Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

JIM - Un « Monsieur psychiatrie » : effet d’annonce ou vraie volonté politique de réforme ?

Avril 2019, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 15 avril 2019 – Le ministre de la santé Agnès Buzyn a nommé, la semaine dernière, le Pr Frank Bellivier*, délégué interministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, pour répondre au « naufrage » de la spécialité souvent déploré ces dernières années.

La fonction exacte de ce praticien, salué par le ministère dans un communiqué pour « sa vision globale », demeure floue : sa lettre de mission précise uniquement qu’il lui faudra « impulser une dynamique de transformation et d’ouverture » (sic).

Dans la presse, il a, ces derniers jours, dévoilé son « ambition ». Son objectif, tel qu’il l’a explicité au micro d’Europe 1 : « améliorer l’accès aux soins, la diversité des parcours, pouvoir faire bénéficier à nos patients des dernières avancées en matière de prise en charge en ce qui concerne les soins et de prise en charge médico-sociale et sociale ».

Un effet d’annonce ?
Reste, comme le note le quotidien Libération qu’il est encore un peu « en errance » et que tout n’a pas été prévu pour l’accueillir avenue de Ségur, traduisant peut-être un « effet d’annonce ». Ainsi, pour l’heure il est « sans bureau, juste installé au salon Champ-de-Mars au septième étage du ministère de la Santé » ! Sa nomination a d’ailleurs été rendue publique à l’occasion d’une émission télévisée consacrée au malaise de la psychiatrie…

Il concède d’ailleurs « il y a toujours le risque que cela soit un effet d’annonce mais je sens une volonté politique forte ».
L’homme d’une « refonte du financement de la psychiatrie » ?
Outre ces questions de forme, beaucoup d’observateurs lui ont rappelé le problème chronique de financement dont souffre ce secteur et qui rendra sa tâche particulièrement ardue d’autant que les budgets dédiés à la psychiatrie ne sont pas toujours intégralement alloués aux services concernés !

« C’est l’un des piliers de la feuille de route » établie par Agnès Buzyn en juin dernier, rétorque-t-il. Il évoque ainsi « une refonte du financement de la psychiatrie avec deux volets : modifier la manière dont les allocations sont calculées et veiller à ce que les dotations soient effectivement affectées aux structures de soins ambulatoires ou hospitalières ». Faisant référence au 40 millions supplémentaires annoncés récemment par le ministre il prie ses interlocuteurs de voir le verre à moitié plein : « on pourra toujours considérer que c’est insuffisant (…) Mais il me semble qu’il y a là quelque chose d’assez inédit dans la refonte du système de financement et dans les enveloppes complémentaires. »

Fin de la sectorisation ? Monsieur psychiatrie marche sur des œufs
Concernant l’un des points d’achoppement importants du moment la mise en place, à l’étude, de centres spécialisés par pathologie mentale, soit la fin de la sectorisation il se fait prudent « je n’ai pas de religion, mais une offre de soins unique, avec un maillage territorial que nous avons grâce au secteur, est très importante. En même temps, en matière de recherche, il y a des progrès importants, il y a des découvertes, des évolutions, et des outils nouveaux de prises en charge. Et en effet, cela peut s’adresser à des sous-types de patients, comme pour l’autisme, ou les troubles de l’humeur avec des structures particulières ».

Autre sujet controversé, les polémiques répétées autour de l’usage de la contention. Sur ce point, il estime : « c’est du soin (…) mais il y a des dérives et j’y serai très attentif. En tout cas, je rencontrerai très rapidement la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté ».

Enfin il a réagi à ceux qui voient dans sa nomination la mainmise des neurosciences sur la psychiatrie française : « je n’oppose pas les neurosciences et les sciences cliniques. Il faut des deux. On manque de tout et l’arrivée des neurosciences est plutôt une bonne nouvelle en psychiatrie, mais il faut intégrer, bien sûr, les aspects sociétaux ».

Effet d’annonce ou pas, réponse dans quelques mois.

*Docteur en médecine et en neurosciences, chef du service psychiatrie du groupe hospitalier Saint-Louis, Lariboisière et Fernand Widal, professeur à l’université Paris-Descartes

F.H.