Environnement et facteurs dégradant la santé

Météo France - Pollution de l’air, encore pire avec le changement climatique ?

Décembre 2016, par Info santé sécu social

Virginie Marecal, Météo France et Béatrice Josse, Météo France

Évolution de la qualité de l’air, fréquence et intensité des épisodes de pollution, effets des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre...

Alors que plusieurs agglomérations françaises sont actuellement touchées par un pic de pollution majeur, Virginie Marecal et Béatrice Josse de Météo-France (Centre national de recherches météorologiques) décryptent les liens entre pollution de l’air et réchauffement climatique.
Cet article est également disponible sur le site de The Conversation, dont Météo-France est partenaire.

Depuis le début de la semaine, un pic de pollution touche Paris et sa région, avec des niveaux de concentration de particules fines et de dioxyde d’azote alarmants. Pour Airparif, il s’agit là du plus intense et du plus long pic de pollution hivernale de la dernière décennie. La circulation alternée et la gratuité des transports publics ont été mises en place. Des mesures identiques sont prévues en cette fin de semaine dans d’autres villes françaises, comme à Lyon et Villeurbanne.

Selon un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) rendu public le 23 novembre 2016, la pollution de l’air provoque près de 500 000 morts prématurées en Europe chaque année. Quelques semaines plus tôt, l’Unicef révélait qu’un enfant sur sept dans le monde (soit 300 millions d’individus) vivait dans un endroit où la pollution excède jusqu’à six fois les normes internationales.

La pollution de l’air, et plus généralement la « qualité de l’air », est un enjeu de santé publique très important et des réglementations sur les émissions de gaz et particules nocifs ont été mises en place dans de nombreux pays depuis plusieurs décennies.

Ces mesures visent à faire décroître le nombre de pics de pollution autant que les niveaux de fond, les deux ayant un effet néfaste reconnu.

L’effet des réglementations et du changement climatique

Les principaux polluants à considérer pour la qualité de l’air sont le dioxyde d’azote (NO2), l’ozone (O3), qui se présentent sous forme de gaz, et les particules fines.

Les particules fines correspondent à l’ensemble des particules liquides ou solides (hormis les gouttelettes et cristaux d’eau) résidant dans l’atmosphère plusieurs heures au moins. Au regard de la réglementation sur la qualité de l’air, les deux quantités qui importent le plus sont les PM10 et PM2,5 qui correspondent à l’ensemble des particules de toute nature de taille respectivement inférieure à 10 micromètres et 2,5 micromètres (μm) de diamètre.

Au-delà de la situation présente, quelle sera la qualité de l’air dans le futur, à 10, 50, 100 ans ?

Pour y répondre, deux éléments doivent être pris en compte : l’évolution des réglementations portant sur les émissions de polluants et l’évolution du changement climatique en cours. Ce dernier est principalement dû à l’accroissement des quantités de gaz à effets de serre présents dans l’atmosphère du fait des activités humaines.

Ce changement climatique se traduit par une augmentation de la température moyenne de l’atmosphère estimée à 0,85 °C pour la période 1880-2012. Il induit également des variations des autres paramètres météorologiques tels que le vent, l’humidité, les nuages ou les précipitations. Tous ces paramètres influent sur la qualité de l’air. On sait, par exemple, que les vents, en transportant les gaz et les particules d’un endroit à un autre, les mélangent.

Que se passerait-il avec un réchauffement à +2 °C en Europe ?

Plusieurs projets de recherche récents financés par la Commission Européenne étudient ces questions, en travaillant sur la base d’un réchauffement global limité à +2 °C par rapport au niveau préindustriel (vers 1850). Parmi ces projets, citons IMPACT2C dont l’objectif est de quantifier une large variété d’impacts d’une augmentation de +2 °C, dont celui sur la qualité de l’air.

Ces travaux sur la qualité de l’air ont été menés à partir d’une approche mobilisant quatre modèles numériques de chimie atmosphérique (l’utilisation simultanée de plusieurs modèles permettant d’évaluer les incertitudes des résultats obtenus). Chaque modèle de chimie a eu recours à un modèle numérique de climat qui lui est propre pour déterminer l’évolution des conditions climatiques ; cette étude se basait sur une projection d’augmentation des gaz à effet de serre selon le scénario dit « intermédiaire » – ni très optimiste, ni très pessimiste – utilisé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

L’autre élément essentiel pour simuler numériquement la qualité de l’air dans le futur concerne les projections, ou « scénarios », des émissions de polluants. Ceux-ci ont été fournis par le projet de recherche Éclipse. Deux scénarios ont ainsi été utilisés : le scénario CLE (« Current Legislation ») qui se base sur les réglementations actuellement prévues ; le scénario MFR (« Maximum Feasible Reduction ») qui suppose le maximum de diminution des émissions.

Ce que disent les scénarios étudiés

Pour les espèces gazeuses, les simulations menées selon le scénario CLE montrent une diminution de 33 % à 51 % (en fonction du modèle adopté et/ou de la saison considérée) pour le dioxyde d’azote. Cette diminution est en grande partie liée aux hypothèses de réductions des émissions de NO2 grâce aux réglementations, et ce tout particulièrement en hiver.

L’impact sur l’ozone présente une baisse des concentrations moyennes annuelles (voir la figure ci-dessous), avec une différenciation saisonnière. Pour l’été, les concentrations baissent de 11 % et 16 % par rapport à aujourd’hui, elles augmentent modérément, de 3 % à 13 %, en hiver. Il a été montré que ces résultats étaient significatifs du point de vue statistique sur presque toute l’Europe.