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Lequotidiendumedecin.fr : L’humanité ne peut s’arrêter aux frontières de la France ! » : le Pr Pitti explique pourquoi il renonce à ses insignes d’officier de la légion d’honneur

Décembre 2017, par infosecusanté

L’humanité ne peut s’arrêter aux frontières de la France ! » : le Pr Pitti explique pourquoi il renonce à ses insignes d’officier de la légion d’honneur

Coline Garré

14.12.2017

Le Pr Raphaël Pitti, médecin humanitaire, a été promu au rang d’officier de la légion d’honneur le 14 juillet dernier. Aujourd’hui, il s’apprête à écrire au Président Macron pour rendre ses insignes et protester contre l’accueil que réserve l’État aux exilés, qu’il juge à l’opposé des valeurs humanitaires qu’il défend, et pour lesquelles il a été honoré.

Le geste du Pr Pitti n’est pas un refus de toute décoration. Il ne conteste pas son grade de chevalier de la légion, reçu en 1997, en tant que médecin militaire (il intègre le service de santé des armées en 1976). « J’ai participé à de nombreuses opérations en Afrique, en ex-Yougoslavie, lors de la 1re Guerre du Golfe », explique-t-il au « Quotidien ». Le Pr Pitti est officier de l’Ordre national du mérite et récipiendaire de la Croix de guerre.

Son grade d’officier, le Pr Pitti le doit en revanche, sur proposition du ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, à son action humanitaire. Le Pr Pitti est très impliqué en Syrie, notamment en tant que responsable du pôle formation et administrateur de l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM), après s’être engagé auprès des infirmières Bulgares (cinq infirmières et un médecin palestinien ont été emprisonnés dans les pires conditions plus de huit ans par le régime lybien, accusés à tort d’avoir inoculé le VIH à des enfants) et avoir exercé à Lampedusa. En novembre dernier, il participait à une mission humanitaire auprès des réfugiés Rohingyas à Coxs Bazar, au Bangladesh.

L’écœurement du conseiller municipal

« L’humanité ne peut s’arrêter aux frontières de la France ! » s’insurge le Pr Pitti, qui en tant que conseiller municipal à Metz, en charge de l’urgence sanitaire et sociale, alerte sur les conditions d’accueil des migrants dans sa ville.

C’est notamment le sort d’une cinquantaine de personnes dont des enfants de 2 à 16 ans, à la rue le week-end dernier, qui l’a ému. Un collectif de citoyens a dû occuper illégalement un gymnase pour les mettre à l’abri. « C’était à la préfecture, à l’État d’agir, ne serait-ce que par obligation légale, en vertu de la trêve hivernale et du droit des demandeurs d’asile à être hébergé », explique-t-il.

« On ne peut être qu’atterré de ces situations dans un pays qui se veut celui de l’accueil et des droits de l’Homme, s’offusque le Pr Pitti, atterré par les demandes du ministre de l’intérieur aux ONG de participer au tri des migrants dans les centres d’hébergement*, et de sa gestion coercitive » poursuit-il, appelant à un accueil digne et inconditionnel des exilés.

« C’est encore moins acceptable de la part d’un gouvernement dont on espérait un changement. Et tant que je ne serai pas en phase avec les politiques d’accueil, je ne peux accepter une promotion à visée humanitaire », conclut-il.

* Les associations et ONG du secteur sanitaire et social ont claqué la porte d’une discussion place Beauvau, le 8 décembre dernier, pour protester contre le projet de circulaire de Gérard Collomb qui prévoit de déployer « de façon progressive » des « équipes mobiles » pour « procéder à l’évaluation administrative » des personnes étrangères en hébergement d’urgence et de « veiller à une orientation adaptée » de ces migrants selon leur droit au séjour.