Environnement et facteurs dégradant la santé

Le Quotidien du médecin - Près de 40 % des chômeurs souffrent d’une santé dégradée après la perte d’emploi, alertent des associations

Décembre 2021, par Info santé sécu social

PAR ELSA BELLANGER - PUBLIÉ LE 15/12/2021

Isolement, détérioration de la santé psychique, renoncement aux soins, risque d’addictions… Le chômage dégrade la santé des demandeurs d’emploi, déplorent quatre associations d’accompagnement des chômeurs qui ont mené une enquête sur le sujet*.

« Les chômeurs sont plongés dans un cercle vicieux : le chômage dégrade leur santé, mais retrouver un emploi nécessite d’être en bonne santé », relève, auprès du « Quotidien », Yaëlle Szwarcensztein, responsable du plaidoyer et de la communication de l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), pointant un manque de considération de ces enjeux, alors que « 70 % des actifs vont passer par la case "chômage" ».

Parmi les causes de cette santé dégradée, les associations mettent notamment en avant une sortie des dispositifs de suivi de la médecine du travail mais aussi un déficit d’informations des chômeurs de leurs droits en matière de santé. À la rupture d’un contrat de travail, par exemple, « ni la CPAM ni Pôle Emploi n’informent les demandeurs d’emploi de la possibilité d’accéder à une complémentaire santé solidaire », indique la représentante de SNC, soulignant le manque d’informations à la disposition des agents eux-mêmes.

Un constat exacerbé pour les personnes en situation de handicap

Afin de dresser un état des lieux des conséquences du chômage sur la santé physique et mentale, les associations ont diffusé via la plateforme de SNC un questionnaire. Près de 1 000 demandeurs d’emploi (80 % de femmes) ont répondu entre mars et juin 2020. « Le panel n’est pas représentatif de la population des personnes en recherche d’emploi, précise Yaëlle Szwarcensztein. L’idée était de donner à entendre leur parole ».

Selon l’enquête, la majorité des personnes interrogées parle d’une certaine stabilité de leur état de santé. Pour d’autres, le chômage a permis une amélioration par rapport à la période d’emploi pendant laquelle ils se décrivent comme « malades du travail » : 72,34 % se sentaient « oppressés par le management » et 14,89 % jugeaient leur travail physiquement pénible.

Mais, 38 % évoquent une dégradation de leur état de santé, dont près de 60 % l’attribuent au chômage. Chez ces derniers, la dégradation est liée à l’aggravation d’une pathologie antérieure (36,90 %) ou au développement de nouvelles pathologies (24,7 %). Un constat exacerbé chez les personnes en situation de handicap : 43 % d’entre elles déclarent une dégradation de leur état de santé.

La détérioration s’accentue par ailleurs dans la durée. Elle est décrite par 24 % des chômeurs de moins de 6 mois contre 41 % de 6 mois à un an de chômage et 47 % pour les demandeurs d’emploi depuis plus de 3 ans. Cette dégradation accentuée dans le temps s’accompagne souvent d’une estime de soi abîmée et d’un isolement, des facteurs favorisant l’émergence d’habitudes addictives tout en nuisant au retour à l’emploi.

Un chômeur sur cinq a déjà renoncé à des soins ou des examens

La fragilité financière peut également entraîner un renoncement aux soins, alors que de nombreux chômeurs n’ont pas sollicité, par méconnaissance, de mutuelle solidaire. Parce qu’ils ne peuvent avancer les frais, 11 % des répondants ont renoncé à consulter un généraliste et plus de 12 % à consulter un spécialiste. Près de 23 % ont aussi renoncé à des soins ou à des examens. Et plus de 12 % des femmes n’ont pas réalisé leur suivi gynécologique, avec « un réel impact sur la prévention », souligne Yaëlle Szwarcensztein.

L’enquête donne par ailleurs un aperçu des effets de la crise sanitaire sur cette population. « Certains l’ont vécu comme un soulagement, dans la mesure où ils se sont retrouvés en arrêt d’activité comme le reste de la société, décrit la responsable associative. D’autres ont ressenti le confinement comme un isolement supplémentaire. » Ainsi, selon l’enquête, le taux de répondants déclarant un mauvais ou un très mauvais état de santé lié au chômage est passé de 34,66 % et 7,21 %, respectivement avant la pandémie à 36,56 % et 13,87 %, après mars 2020.

Plusieurs propositions sont avancées par les associations pour remédier à la situation : instaurer une visite médicale périodique, informer sur la complémentaire santé solidaire et simplifier son accès, ou encore mettre en œuvre des mesures de dépistage et de prévention notamment en matière de santé mentale et d’addictions.