendre, les uns l’hôpital public, les autres leur profession. La ministre de la Santé leur a promis pour fin novembre son plan d’accompagnement des professionnels de santé.

Combien étaient-ils à battre le pavé ou, à tout le moins, à faire grève ce 8 novembre dans la fonction publique hospitalière (FPH) ? Difficile à dire. Comme à chaque fois, les chiffres divergent selon les sources. À mi-journée, le taux de mobilisation sur l’ensemble des personnels hospitaliers atteignait 8% d’après le ministère des Affaires sociales et de la Santé, y compris les personnels assignés, et 12% pour les seuls infirmiers. À entendre les trois organisations syndicales qui appelaient les hospitaliers à cette mobilisation, à savoir la CGT, FO et Sud, environ 4 000 manifestants ont défilé dans les rues de la capitale, un nombre qui ne tient pas compte du cortège infirmier, ces personnels étant parallèlement — et à part — mobilisés (lire notrearticle). À l’échelon national, ce sont une centaine de rassemblements qui leur ont été remontés. En revanche et selon les décomptes fournis par la préfecture de police de Paris, les défilés parisiens auraient dans l’ensemble réuni quelque 3 500 personnes. Un chiffre loin des 10 000 manifestants comptabilisés dans la capitale par les organisations infirmières.

Vers une nouvelle journée d’action début 2017

Quoi qu’il en soit, les trois syndicats ont été longuement reçus (près de deux heures) à mi-journée par la directrice générale de l’offre de soins, Anne-Marie Armanteras-de Saxcé, laquelle les a entendus "poliment", ont-ils fait savoir à Hospimedia, sans que ses paroles ne viennent cependant les satisfaire. Il est vrai que leurs responsables n’attendaient aucune annonce du ministère des Affaires sociales et de la Santé. À les entendre toutefois résumer leur rencontre, le mécontentent était extrêmement vif à la sortie, les syndicats s’accordant tous à parler d’"une cassure profonde" avec le ministère, d’"une véritable provocation" de l’exécutif. "La DGOS a une appréciation très différente de la situation dans les hôpitaux. Selon elle, tout y va pour le mieux aujourd’hui", commentent la CGT, FO et Sud. Mais "c’est tout le contraire", insistent-ils, évoquant au contraire "un ras-le-bol général" aussi bien dans les établissements sanitaires que médico-sociaux, dans le MCO que dans la psychiatrie (lire notrearticle).

Et cette "colère" martelée ce 8 novembre dans la rue est en tout point "pluriprofessionnelle", insistent les syndicats. Loin de n’être circonscrite qu’aux seuls infirmiers, elle concerne l’ensemble des agents jusqu’au corps médical et même bientôt les directeurs, constatent-ils. Trois de leurs syndicats, le Syncass-CFDT, le CH-FO et l’Ufmict-CGT ont en effet déposé un préavis de grève pour le 30 novembre prochain avec manifestation sous les fenêtres de la ministre Marisol Touraine.

Côté manifestants, les slogans ont une nouvelle fois dénoncé la contrainte financière qui pèse sur l’hôpital public, laquelle engendre "des restructurations en cascade", "des diminutions d’effectifs" et "l’éloignement de l’offre de soins". Et là où la DGOS leur a rappelé la promesse de la ministre de mettre sous peu sur pied des groupes de travail sur la qualité de vie au travail et la relation entre vie professionnelle et privée, la CGT, FO et Sud lui ont rappelé tout de go : "L’heure n’est plus à l’installation de groupes de travail mais à des mesures concrètes !" En premier lieu de faire en sorte d’appliquer le Code du travail, estiment-ils. À les entendre, le mouvement de contestation "ne peut que grandir" dans les semaines à venir. L’intersyndicale doit d’ailleurs se revoir ce 9 novembre pour débattre de la suite à donner à cette journée d’action. Mais il semble bien qu’une nouvelle manifestation nationale s’annonce après les fêtes de fin d’année.

31 000 créations de postes depuis 2012

Pendant ce temps à l’Assemblée nationale, Marisol Touraine a profité à trois reprises de la séance des questions au Gouvernement pour réaffirmer l’"attention extrême" qu’elle porte à l’hôpital public et, plus globalement, "toute la reconnaissance du Gouvernement" à l’égard de ses professionnels. Et de balayer à ce titre plusieurs mesures qui, selon elle, attestent de sa bonne foi, telle la fin de la convergence tarifaire entre les secteurs public et privé, le rétablissement du service public hospitalier, les revalorisations salariales accordées aux infirmiers, la fin du tout T2A pour les hôpitaux de proximité, etc. Elle a également promis de dévoiler d’ici fin novembre son "plan d’accompagnement des professionnels de santé en particulier à l’hôpital public", annoncé fin août (lire notre article).

Dans l’attente de cette présentation, la ministre a soutenu avoir créé 31 000 postes à l’hôpital depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012 et investi 10 milliards d’euros. "Dire que nous avons supprimé des postes, c’est faux !", a-t-elle ainsi martelé, tout en assurant comprendre les "préoccupations" et "inquiétudes" exprimées ce 8 novembre dans la rue. Et quand, dans une quatrième question, elle a été directement accusée d’avoir rendu le métier des infirmiers "inhumain" par le député centriste Patrick Weiten (Moselle), c’est le Premier ministre Manuel Valls qui a cette fois pris la défense de sa ministre. Au micro de l’assemblée, il a taclé l’opposition, notamment les candidats à sa primaire de la droite et du centre qui ne cessent dans leurs programmes électoraux de promettre de 300 000 à 500 000 suppressions de postes dans la fonction publique.

Des avancées pour les infirmiers

Infirmiers de la fonction publique hospitalière mais aussi libéraux et étudiants étaient également invités à prendre part à la mobilisation à l’appel de dix-sept associations et syndicats de la profession. Une délégation de l’ensemble de ces formations a été reçue dans la journée par le cabinet de la ministre des Affaires sociales et de la Santé. "Le mouvement infirmier regroupe tous les modes d’exercice de la profession, il était normal que nous ne soyons pas reçus uniquement par la DGOS", note-t-on dans les rangs syndicaux. Une satisfaction donc. Et le sentiment d’avoir été entendu aussi : "Jusqu’à présent nous n’avons eu comme réponse le silence de Marisol Touraine. Nous apprécions le fait d’avoir été reçus par le cabinet alors même que les grandes centrales syndicales sont passées uniquement par la DGOS." Les organisations infirmières dénoncent toutefois des situations d’atteinte à la grève dans certaines structures.

Pourtant, ce que les infirmiers retiendront de cette journée, ce sont quatre annonces du ministère. La pratique avancée devrait être à l’ordre du jour en cette fin d’année : "Le cabinet s’est engagé à ouvrir dès le mois de décembre les travaux sur les référentiels de compétences, d’activité et de formation, sous l’égide de la DGOS et en concertation avec les représentants de la profession". En décembre également devrait se tenir le comité de suivi de la grande conférence de la santé. La réingénierie des diplômes d’infirmier de bloc opératoire (Ibode), puériculteurs et cadres devrait y être abordée. En parallèle, les infirmiers ont obtenu la garantie de la création d’un grade master pour les Ibode et puériculteurs. Dernière annonce de ce 8 novembre : l’abrogation d’un décret et d’un arrêté pour donner aux infirmiers la possibilité d’effectuer les revaccinations, sans nouvelle ordonnance, lorsque la première a été réalisée par un médecin. Des revendications que les infirmiers ont rappelé la veille, dans une tribune commune. Ces "avancées" n’ont pour l’heure pas été confirmées par le ministère, contacté par Hospimedia. Les infirmiers affirment d’ailleurs qu’ils seront vigilants quant aux suites données à ces annonces. Un nouveau mouvement infirmier en janvier prochain n’est pas exclu.

Clémence Nayrac et Thomas Quéguiner

* Sollicitée par Hospimedia, la DGOS n’était en effet pas en mesure de dresser un état des lieux de la mobilisation dans la fonction publique hospitalière à l’heure où nous publions cet article.