Sida

Le Monde - VIH : transmission, dépistage, traitements… les réponses à vos questions sur le sida

Décembre 2021, par Info santé sécu social

A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, mercredi 1er décembre, « Le Monde » fait le point sur l’épidémie de cette maladie.

Par Marie Slavicek

Malgré les indéniables batailles remportées par les acteurs de la lutte contre le sida ces dernières décennies – en matière de prévention, de dépistage et d’accès aux traitements –, l’épidémie est encore loin d’être éradiquée, en France comme dans le reste du monde. A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, mercredi 1er décembre, Le Monde revient, point par point, sur les différentes questions qui se posent encore sur le VIH.

Où en est l’épidémie de sida en France et dans le monde ?
Comment le VIH se transmet-il ?
Pourquoi est-il important de se faire dépister ? Peut-on guérir du sida ?
Pourquoi n’existe-t-il pas de vaccin contre le sida alors qu’un an a suffi pour en développer plusieurs contre le Covid-19 ?
Peut-on être séropositif et en bonne santé ?
Y a-t-il des populations plus à risque que d’autres ?
Qu’est-ce que la PrEP ?
Qu’est-ce que la sérophobie ?
Où en est l’épidémie de sida en France et dans le monde ?

Le sida (syndrome d’immunodéficience acquise) est une maladie qui affaiblit le système immunitaire et qui rend l’organisme vulnérable à de multiples infections opportunistes (toxoplasmose, pneumocystose, cryptococcose, etc.). Elle est causée par un lentivirus appelé VIH (virus de l’immunodéficience humaine).

En France, 173 000 personnes vivaient avec le VIH en 2016, selon Santé publique France. En 2018, après plusieurs années de stabilité, le nombre de découvertes de séropositivité enregistrait enfin une légère baisse par rapport à 2017 (6 155 nouveaux diagnostics, contre 6 583), d’après un rapport de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

Dans le monde, 38 millions de personnes sont séropositives – l’équivalent de la population du Canada –, selon l’agence spécialisée des Nations unies, Onusida. L’épidémie est loin d’être éradiquée : 1,5 million de personnes découvrent chaque année qu’elles sont contaminées. En 2020, 680 000 personnes sont mortes de maladies liées au sida. Depuis son apparition, au début des années 1980, cette épidémie a fait 36,3 millions de morts.

Comment le VIH se transmet-il ?
Il existe trois modes de transmission de ce virus, rappelle Santé publique France :
lors de rapports sexuels non protégés, en cas de pénétration vaginale ou anale. La fellation non protégée présente un risque, quoique faible, de transmission du VIH ;
par un contact important avec du sang contaminé lors de partage de matériel d’injection ou en cas d’exposition à celui-ci (ce risque concerne principalement les usagers de drogues et les soignants) ;
pendant la grossesse, l’accouchement ou l’allaitement : une mère séropositive non traitée peut contaminer son enfant. Avec un traitement efficace bien pris, le risque de transmission de la mère à l’enfant est de moins de 1 %. En revanche, une mère porteuse du VIH ne pourra pas allaiter son enfant.
Il est important de souligner que l’on ne peut pas être contaminé par le VIH s’il n’y a pas de contact direct, contrairement à la grippe ou au coronavirus. Le VIH ne se transmet pas par la baignade, ni par un éternuement, par la toux, par une piqûre d’insecte, par le partage d’un verre, d’un vêtement ou par l’utilisation des mêmes toilettes, ni, par ailleurs, par un baiser ou un câlin.

Pourquoi est-il important de se faire dépister ?
L’espérance de vie des personnes séropositives correctement traitées est aujourd’hui presque semblable à celle de la population générale. Mais les personnes infectées qui découvrent leur séropositivité tardivement risquent d’être prises en charge à un stade avancé de la maladie, ce qui peut compliquer leur parcours thérapeutique et menacer leur santé.

En outre, une personne séropositive sous traitement antirétroviral efficace obtient une charge virale dite indétectable, tant elle est faible dans le sang. Concrètement, elle ne transmet plus le virus. Cette avancée révolutionnaire dans la réponse apportée au virus a été résumée par la formule U = U, pour Undetectable = Untransmittable (« indétectable = intransmissible »).

Protéger sa santé et celle des autres suppose donc de connaître son statut sérologique. Or la pandémie de Covid-19 a causé une importante chute du dépistage du VIH : en France, on compte 650 000 tests en moins entre mars 2020 et avril 2021 par rapport aux douze mois précédents, selon Santé publique France. Résultat : le nombre de nouvelles personnes séropositives mises sous traitement a chuté de 20 % en un an. Actuellement, on estime qu’environ 24 000 personnes ignorent leur séropositivité en France. Cette situation fait craindre le pire aux associations de lutte contre le sida.

Peut-on guérir du sida ?

Non, on ne guérit pas encore du sida. Pourquoi ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre comment le VIH agit dans le corps.

Ce virus infecte principalement des lymphocytes T CD4, cellules du système immunitaire. Il a pour particularité d’y intégrer son matériel génétique. Comme les lymphocytes sont des cellules qui ont un rôle extrêmement important dans le système immunitaire, ils sont toujours en action. Or, dès qu’ils sont actifs, ils permettent la production de virus. La réplication du virus est donc continue chez les personnes séropositives non traitées.

Les traitements antirétroviraux et leur combinaison en trithérapie, à partir de 1996, permettent uniquement de bloquer la multiplication du VIH. Ces traitements – qui doivent être pris à vie – empêchent l’infection d’évoluer vers le sida mais ne permettent pas d’éliminer les cellules infectées et, donc, d’éradiquer le virus.

Pourquoi n’existe-t-il pas de vaccin contre le sida alors qu’un an a suffi pour en développer plusieurs contre le Covid-19 ?

Quarante ans après la première alerte sur le sida, le 5 juin 1981, il n’existe toujours aucun vaccin contre la maladie. A l’inverse, les chercheurs ont réussi une course contre la montre exceptionnelle face au SARS-CoV-2. En moins d’un an, plusieurs vaccins contre le Covid-19 ont été autorisés. Comment expliquer un tel décalage ?

Comme l’expliquait la virologue Christine Rouzioux au Monde en juin, « le VIH induit une réponse immunitaire bien modeste, et l’on ne sait pas la rendre puissante et efficace » :

« On ne sait pas quelles sont les réponses immunitaires qui seraient assez efficaces pour protéger les personnes de l’entrée du virus dans l’organisme. De plus, il existe beaucoup de variants, il faudrait donc plein de vaccins différents. »

Pourquoi n’existe-t-il pas de vaccin contre le sida alors qu’un an a suffi pour en développer plusieurs contre le Covid-19 ?

La technologie de l’ARN messager, utilisée notamment pour fabriquer des vaccins contre le Covid-19, est porteuse d’espoir dans la lutte contre le sida. Toutefois, il reste de nombreuses étapes à franchir avant d’aboutir à un vaccin. Beaucoup d’inconnues subsistent et il faudra du temps.

Peut-on être séropositif et en bonne santé ?

Aujourd’hui, un séropositif bien traité a à peu près la même espérance de vie qu’un séronégatif. Les traitements sont de plus en plus efficaces et de mieux en mieux tolérés – avec relativement peu d’effets indésirables : désormais, les sujets infectés sous traitement ont un quotidien, pour ainsi dire, normal. En France, la majorité des personnes vivant avec le VIH ne développeront jamais le sida, le stade le plus avancé de l’infection.

Malgré tout, le VIH rend le corps « plus vulnérable à d’autres problèmes de santé, notamment aux maladies cardio-vasculaires, aux problèmes rénaux et à la perte de densité osseuse », souligne l’association Sida Info Service. Les personnes séropositives ont aussi un risque accru de développer un cancer par rapport à la population générale.

Y a-t-il des populations plus à risque que d’autres ?

Le VIH se transmet d’une personne à une autre et peut toucher tout le monde. Néanmoins, certaines populations sont particulièrement concernées. Selon les données de Santé publique France, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes et les hétérosexuels (hommes ou femmes) nés à l’étranger restent les deux groupes les plus touchés. Ils représentent respectivement 43 % et 37 % des découvertes de séropositivité déclarées entre janvier 2019 et septembre 2020.

D’autres populations-clés font l’objet d’une attention particulière des associations de lutte contre le sida : les travailleuses et travailleurs du sexe, les usagers de drogues injectables, les personnes incarcérées, les personnes transgenres.

Par ailleurs, les jeunes de moins de 25 ans représentent 13 % des découvertes de séropositivité en 2019-2020, d’après Santé publique France : cette proportion est similaire à celle observée en 2017-2018. Notons aussi que 23 % des personnes de 15 à 24 ans s’estiment mal informées sur le VIH et le sida, selon un sondage dévoilé en 2019 par l’association Sidaction : ils n’ont jamais été aussi nombreux depuis dix ans. Ces données constituent un signal préoccupant.

Qu’est-ce que la PrEP ?

La prophylaxie pré-exposition, abrégée PrEP (de l’anglais pre-exposure prophylaxis), est une pilule préventive « antisida » pour les personnes séronégatives très exposées au VIH. Toutes les études conduites en France et à l’étranger pour évaluer l’efficacité de cet outil de prévention montrent qu’il n’y a eu aucun cas de transmission chez les personnes qui suivaient correctement le traitement, souligne Sida Info Service.

La PrEP est à distinguer du traitement post-exposition, traitement d’urgence donné à une personne séronégative après une prise de risque élevée afin d’éviter la transmission du virus. Délivré par les services d’urgences des hôpitaux, il doit être débuté au plus tard quarante-huit heures après la prise de risque et dure un mois.

Qu’est-ce que la sérophobie ?

Il s’agit du rejet, de la haine ou de la peur des personnes vivant avec le VIH. Depuis les années 1980, le discours véhiculé sur le virus et la maladie a évolué. Il a cependant laissé des traces durables. Il a par exemple fallu attendre 2018 pour que les défunts atteints du VIH puissent bénéficier de soins funéraires de conservation.

Aujourd’hui, les personnes séropositives sont toujours victimes de préjugés et de discriminations : refus de soins chez le dentiste ou le gynécologue ; difficultés pour obtenir un prêt bancaire (malgré de récentes avancées)… Plus généralement, cela reste très compliqué de dire sa séropositivité au travail ou dans le cadre de relations intimes.

« Le VIH véhicule beaucoup de fantasmes. Les peurs liées au virus, parfois totalement irrationnelles, sont ancrées très profondément », expliquait Florence Thune, directrice générale de l’association Sidaction, au Monde en 2018. C’est la raison pour laquelle elle milite pour une « banalisation du VIH au sens positif du terme : plus on témoignera, plus les gens se diront qu’il est possible de vivre presque normalement avec le VIH, et plus ils se feront dépister et soigner. C’est comme ça qu’on stoppera les contaminations. »