Industrie pharmaceutique

Le Monde.fr : Levothyrox : l’Agence du médicament reconnaît que les patients n’ont pas été assez informés

Septembre 2017, par infosecusanté

Levothyrox : l’Agence du médicament reconnaît que les patients n’ont pas été assez informés

5 000 signalements d’effets inhabituels ont été enregistrés fin août. Parmi les 3 millions de patients traités au Levothyrox, certains se reportent sur des solutions prévues pour les enfants.

LE MONDE

01.09.2017

Par Pascale Santi

Fatigues, vertiges, troubles de la concentration, douleurs, palpitations… Depuis le changement, fin mars, de la formule du Levothyrox, prescrit à 3 millions de Français, notamment pour corriger l’hypothyroïdie, de nombreux patients se plaignent de symptômes gênants, voire très gênants. A la fin août, plus de 5 000 déclarations d’effets inhabituels liés au Levothyrox ont été effectuées, indique au Monde l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Alors que, tous médicaments confondus, le site signalement-sante.gouv.fr – ouvert aux médecins et usagers pour déclarer tout effet indésirable – reçoit en moyenne entre 20 à 50 signalements chaque jour, les déclarations se sont envolées depuis le 16 août, liées au Levothyrox, avec 140 ce jour-là. Jusqu’à un pic de 1 000 à 1 200 les 23 et 24 août. « Cela décroît depuis le 27 août », précise l’ANSM.

Sur les quelque 5 000 déclarations, 765 cas ont pour l’instant été transmis aux centres régionaux de pharmacovigilance, débordés. « Seuls 30 dossiers étaient complets, dont 25 présentaient des hypo ou hyperthyroïdies », souligne Dominique Martin, directeur général de l’agence. La nouvelle formule semble pouvoir jouer sur l’équilibre des hormones thyroïdiennes, sans que la cause précise de ces effets indésirables soit à ce jour élucidée. « Aucun cas grave n’a à ce jour été signalé », indique M. Martin. Une enquête de pharmacovigilance est en cours, dont les premiers résultats devraient être connus en octobre.

Rappel des faits : l’ANSM a demandé en mars 2012 au laboratoire Merck d’améliorer la formule du Levothyrox, prescrit à 80 % à des femmes, afin que le médicament soit plus stable. Le principe actif, la lévothyroxine, est resté le même. Le lactose, excipient à effet notoire pouvant entraîner des intolérances, a été remplacé par le mannitol et l’acide citrique, très utilisé dans les médicaments et dans les aliments.

« Information de médiocre qualité »

La majorité des patients n’a pas noté de changements. Cependant, dès le mois de mai, il y a eu de plus en plus de messages, notamment sur le forum de l’association Vivre sans thyroïde, qui a d’ailleurs très vite prévenu l’ANSM. Une pétition lancée le 24 juin par une patiente, demandant le retour à l’ancienne formule, a recueilli à ce jour plus de 170 000 signatures. Début juillet, Vivre sans thyroïde a adressé une lettre recommandée à l’ANSM et à Merck, listant les effets secondaires décrits par les premiers participants et s’inquiétant de la multiplication de ces signalements, explique sa présidente, Beate Bartès. L’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) a pour sa part saisi l’ANSM pour que cette nouvelle formule soit arrêtée.

En attendant, sur les réseaux sociaux, c’est l’emballement, des milliers de malades se plaignent de ces symptômes gênants, parfois de façon alarmiste. Pour Muriel Londres, de l’association Vivre sans thyroïde, c’est clair : « Malgré [nos] demandes, l’information officielle actuellement accessible aux patients traités par Levothyrox est malheureusement insuffisante, ce qui ouvre la porte à toutes les spéculations. »

De même, le médecin généraliste et blogueur Dominique Dupagne a dénoncé, jeudi 31 août sur France Inter, « la prise en compte insuffisante du problème, qui dure depuis plusieurs mois ». Pour lui, « le principal fautif dans cette affaire reste l’Agence du médicament, qui ne parvient toujours pas à communiquer correctement avec le public ». Le médecin généraliste Christian Lehmann, très actif sur Twitter, parle « d’une information d’une médiocre qualité ». Il y détaille cet événement de façon pédagogique et humoristique, et est très repris.

« Il y a eu un défaut d’information aux patients, nous en sommes conscients et ne nions pas leurs difficultés », concède Dominique Martin. Pour autant, « on ne peut pas dire que nous n’avons rien fait ». L’ANSM et le laboratoire ont adressé en février une lettre à 100 000 professionnels de santé. Nombre de patients n’ont pourtant pas été prévenus du changement de formule, ni par leur médecin ni par leur pharmacien. Un formulaire questions-réponses a depuis été élaboré, en lien avec des associations de patients. Mais qui va consulter le site de l’ANSM ? Un numéro vert a été mis en place le 23 août (0800-97-16-53). L’équipe a été submergée par les appels : en une semaine, elle en a reçu plus de 154 000. Message principal : « Les traitements ne doivent en aucun cas être interrompus ou modifiés sans avis médical. »

Conséquence directe de la panique, un nouveau problème inquiète désormais les autorités sanitaires : les reports de prescription constatés vers la L-Thyroxine, une solution en gouttes. Ne représentant jusqu’alors que 1 % des ventes, elle est essentiellement destinée aux enfants de moins de 8 ans et aux personnes souffrant de troubles de la déglutition. Si les reports se poursuivent, il y un risque de rupture de stock. Jeudi soir, l’ANSM a lancé une alerte : elle demande aux médecins et aux pharmaciens de réserver ce médicament en priorité aux personnes ne pouvant pas prendre de comprimés.

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