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Site National du NPA : Grève démocratique et victorieuse à l’hôpital psychiatrique du Rouvray

Juin 2018, par infosecusanté

Grève démocratique et victorieuse à l’hôpital psychiatrique du Rouvray

Hôpitaux

Le Centre hospitalier du Rouvray situé à Sotteville-lès-Rouen (2200 personnes avec les structures de jour) est en surpopulation chronique avec 35 lits de camp dans les couloirs. Le 22 mars débutait une grève illimitée, qui s’est soldée par une victoire après un conflit d’une haute intensité.

Les revendications des grévistes : 52 postes de soignantEs, une réelle remise à niveau des effectifs pour accueillir de façon digne les patientEs ; la suppression des lits supplémentaires (lits de camp) ; une véritable unité pour adolescents, jusqu’alors hospitalisés avec des adultes ; une unité spécialement aménagée pour les détenuEs ; l’objectif est de mettre fin à la dégradation des conditions de travail, à la souffrance au travail afin d’assurer la qualité de soins.

Grève… de la faim

Au bout de deux mois de grève, aucune réponse de l’ARS (l’Agence régionale de santé). Le 22 mai, sept agentEs engagent alors une grève de la faim. Au bout d’une semaine, toujours le silence des financeurs, de la ministre Buzyn et de la presse nationale. Mardi 29, la visite de Benoit Hamon, attire des journalistes.

Jeudi 31 mai, les agentEs grévistes se remobilisent plus nombreux et décident d’occuper les locaux administratifs, laissés vides par la direction. Un comité de soutien est constitué, toute décision étant prise avec l’aval des grévistes de la faim, du comité de grève et de l’intersyndicale. Il regroupe des gens très divers qui veulent agir, sert à amplifier les actions décidées par les grévistes, à alerter les médias, à ouvrir le mouvement à l’extérieur de l’Hôpital.

Le week-end des 2 et 3 juin est riche en soutiens, avec la visite de Philippe Poutou et le café solidaire. Dimanche soir l’occupation des locaux est arrêtée. Les grévistes sont alors convaincus qu’il faut sortir et se montrer dans la ville. L’idée d’une manifestation est reprise pour le lundi 4 juin.

Une journée tendue, est difficile : deux grévistes de la faim sont hospitalisés. Une troisième a dû arrêter pour raison familiale. Un nouveau se met à son tour en grève de la faim. Mais le soir, bonne surprise : 1200 personnes sont au rendez-vous pour une manif préparée en deux jours ! En tête les blouses blanches, puis le comité de soutien, des familles (avec banderoles), des associations de malades, des jeunes, des élèves infirmierEs, des psychologues, des agentEs d’autres hôpitaux, des cheminotEs, des gens de l’agglomération, du Havre, de l’Eure… La CGT est là, avec voiture sono, ainsi que Solidaires. Le cortège est vivant et vibrant : des agentEs grévistes décident du parcours, des slogans, se passent le micro, appellent à des sit-in improvisés. Cela remonte le moral de tout le monde. Les médias nationaux relaient enfin la lutte ! Chaque jour il y a 2 AG. : celle des grévistes, décisionnelle, est fermée ,et une autre AG en fin d’après-midi est publique.

Le mardi 5 juin un gréviste de la faim est évacué par le SAMU. Le 6 juin l’ARS se manifeste pour la première fois : la directrice veut imposer la présence du Président de la CME (le comité médical d’établissement) et refuse de négocier les revendications. L’intersyndicale et le comité de grève quittent la table.
Jeudi 7 juin matin est prévue une mobilisation massive dans la ville avec blocage. Les dockers avaient annoncé leur présence mais ils décommandent. Les hospitalierEs, avec les cheminots, maintiennent. À 6h45, ils et elles sont 450 à la gare de Sotteville pour une longue marche jusqu’à 9h. La directrice de l’ARS, contrainte de négocier à l’hôpital est accueillie en pleine AG par un silence glacial. Des négociations acharnées commencent. Vendredi matin un appel à un rassemblement dans l’hôpital à 9h30 est lancé.

Victoire !

Vendredi 8 juin, l’AG des grévistes vote à l’unanimité les dernières propositions de l’ARS : créations de 30 postes « pérennes » (qui ne seront pas pris dans d’autres établissements), d’une unité pour adolescentEs et d’un département pour détenus.
C’est un grand moment d’émotion à l’annonce des résultats : sourires et larmes. On crie « Tous ensemble », « On a gagné ! ». Les grévistes de la faim sont acclamés ainsi que les médecins qui les ont suivis, tous les soutiens de l’agglomération, particulièrement les cheminotEs.

Ce succès est le résultat du courage des grévistes de la faim, de la détermination des agentEs, de l’unité syndicale sans faille et de la conduite démocratique de la grève ; la participation de toutes et tous, syndiquées ou non, au comité de grève et aux assemblées démocratiques quotidiennes, a permis aux grévistes de libérer leur créativité, de contrôler de bout en bout leur mouvement et les négociations ; ils ont pris des décisions dans des AG fermées tout en maintenant chaque jour des AG ouvertes permettant aux soutiens de participer à la grève à ciel ouvert et au comité de soutien de jouer un rôle utile.

Si cette victoire montre jusqu’où il est nécessaire d’aller pour faire reculer un pouvoir de gestionnaires déshumanisés, elle montre aussi que le mur du mépris peut être battu en brèche.

Correspondante