Les retraites

La Tribune - Vers un flop des fonds de pension Macron ?

Avril 2017, par Info santé sécu social

Par Ivan Best

Présentés par Emmanuel Macron fin 2015, les fonds de pension à la française risquent de rencontrer un succès très mitigé, aux dires des assureurs concernés.

Les fonds de pension à la française, présentés par Emmanuel Macron fin 2015, vont-ils faire flop ? Le risque existe, alors que certains groupes a priori très concernés, renoncent à jouer le jeu, comme AG2R La Mondiale, dont le directeur général, André Renaudin, a fait part de ses hésitations en marge d’une conférence de presse consacrée aux résultats du groupe.

Alors ministre de l’Économie, le candidat à la présidence de la République avait très bien vendu le projet, sensé contribuer largement au financement de l’économie. Techniquement, il s’agissait de faciliter le développement de la retraite supplémentaire facultative d’entreprise, en sus de la retraite de base (sécu) et complémentaire (Agirc Arrco), deux niveaux obligatoires. Les sommes collectées par les assureurs au titre de cet étage supplémentaire atteignent péniblement 7 milliards d’euros par an, contre plus de 300 milliards pour les régimes obligatoires... D’où l’idée d’Emmanuel Macron de permettre aux compagnies de développer ces Fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS), en diminuant fortement les exigences en capital pour tout euro collecté. Un projet conçu pour le monde de l’assurance, qui l’avait réclamé de longue date et donc très bien accueilli.

"Formidable"

« Je trouve cela formidable » avait commenté Nicolas Moreau, alors PDG d’Axa France, en novembre 2015.
« On avait éventuellement le projet de se mettre au Luxembourg pour faire ça. On va pouvoir rester en France puisqu’il y a ce trou réglementaire qui va être comblé en France" .

Emmanuel Macron avait évoqué un stock de 130 milliards d’euros d’épargne retraite, susceptible de basculer sur ces nouveaux Fonds de pension, ce qui avait amené Nicolas Moreau à cette précision :

« Nous avons une part de marché qui est très importante en termes de retraite collective, entre 15 et 20 milliards. Donc on peut avoir entre 15 et 20% des 130 milliards".

Un groupe de protection sociale comme AG2R, aux engagements très lourds dans le domaine de la retraite (en proportion du bilan) se montrait aussi très allant. Voilà quelques mois, avant que les détails techniques du projet soient connus, c’était a priori pour lui le jackpot, le moyen le plus puissant susceptible d’améliorer le ratio de solvabilité que scrutent les investisseurs. Pourquoi ? Tout simplement parce que les assureurs avaient obtenu que les fonds en vue de la retraite aujourd’hui soumis à la règlementation de Solvabilité 2, basculent d’un seul coup dans un autre monde, celui de la directive européenne sur les Institutions de Retraite professionnelle (IRP) prévue pour les fonds pension. Avec à la clé, une règlementation beaucoup souple, beaucoup moins exigeante en capital, nos voisins britanniques ayant bataillé et obtenu au niveau européen de conserver cette grande liberté pour leurs fonds de pension. C’était là l’essence même des fonds de pension Macron.

Pour AG2R La Mondiale, l’effet aurait pu être massif. Le ratio de solvabilité, était susceptible de gagner 20 ou 30 point, estimaient en juin 2016 les dirigeants d’AG2R, dès lors que l’activité retraite supplémentaire existante (le stock déjà géré) et à venir aurait été basculée vers ces nouveaux fonds de retraite professionnelle supplémentaire, aux exigences allégées.

Aujourd’hui, AG2R renonce, les autres assureurs plus que prudents

Mais aujourd’hui, tous calculs faits, AG2R est sur le point de renoncer. Lancer un Fonds de pension Macron, cela revient à créer une nouvelle compagnie d’assurance, et donc à sortir de l’actif de l’assureur tous ces fonds. Cela a pour effet de rendre cet actif moins diversifié, ce qui nuit au ratio de solvabilité selon les normes de Solvabilité 2 . "Je ne veux pas casser notre actif général" a affirmé jeudi André Renaudin. Et surtout, s’agissant d’AG2R, la règlementation interdit la réassurance habituellement pratiquée par ce groupe dans ce domaine.

Et les autres assureurs ?

Ils montrent toujours intéressés, mais sans doute beaucoup moins que lors de l’annonce du projet. Le risque de perte de diversification de l’actif , et donc de dégradation du ratio Solvabilité 2 (contre l’effet recherché) a été largement pris en compte. En réalité, pourrait être basculée en FRPS surtout de l’épargne ancienne, à taux garantis élevés, et non pas les nouvelles sommes collectées.

En conséquence, de l’avis d’un expert, le calcul fait par Emmanuel Macron, anticipant un basculement de 130 milliards d’euros vers les nouveaux fonds de pension, s’avère totalement erroné. Et le développement de cet étage supplémentaire de retraite risque de continuer son cours très très lent....
Même si chez Axa France, on se dit "très content qu’il existe un outil supplémentaire".