Les retraites

Le Monde.fr : Retraites : flottement autour du calendrier de la réforme

Janvier 2018, par infosecusanté

Retraites : flottement autour du calendrier de la réforme

Initialement prévue au « premier semestre 2018 », la réforme promise par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle pourrait être décalée à 2019.

LE MONDE

25.11.2017

Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Bertrand Bissuel et Cédric Pietralunga

La réforme des retraites, initialement prévue au « premier semestre 2018 », pourrait-elle être décalée à 2019 ? Invitée de LCI, vendredi 24 novembre, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, chargée du dossier, l’a laissé entendre, déclarant ne pas vouloir se laisser « enfermer dans des calendriers ». « C’est une réforme structurelle, en profondeur qui nécessite la confiance des Français et aussi beaucoup de temps de concertation », a-t-elle ajouté. Interrogée sur un éventuel report à 2019, elle a répondu : « Pourquoi pas, mais il n’y a pas aujourd’hui de calendrier fixé. »

Ce sujet a été au cœur d’une réunion présidée par Emmanuel Macron vendredi à l’Elysée. Le chef de l’Etat avait convié le premier ministre, Edouard Philippe, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, Mme Buzyn et le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye.

Pendant sa campagne, le candidat d’En marche ! avait fait de ce sujet l’une des mesures phares de son programme. Critiquant un système jugé « complexe » et « injuste » où coexistent quelque trente-cinq régimes de base, il avait promis de le remplacer par un dispositif « universel ». Avec un fil rouge : « chaque euro cotisé » donnerait les mêmes droits à tous, quel que soit le statut de la personne (salarié, fonctionnaire…). Il s’était aussi engagé à ne revenir ni sur l’âge de départ à la retraite ni sur la durée de cotisation.

« Un sujet anxiogène »

Le calendrier avait été précisé par M. Philippe dans sa déclaration de politique générale, le 4 juillet. Le chef du gouvernement avait notamment assuré que son équipe prendrait « le temps du diagnostic, de la concertation et de la négociation », ajoutant que « le cadre de la réforme » serait fixé « fin 2018 ».

Mais neuf jours plus tard, dans un entretien à Ouest-France, le président de la République avait avancé cette échéance, en faisant état d’une réforme des retraites « dont les orientations seront présentées au Parlement au premier semestre 2018 ». Cette date a de nouveau été mentionnée le 14 septembre – jour de la nomination de M. Delevoye en qualité de haut-commisssaire – par Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement, qui avait parlé d’une « loi-cadre (…) au premier semestre 2018 ». Ce véhicule législatif, qui définit les grands principes d’une réforme, serait la première étape de ce vaste chantier.

Cette semaine, M. Delevoye a commencé à recevoir les partenaires sociaux. La CFE-CGC a ouvert le bal mardi, suivie par l’Union des entreprises de proximité (U2P) mercredi et le Medef jeudi. Ces rencontres se poursuivront à partir de lundi, notamment avec la CFDT et FO. Une prise de contact pour faire un premier tour de table.

Selon Alain Griset, président de l’U2P, l’hypothèse d’un report à 2019 n’a pas été directement abordée par l’ancien médiateur de la République. « Mais j’ai eu le sentiment que la façon dont il entend mener le procédé n’était pas compatible avec ce calendrier, explique-t-il. Il envisage sa mission dans le cadre le plus large possible, sans précipitation. Il a raison de dire que c’est un sujet anxiogène pour la société française et qu’il ne faut pas en rajouter en donnant l’impression qu’on irait trop vite. »

Un dossier politiquement inflammable

Une autre source indique que M. Delevoye a « évoqué au conditionnel l’idée de desserrer le calendrier et de se donner plus de temps ». « Il veut écouter tous les partenaires sociaux et auditionner également l’ensemble des gestionnaires de régimes de retraite, ajoute-t-elle. Sur la nature même du véhicule législatif, il semble ne pas être tout à fait au clair : l’hypothèse d’une loi-cadre n’est pas forcément la seule. »

M. Delevoye est bien placé pour savoir à quel point le sujet est politiquement inflammable. En 2003, alors ministre de la fonction publique dans le gouvernement Raffarin, il était en première ligne aux côtés de François Fillon, ministre des affaires sociales, pour mener à bien une réforme des retraites qui avait déclenché d’importantes manifestations. Mais cet homme de dialogue avait su ramener à la table des négociations plusieurs syndicats, notamment la CFDT, après des mois de conflit.

Pour certains protagonistes, 2018 ne semble pas l’année la plus propice pour conduire une « transformation » d’une telle ampleur. Les premiers mois risquent d’être déjà bien occupés par les réformes de l’apprentissage, de la formation professionnelle et, surtout, celle bien plus délicate de l’assurance-chômage.

« Il ne faudrait pas perturber ce calendrier, indique un bon connaisseur du dossier. Il y aura d’abord une phase d’inventaire et ce n’est qu’au second semestre 2018 que la réflexion sur les premières pistes pourrait commencer. » Et de poursuivre : « Regardez le calendrier syndical et vous verrez ce que Delevoye a en tête. Le moment où il y a le moins de risques d’interférences est le premier semestre 2019. »

L’exécutif paraît bien embarrassé

L’équation n’est pas simple : dans deux ans auront lieu les élections européennes mais l’année prochaine, plusieurs organisations de salariés tiendront leur congrès – FO en avril et la CFDT en juin. Ce sont surtout les élections professionnelles dans la fonction publique, en décembre, qui pourraient parasiter le débat, les syndicats étant enclins, dans ce type de contexte, à durcir leur positionnement.

Seule certitude, le flou prévaut sur le tempo de la réforme et l’exécutif paraît bien embarrassé. Interrogé vendredi par Le Monde, l’entourage de M. Philippe assure qu’aucun engagement n’a été pris sur la date à laquelle la réforme sera présentée devant le Parlement. « L’agenda n’est pas arrêté. Mais ce ne sera pas au premier semestre, ne serait-ce qu’au vu du nombre de textes déjà inscrits au programme de l’Assemblée », explique un proche du premier ministre avant de renvoyer vers l’Elysée quand on rappelle l’engagement de M. Macron à présenter la loi-cadre avant l’été 2018.

A la présidence de la République, on suggère de se tourner vers le ministère des solidarités et de la santé, lequel n’a pas souhaité pas commenter.