Les centres de santé

Le Monde.fr : Les cliniques autorisées à devenir gestionnaires de centres de santé, les médecins voient rouge

Janvier 2018, par infosecusanté

Les cliniques autorisées à devenir gestionnaires de centres de santé, les médecins voient rouge

Anne Bayle-Iniguez

15.01.2018

La publication d’une ordonnance ce samedi au « Journal officiel » qui autorise les cliniques à but lucratif à ouvrir des centres de santé selon certains critères a provoqué la colère des professionnels de l’Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS).

Depuis plusieurs mois, les médecins salariés de ces structures attachés à l’accès aux soins pour tous (tiers payant systématique, secteur I) étaient sur le qui-vive. L’ordonnance modifie de fait la gestion et le fonctionnement des centres de santé à plus d’un titre.

Garde-fous

Rédigé dans le but de renforcer l’accès aux soins de premier recours, le texte a été soumis à concertation auprès des représentants des gestionnaires et des médecins des centres, mais aussi des Ordres professionnels et des fédérations hospitalières.

Désormais, la gestion des centres est explicitement ouverte aux cliniques. Mais le texte met en place parallèlement des règles pour garantir le caractère non lucratif de chaque structure. « Les bénéfices issus de l’exploitation d’un centre de santé ne peuvent pas être distribués. Ils sont mis en réserve ou réinvestis au profit du centre de santé concerné ou d’un ou plusieurs autres centres de santé ou d’une structure à but non lucratif, gérés par le même organisme gestionnaire », précise l’ordonnance. La publicité est également interdite.

Autre changement d’envergure : l’ordonnance rend facultatif l’accueil d’étudiants en stage, ce qui « nécessite des ressources supplémentaires dont certains centres ne disposent pas », précise le rapport qui accompagne le texte.

Le gouvernement prévoit également d’ouvrir la gestion des centres de santé à une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), répondant ainsi à une revendication des praticiens salariés. Ces derniers souhaitaient pouvoir prendre les manettes de leurs structures (en coopération avec d’autres gestionnaires) mais manquaient de cadre réglementaire.

Texte de régression

Joint ce lundi par « le Quotidien », le Dr Éric May, président « un peu amer » de l’USMCS , estime que cette ordonnance est un « texte de régression, dont le gain [le statut SCIC, NDRL] est largement balayé par les autres éléments qui poussent les cliniques à investir le champ des soins primaires sans répondre à la problématique de la désertification médicale ».

« Porte ouverte aux dérives commerciales », le texte pourrait, selon le généraliste du centre municipal de Malakoff (Hauts-de-Seine), aboutir à deux scénarios-catastrophes. Le premier : « autoriser les cliniques à s’installer dans des zones sous-dotées où elles utiliseraient les centres de santé comme filière vers des établissements privés en secteur II de second recours ». Le second : « donner la possibilité à la Mutualité, qui gère déjà des cliniques par fusion/acquisition, de gérer de nouveaux centres de santé de manière détournée ».

L’Assurance-maladie recense 1 550 structures ouvertes – dont 446 centres polyvalents ou médicaux – où exercent plus de 2 000 médecins salariés. Des décrets d’application sont en cours de rédaction. Les médecins des centres de santé espèrent encore limiter la casse.