Dans le monde

Le Monde.fr : 1,65 million de femmes enceintes pourraient contracter le virus Zika

Juillet 2016, par infosecusanté

1,65 million de femmes enceintes pourraient contracter le virus Zika

LE MONDE

26.07.2016

Par Rémi Barroux

Un nouveau-né, venu au monde lundi 25 juillet, serait, selon la direction d’un hôpital de Barcelone (Espagne), le premier en Europe atteint de microcéphalie – le développement insuffisant du crâne et du cerveau – alors que sa mère avait été diagnostiquée, en mai, porteuse du virus Zika. Elle l’avait contracté lors d’un voyage en Amérique latine. Dans un autre cas détecté en Slovénie, les parents avaient opté pour un avortement.

Selon les dernières données rendues publiques par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le 21 juillet, le nombre de microcéphalies et de malformations congénitales concernant le système nerveux central des nouveau-nés et liés à cette infection a dépassé le chiffre de 1 700 au Brésil, le pays le plus atteint par ce virus qui touche principalement l’Amérique latine et les Caraïbes. L’OMS signale 65 pays et territoires touchés (62 depuis le début de l’année 2015).

Toujours selon l’OMS, treize de ces pays ont rapporté des cas de microcéphalie ou d’atteinte du système nerveux central associés à Zika. Dès le mois de mai, elle estimait que le risque d’infection en Europe était réel mais « variable selon les pays », et lié à la présence d’aedes aegypti, principal vecteur de cette maladie, ou d’aedes albopictus.

Ce dernier, le moustique tigre, vecteur essentiellement du chikungunya et de la dengue, est présent dans trente départements français métropolitains, principalement autour de la Méditerranée, dans le Sud-Ouest et le long de la vallée du Rhône.

93,4 millions de personnes infectées par Zika

Mais un autre chiffre, révélé par une étude publiée lundi 25 juillet, dans la revue Nature Microbiology, souligne le nombre très élevé de victimes potentielles du virus. Selon les cinq chercheurs, américains et britanniques, 1,65 million de femmes enceintes pourraient contracter le virus au cours de cette première vague de l’épidémie.

Au total, le nombre de personnes qui pourraient être infectées atteint quasiment les 100 millions (93,4). Soit quasiment le double du nombre de personnes qui ont été touchées par l’épidémie de dengue, en 2010 dans cette même région, 53,8 millions. Pour Zika, dans 80 % des cas, l’infection reste bénigne et peut même ne pas être détectée.

Les pays les plus touchés par Zika, selon les projections des chercheurs, seraient le Brésil avec 37, 4 millions de personnes infectées, le Mexique avec 14,9 millions, le Venezuela, 7,4 millions de personnes, la Colombie, 6,7 millions de cas.

En continuant leur modélisation sur les conséquences de l’épidémie actuelle, les chercheurs estiment que sur le nombre de femmes enceintes atteintes du virus, de 1 % à 13 % de ces futures mères pourraient mettre au monde des enfants atteints de microcéphalies ou d’atteintes au système nerveux central. Ce qui pourrait concerner 16 500 à 215 000 nouveaux nés. Selon l’étude, l’infection de la femme enceinte durant le premier trimestre augmente le risque de microcéphalie chez le bébé.

Un point faible

Si les auteurs affirment qu’il existe une part importante d’incertitude, ce chiffre est néanmoins jugé plausible. Pour réaliser cette modélisation, une des premières à travailler sur la spacialisation de l’épidémie et à pointer le problème spécifique des femmes enceintes, les chercheurs se sont appuyés sur les travaux et les valeurs observées lors des épidémies de dengue. « Les paramètres liés à Zika sont encore largement inconnus », préviennent-ils.

C’est le point faible de cette étude, selon Simon Cauchemez, directeur de recherches à l’Unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses de l’Institut Pasteur. « On manque de données sur Zika et les auteurs de l’étude sont allés chercher des modèles avec ce que l’on a étudié sur la dengue et le chikungunya, a-t-il expliqué au Monde. Pour connaître la proportion de la population infectée par Zika dans une région donnée, il faut faire une enquête de séroprévalence. C’est-à-dire qu’à la fin d’une épidémie, on fait des analyses sur la population, on étudie la proportion qui a développé des anticorps et qui a donc été infectée. Mais, pour l’instant, sur Zika, on ne dispose pas de ces enquêtes en nombre suffisant. »

Le nombre de données à compiler pour pouvoir réaliser une modélisation spatiale suffisamment précise est important : densité de moustiques présents, données environnementales, climatiques, démographiques, données sur le pathogène, etc.

« Pour évaluer l’impact d’une épidémie, calculer le potentiel de transmission, il faut aussi tenir compte des comportements de la population, avoir une approche sociale, sachant que le virus ne circulera pas de la même manière en Floride que dans la forêt brésilienne », fait valoir Simon Cauchemez.

Rémi Barroux
Journaliste au Monde