Amerique du Nord

Journal International de Médecine - Obamacare et IVG bienvenue dans l’ère Trump !

Janvier 2017, par Info santé sécu social

Washington, le mercredi 25 janvier 2017 –

« Le fait que le gouvernement de M. Trump et les républicains du Congrès mettent à profit leur première semaine aux commandes de l’Etat pour s’attaquer à la santé des femmes en dit long sur leurs priorités » a constaté désappointé le repésentant démocrate Steny Hoyer. En effet, quarante-huit heures après son investiture, entouré de six hommes de son gouvernement (et en l’absence de toute femme), Donald Trump a adopté une disposition gelant tous les financements délivrés aux organisations qui à travers le monde défendent le droit à l’avortement. Adoptée symboliquement au lendemain du quarante quatrième anniversaire de la décision Roe and Wade qui a reconnu l’avortement comme un droit constitutionnel aux Etats-Unis, cette nouvelle réglementation renoue avec des dispositions déjà adoptées par Ronald Reagan et George W. Bush. Donald Trump y a ajouté comme critère d’exclusion des financements américains le simple fait d’informer sur l’avortement. Considérée comme un signal désastreux par de nombreux observateurs, cette réglementation a déjà eu des conséquences par le passé. Une étude conduite par l’International Food Policy Research Institute au Ghana avait ainsi jugé que la suppression de ces dotations avait entraîné la fermeture de nombreuses cliniques et centres de santé et fait progresser le nombre de grossesses non désirées. En 2009, au moment de la levée de cette disposition par l’équipe d’Obama, Michaël Holscher responsable de l’association Marie Stopes International décrivait : « Non seulement nous avons perdu l’aide de l’agence américaine pour le développement international, mais il était difficile de trouver le soutien d’autres gouvernements ou de travailler avec des ONG partenaires car nous étions persona non grata aux Etats-Unis ».

L’IVG menacée dans plus de 20 Etats en cas d’annulation de la jurisprudence Roe vs Wade

Ce premier signal en défaveur de l’IVG renforce les inquiétudes de ceux qui défendent l’avortement aux Etats-Unis. Celui qui se présentait à la fin des années 90 comme « profondément pro-choix » a en effet vu sa position considérablement évoluer jusqu’à le pousser à défendre la nécessité de punir les femmes ayant recours à l’avortement pendant sa campagne, avant de revenir sur des déclarations qui avaient été très critiquées. Aujourd’hui, il s’apprête à nommer à la Cour Suprême un juge opposé à l’avortement, ce qui devrait conduire à l’annulation de la jurisprudence Roe vs Wade. Un tel revirement pourrait menacer le droit à l’IVG dans plus d’une vingtaine d’Etats. Depuis Roe vs Wade, quelques 487 lois ont été adoptées pour restreindre l’accès à l’IVG. Ces réglementations sont dans certains états si strictes que l’IVG y est quasiment impossible : 95 % des comtés du Mississipi, du Nebraska ou du Missouri ne comptent aucune clinique permettant d’avorter. L’arrivée de Trump au pouvoir a donné un nouvel élan aux anti avortement et de nouvelles dispositions ont déjà été adoptées.

Contradictions en pagaille

Parallèlement à ces attaques contre l’IVG, Donald Trump a également déjà entamé son offensive contre l’Obamacare, face à laquelle également il a tenu des propos contradictoires. Fustigeant à l’instar du camp républicain cette réforme, il a en effet cependant promis de proposer très prochainement une nouvelle loi offrant une meilleure couverture moins coûteuse aux Américains, sans cependant avoir encore livré les détailles de cette formule miracle, à laquelle de nombreux observateurs politiques américains ne croient guère. Par ailleurs, Donald Trump a indiqué qu’il pourrait conserver deux mesures induites par l’Obamacare : la couverture des enfants par l’assurance de leurs parents jusqu’à 26 ans et l’impossibilité de refuser un assuré en raison de son état de santé. Néanmoins, cet attachement à ces avancées ne l’ont pas empêché dans la foulée de son investiture d’adopter un décret qui autorise les agences de l’Etat à la plus grande souplesse dans l’application de la loi, grâce à des recours à différentes exemptions et reports.

44 000 décès supplémentaires avec la fin de l’Obamacare ?

Si les critiques contre la réforme de l’assurance maladie de Barack Obama ne sont pas uniquement portées par le camp Républicain (beaucoup chez les démocrates reconnaissent la lourdeur du système ou l’effet négatif sur la hausse des primes), la probable suppression d’une mesure qui a permis de diviser par deux le nombre d’Américains sans couverture santé est redoutée. Bernie Sanders, candidat malheureux à l’investiture démocrate a estimé que la fin de l’Obamacare pourrait être à l’origine de 36 000 décès supplémentaires chaque année. Si ces évaluations ont été contestées parce qu’elles ne tiennent pas compte des mesures qui pourraient être adoptées par l’équipe Trump et qu’elles s’appuient sur les extrapolations de résultats propres au Massachusetts, deux professeurs de santé publique ont confirmé les appréhensions de Bernie Sanders dans le Washington Post. En s’appuyant sur une étude publiée en 2012 comparant les taux de mortalité de trois Etats connaissant une couverture santé élargie par rapport à trois états voisins n’appliquant pas une telle mesure, ils jugent que la fin de l’Obamacare pourrait même conduire à 44 000 décès supplémentaires.

Bienvenue dans l’ère Trump.

Aurélie Haroche