Environnement et facteurs dégradant la santé

Lequotidiendumedecin.fr : Incendie Lubrizol : la commission d’enquête du Sénat étrille la gestion de la crise et son suivi sanitaire par le gouvernement

Juin 2020, par infosecusanté

Lequotidiendumedecin.fr : Incendie Lubrizol : la commission d’enquête du Sénat étrille la gestion de la crise et son suivi sanitaire par le gouvernement

PAR DAMIEN COULOMB -

PUBLIÉ LE 04/06/2020

La commission d’enquête du Sénat sur l’incendie de l’usine Lubrizol classée Seveso à Rouen a rendu ses conclusions ce jeudi 4 juin, dans lequel elle dénonce « des angles morts inacceptables » dans la politique de prévention des risques industriels en France, et épingle au passage l’ex-ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. « À l’instar du suivi sanitaire proprement dit, l’identification du risque sanitaire telle que pratiquée par le ministère de la Santé, a été à la fois tardive et incomplète », écrivent les rapporteurs Christine Bonfanti-Dossat (LR) et Nicole Bonnefoy (PS) dans leurs conclusions.

L’incendie, survenu le 26 septembre 2019 sur le site Seveso seuil haut, avait provoqué un nuage de fumée noire de 22 km de long avec des retombées de suie jusque dans les Hauts-de-France. Près de 9 505 tonnes de produits chimiques avaient brûlé dans cette usine de lubrifiants automobiles et sur le site voisin de Normandie Logistique. La commission juge la méthodologie adoptée par le ministère de la Santé pour le suivi sanitaire « problématique ». En effet, la principale enquête de santé commanditée par le ministère auprès de l’agence Santé publique France n’a commencé qu’en mars 2020 et devrait rendre ses résultats dans plusieurs mois.

Pour les sénateurs, il est « impossible de se prononcer de manière définitive sur l’impact sanitaire de l’incendie Lubrizol, au vu des seules données récoltées dans le cadre de la surveillance environnementale, ces dernières étant totalement ou partiellement inexploitables ».

D’autres ministres dans la ligne de mire

La ministre de la transition écologique est également critiquée. Son objectif affiché à la suite de la catastrophe « d’augmentation de 50 % des contrôles d’ici 2 022 à effectifs constants » est « peu réaliste », selon le rapport. Les sénatrices dénoncent en outre la décision « prématurée » du ministre de l’Agriculture de lever l’interdiction de vente du lait produit dans plus de 200 communes dès le 1er octobre.

La politique de prévention des risques industriels déployée depuis 40 ans en France est également épinglée. « Les crédits budgétaires alloués par l’État à la prévention des risques technologiques diminuent tendanciellement depuis plusieurs années », écrivent les rapporteurs.

Des conséquences sanitaires encore mal évaluées

En attendant les résultats de l’enquête de Santé publique France, l’association Rouen Respire a déjà rendu public son propre rapport d’enquête, basé sur les 565 réponses obtenues après des 1 624 adhérents de l’association, dont 92 % habitent ou travaillent à moins de dix kilomètres de l’incendie.

Les conséquences sanitaires de l’incident peuvent s’apprécier sur la base des consultations médicales qui ont eu lieu dans les semaines suivantes. On dénombre 188 personnes, soit 33 % des participants, ayant consulté pour des symptômes physiques pouvant être liés à l’incendie, 10 % ayant consulté pour des raisons psychologiques et 5,5 % ayant consulté pour les deux causes. Pour 11 % des participants un diagnostic médical a été posé, principalement d’ordre respiratoire et ORL, plus rarement digestif. Et sur les 92 personnes ayant déclaré une pathologie respiratoire chronique (dont 7 enfants), 86 % ont constaté une aggravation transitoire de leurs symptômes, qui a duré en général pendant plusieurs mois.

Malgré un impact important sur leur santé et leurs comportements, seulement 20 % des participants s’étaient secondairement préparés à ce type d’événement au moment où ils ont répondu à l’enquête (achat de masques, préparation au confinement). « Ceci indique qu’une véritable politique de préparation aux risques industriels est nécessaire pour protéger les habitants », concluent les auteurs.