Dans le monde

Le quotidien du médecin - Accès aux vaccins et priorités sanitaires : l’OMS appelle à un « nouveau paradigme »

Novembre 2022, par Info santé sécu social

PAR ELSA BELLANGER - PUBLIÉ LE 10/11/2022

La « seule dynamique du marché » ne suffit pas pour répondre aux « priorités mondiales en matière de vaccins », plaide le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, à l’occasion de la publication le 9 novembre du rapport 2022 sur le marché mondial des vaccins. La pandémie a rappelé « le pouvoir incommensurable des vaccins en tant que biens publics essentiels », mais aussi que les « inégalités d’accès sont malheureusement la règle plutôt que l’exception à l’échelle mondiale ».

Dans la situation actuelle, « les gains durement acquis grâce à la vaccination au cours des deux dernières décennies sont menacés. Beaucoup trop de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès aux vaccins dont elles ont besoin, et près de 20 millions de nourrissons en manquent chaque année », poursuit-il.

Remplir les objectifs de l’Agenda 2030* en faveur d’un accès durable aux vaccins pour tous réclame « un nouveau paradigme », a ajouté la responsable des vaccins de l’OMS, Kate O’Brien, lors d’un point de presse, insistant sur « l’importance de l’engagement des pouvoirs publics pour que ces biens de santé publique vitaux soient traités comme tels ».

L’approvisionnement limité en vaccins et leur distribution inégale pèsent principalement sur l’accès des pays à faible revenu. « Le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) n’a été introduit que dans 41 % des pays à faible revenu, qui représentent pourtant une grande partie de la charge de morbidité, contre 83 % des pays à revenu élevé », donne en exemple le rapport.

Le coût est également un obstacle pour les pays à revenu intermédiaire. « Alors que les prix ont tendance à être échelonnés en fonction du revenu, les disparités de prix font que les pays à revenu intermédiaire paient autant – voire plus – que les pays plus riches pour plusieurs produits vaccinaux », est-il souligné.

Production mondiale concentrée et risque de pénurie

La concentration de la production mondiale et le risque associé de pénurie sont également pointés. « Dix fabricants fournissent à eux seuls 70 % des doses de vaccins (hors Covid). Plusieurs des 20 vaccins les plus largement utilisés dépendent actuellement chacun principalement de deux fournisseurs », lit-on. Cette concentration s’inscrit par ailleurs dans un contexte de « monopoles de propriété intellectuelle bien ancrés » et de « transfert de technologie limité », freinant la croissance de la production mondiale.

La situation est préoccupante pour plusieurs des vaccins nécessaires en cas d’urgence, comme ceux contre le choléra, la typhoïde, la variole/monkeypox ou Ebola, pour lesquels le sous-investissement « pourrait être dévastateur ».

Le rapport appelle ainsi « une action ambitieuse » en faveur d’un « meilleur équilibre entre les objectifs de santé mondiaux, les intérêts nationaux et les incitations commerciales ». Cela doit se traduire par des investissements publics massifs, une surveillance du développement, de la production et de la distribution des vaccins, la création de centres régionaux de recherche et de fabrication et des règles (de la circulation des intrants à la propriété intellectuelle) pour gérer les pénuries ou les crises, recommande le rapport.

L’industrie doit quant à elle concentrer les efforts de recherche sur les agents pathogènes prioritaires de l’OMS, faciliter le transfert de technologie et s’engager dans des mesures d’allocation spécifiques axées sur l’équité.

*stratégie adoptée par l’Assemblée mondiale de la santé en 2021 pour sauver 50 millions de vies pendant la décennie en œuvrant pour un accès durable aux vaccins pour tous.